Personne ne peut dans l’immédiat flâner au jardin, mais une pincée de beauté distanciée provoque plus de bien que de mal. Alors, quel endroit plus adéquat que Chaumont-sur-Loire pour se couper du monde tout en s’émouvant et s’emballant poétiquement ? Il faudra encore un peu patienter mais le domaine régional dévoile un avant-goût de la saison à venir, plus que jamais escomptée. Mignonne, allons voir…
« Les temps meilleurs reviendront… » Face à l’inexorable et incommensurable attente, la directrice du domaine régional de Chaumont-sur-Loire fait partager au public via les réseaux sociaux des instants saisis sur l’instant d’une nature radieuse qui ne demande qu’à être admirée, également sur http://www.domaine-chaumont.fr/fr. Après une présentation aux médias début février à Orléans, une visite presse était prévue dans le Loir-et-Cher, in situ, fin mars pour comme à l’accoutumée, chaque année, afin d’arpenter les allées d’un lieu empreint d’une poésie élégamment et savamment détonante dans un monde parfois brut de décoffrage. Mais ce n’est que reculer pour mieux contempler le moment venu, et quel spectacle nourri d’impétueuses promesses ! Le festival international des jardins, qui initialement devait débuter le 23 avril, permettra un retour aux sources ou plus précisément, à la terre mère. Ironie du sort, n’est-ce pas. « L’incroyable tragédie qui nous frappe aujourd’hui montre bien les limites d’une mondialisation effrénée, qui nous a fait perdre le sens de l’essentiel. Le thème 2020 du Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire porte sur cette problématique du nécessaire retour à une relation différente avec la nature, plus respectueuse du miracle du vivant et de la biodiversité, » commente Chantal Colleu-Dumond. « Lorsqu’ils pourront être vus, ces jardins, aux propositions très diverses, nous inviteront à une reconnection, à une symbiose avec cette Terre Mère, absolument nécessaire. Dans l’Antiquité grecque, la Terre Mère, Gaïa, Déesse mère personnifiant la terre fertile, donnant la vie, était, comme la Parvati hindoue, infiniment respectée. Dans la frénésie de la mondialisation et le développement exponentiel de sociétés tournées vers leur “croissance”, le lien humain se distend, le lien à la terre également, et devant le réchauffement climatique, il existe alors deux chemins possibles. Soit on tombe dans le catastrophisme et repli sur soi, soit au contraire, on recherche des solutions. À Chaumont, nous avons opté pour la deuxième route !”
Les plaisirs les plus simples sont les meilleurs
Sur cette voie, le public pourra croiser au total une vingtaine de jardins pour réfléchir à l’avenir. Soit autant de scénarios d’alternatives et d’espérances végétales originaires de France, de Belgique, du Mexique, de l’Inde, de Chine, d’Italie, du Brésil, etc. Des arbres au sol qui repoussent, des bâtons de graines emplis de promesses de vie, la tristesse du béton face à la puissance joyeuse du naturel, etc. Avant l’avènement de ces beaux jours tant escomptés qui résonnent de sens plus que jamais, Chantal Colleu-Dumond a de surcroît annoncé une nouvelle saison d’art. Riche d’une quinzaine d’artistes et autant de styles : les cristaux d’eau signés Léa Barbazanges, les paysages de Philippe Cognée vus derrière la vitre d’un train, la bibliothèque de merveilles végétales de Makota Azuma, et caetera, qui devait commencer quant à elle le 28 mars. En un février hivernalement pluvieux, la directrice du château et domaine de Chaumont avait tenu des propos très justes, qui tintent davantage pertinemment une poignée de semaines plus tard, rythmées par une crise sanitaire printanière d’une ampleur impromptue. “Chaumont-sur-Loire, c’est une expérience multi-sensorielle. C’est le bonheur donné de s’émerveiller, à qui sait le voir…” Il est effectivement grand temps d’ouvrir ses mirettes, autrement. À méditer, confinés.
Émilie Rencien
Photos © Éric Sander