Après le décès de la fondatrice du parc animalier du Loir-et-Cher, Françoise Delord en 2021, un autre paragraphe familial se referme en 2023. Mais entre déballage médiatique et affliction fraternelle, l’affaire sera peut-être chassée par une autre information dans l’esprit des visiteurs, tout comme, elle peut aussi s’éterniser et laisser des traces durables.
Depuis quinze jours, tout le monde en aura entendu parler. Personne n’ignore plus la discorde. Le zoo-parc de Beauval, à Saint-Aignan-sur-Cher, quoiqu’on en pense, un peu comme la tarte Tatin, est un incontournable qui fait partie du paysage et de l’histoire du Loir-et-Cher. Passionnée d’animaux et particulièrement d’oiseaux, Françoise Delord a débuté en 1980 avec un parc ornithologique, qu’elle a transformé en 1989 en parc zoologique, et le succès que l’on connaît a pointé le bout de son nez. Tigres blancs, gorilles, koalas… et la consécration en 2012 avec l’accueil de deux pandas de Chine. « Le prochain animal ? Des panthères roses, » aimait à plaisanter Mme Delord de son vivant (Cf. notre photo de Une, avec ses deux enfants en 2015). En effet, elle est parvenue à transformer des licornes auxquelles, au tout début, personne ne croyait, en réalité ! La dernière fois que nous l’avons croisée, c’était dans les allées du zoo, le 18 novembre 2021, pour le baptême des jumelles panda, Huanlili et Yuandudu, en présence du footballeur Kylian MBappé et de la plongeuse Zhang Jiaqi. Elle s’est éteinte quelques jours plus tard, le 3 décembre 2021. Une jolie saga familiale. Et puis… Il faut sans doute des feuilletons pour construire une légende : Rodolphe Delord, fils de Françoise, président directeur général du zoo de Beauval, travaillait jusqu’ici avec sa soeur, Delphine Delord, fille de Françoise aussi, directrice en charge de la communication et de l’éducation. Est venu le temps d’une rumeur lors du départ en juillet 2023 vers le Sichuan du premier bébé panda né en Loir-et-Cher, devenu adulte, Yuan Meng. L’absence de Delphine Delord, d’ordinaire présente à tous les évènements, comme fin avril 2023 à l’inauguration du centre de soins et de nature avec la secrétaire d’Etat, Bérangère Couillard, a été remarquée. Fin octobre 2023, la nouvelle est tombée, confirmant : le frère licencie la soeur. Qui plus est, pour faute grave, ce qui signifie sans indemnités.
«Beauval va bien »
Et, dans ce genre de situations, l’être humain, parfois charognard, aime se repaître des malheurs des autres. « Du gâchis. Françoise Delord doit se retourner dans sa tombe, qui va les raisonner ?» lit-on ici et là sur les réseaux sociaux. « Elle aurait été dévastée, » confirme Delphine Delord, licenciée, accusée de harcèlements. Comment en sont-ils arrivés là ? Rodolphe Delord, qui recevra incessamment les insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur, explique succinctement, d’un discours similaire auprès d’autres journaux : «Ma soeur ne fait plus partie de l’opérationnel de Beauval. C’est comme ça. Ça reste ma soeur, nous avons des liens familiaux. C’est un sujet personnel. Il y a des histoires familiales dans toute entreprise. Ça a toujours été compliqué. » La séparation n’aurait-elle pas pu être effectuée autrement, proprement, sans articles de presse ? Et quid de l’impact pécuniaire et des parts de chacun dans la société ? «Cela n’intéresse que la presse locale, et les gens ont d’autres préoccupations. Je respecte ma soeur. C’est comme ça. Pourquoi une incidence financière ? C’est moi qui ait créé Beauval avec maman, ma soeur nous a rejoints ensuite. Beauval va bien, continue, et perdurera, » accepte encore de répondre M. Delord sans s’épancher.
“J’étais prête à organiser une grande fête”
Delphine Delord, à son tour, évoque cet état de faits. «Pourquoi ne pas avoir géré le familial en privé ? Ça dépasse une affaire familiale. J’étais prête à partir. J’avais dit oui. J’envisageais même une grande fête devant les journalistes et les Beauvaliens (les visiteurs(ses) du zoo et tous les gens aimant Beauval, ndlr) pour marquer mon départ, sans exposer la famille. Je suis revenue plusieurs fois vers Rodolphe Delord. La proposition financière qu’il m’a soumise était inacceptable. D’abord, parce que j’ai besoin de manger, et également, parce que Beauval, c’est plus qu’un travail. C’est mon coeur, ce sont 32 ans de ma vie ! C’est de plus mon petit frère que j’ai élevé. Lui, bâtisseur extraordinaire, et moi, dans la stratégie, nous étions complémentaires. Mais il veut la lumière et le pouvoir pour lui tout seul. Quelle tristesse.» Elle raconte sa crise d’angoisse, son arrêt maladie, son incompréhension, et confirme qu’elle attaquera aux Prud’hommes. «Le juge jugera, mais les motifs de harcèlement sont lunaires,» conclut-elle. Pas de scoop que d’affirmer que la famille, ce peut être un sujet complexe en règle générale, mais si vous ajoutez dans ce bol, argent, envie et pouvoir, cela peut vite devenir un cocktail explosif. Malheureux, et en même temps, si classique : en Sologne, Jacques Dessange, apprenti dans le petit salon de coiffure de son père à Souesmes, avait réussi à créer un empire français et même international. Avant que son propre fils, cadet, Benjamin, l’éjecte en 2008 de la direction de son propre groupe. Et là également, d’après les propos de son père, Jacques (disparu en janvier 2020), « comme un malpropre». Famille, je vous aime…
Émilie Rencien