Il paraît que les bons comptes font les bons amis. Et pourtant, quelquefois, cela ne se passe pas comme ça, mais alors pas du tout, et ce qui doit survenir arrive : à vieux comptes, nouvelles disputes. Après le “quoi qu’il en coûte” insufflé par la pandémie au Président de guerre et maintenant, le “quoiqu’il en soit” annoncé par le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal, à Blois fin avril, voici arrivé le moment du déconfinement version 3 et surtout, voici venu le temps des cerises. Pas les fruits de juin, ni même la chanson de 1886 entre amour et révolution de Jean-Baptiste Clément, reprise notamment par Montand ; quoique ! Non, voici venu le temps… des vers dans le fruit. Une époque qui finalement n’est pas nouvelle et qui, à l’instar des drupes rouges dans les arbres, apparaît, disparaît, et puis revient selon le rythme des saisons, mais pas comme une chanson populaire. Car ce mets-là n’est pas doucereux, plutôt âpre et farci de corps mous. Pour celles et ceux qui sont mis en lumière et de surcroît, pour celles et ceux qui apprennent ce découvert. Bien que ce ne soit jamais un secret de Polichinelle, il est juste gardé planqué des années. Sur la planète politique par exemple. Et si les édiles peuvent se révéler pantouflards, ou amateurs de perniflard, ils peuvent carrément se révéler rock stars ! D’ailleurs, en aparté, avant de dérouler les gros sous, combien gagne un maire ? Les indemnités varient en fonction du nombre d’habitants de leur commune. La rémunération municipale peut osciller entre 660 € (et 990 euros maximum, pour une commune de moins de 500 âmes) et dans les cas de “prestige”, plus de 7 000 euros bruts par mois (s’agissant de la ville de Paris et d’Anne Hidalgo, par exemple). Des différences notables avec les députés et sénateurs (plus de 7 000 € en brut par mois) ; présidents de communautés urbaines (entre 3 500 et 5 600 €) ; présidents de Conseils départemental ou régional (5 000 € et des brouettes) ; ministres (cela frôle les 10 000 €) ; ainsi qu’avec le Premier ministre et le Président de la République (plus de 15 000 €, sans y ajouter évidemment des avantages liés à la fonction comme logement, chauffeur, etc.). À Romorantin, pas d’échappement à cette règle numéraire, mais si le Loir-et-Cher ne fait pas de manières, en Sologne, une fois à table, c’est pitance de Crésus. Seulement voilà, à force de trop déjeuner ou dîner en se prenant pour le prince du Qatar, on peut se faire rapidement écraser au premier carrefour après avoir trop souvent actionné le tiroir-caisse commun. Difficile d’isoler une montagne. Et ainsi, naquit “Léonard au Lion d’Or” … En tant qu’ancien prof de philo au lycée Claude-de-France, Yvon Chéry, ex-conseiller municipal à la tête dans l’opposition du groupe Romo Citoyenne, sait manier la lettre et le verbe, au milieu des petits fours qui sont réservés à d’autres palais. Et son dernier titre de communiqué de presse précité est savoureux, à la fois acide et gouleyant, focalisant sur vous savez, cette récente petite fable, plus proche de l’histoire d’horreur que du conte d’honneur, révélée début mai par un média à part. Celle narrant en verres les dépenses de représentation attribuées à Jeanny Lorgeoux, maire de Romorantin depuis 1985, sous forme de repas en ville, au gastronomique Lion d’Or rue Georges-Clémenceau (mais aussi des chambres et nuitées, rubis sur l’ongle). Et alors, en mai, chacun fait bien ce qui lui sied ? Oui, mais quand il est question d’un faste payé sur le budget de la Ville de Romorantin et de la Communauté de communes du Romorantinais et du Monestois – soit 24 factures de 2017 à 2020, estimées pesant entre 66 000 euros à plus de 100 000 € – la lie fait tousser. Une historiette qui fait déjà couler beaucoup de bouche-à-oreille de la Sologne à Lyon, en passant par la Bretagne et la Côte d’Azur. Un moment de “gloire” doublé d’un coup de pub inopiné, qui attireront peut-être les curieux, ou repousseront le chaland outré des us et coutumes de la cour locale, à une époque où le citoyen exige transparence et exemplarité. En attendant derrière la vitrine dorée, le procureur de la République de Blois a ouvert une enquête pénale préliminaire pendant que le roi satrape, gravitant sous un Soleil de proximité, cherche déjà le gueux coupable et la tête à guillotiner sans autre forme de procès ni mea culpa. Cela aura vraiment inspiré à Romo Citoyenne bectance d’humour, nous citons à nouveau : “ Si le maire actuel de Romorantin avait gouverné la ville début XVIe siècle, sous François Ier, il aurait à coup sûr convié Léonard de Vinci au Lion d’or pour que le château de Chambord soit construit … à Romorantin. Et il aurait quand même été construit à Chambord. Une petite caste de privilégiés se donne en spectacle, triste spectacle, aux citoyens ordinaires. Ces pratiques relèvent d’un monde condamné, qui ne doit plus avoir cours. Détails des factures de bouche et de lit mis à part, tout était donc connu dans le principe, et depuis longtemps. Il ne suffira donc pas d’indignations aussi éphémères que tard venues, d’attaques personnelles inscrites dans des stratégies électorales pour redonner dignité aux élus et confiance citoyenne dans la politique. Avec le déconfinement, nous pourrions nous promener à Chambord. Du parc, la vue sur le château est gratuite !” Bonne idée, puisque Emmanuel Macron, lui-même, adore Chambord pour y venir régulièrement. Le premier magistrat solognot Lorgeoux (ex-PS, tenté par LREM et finalement sans étiquette), affectionne le Lion d’Or. Tandis que d’autres chefs locaux adorent les villas en Corse, les dons Lang-Epstein, ou luxueuses vétilles. À chacun son bon cœur de style ! Et voici revenu le temps d’opulence ploutocrate, pendant que d’aucuns se contentent de noyaux de cerises ?
Émilie Rencien