Le préfet de Loir-et-Cher effectue les « braquages »
Jean-Pierre Condemine a mis les mains dans le cambouis au Garage des Granges, 44 rue Bossuet à Blois. À l’ordre du jour de sa matinée consacrée à l’artisanat, démontage du carburateur d’une voiture ancienne et réglage du parallélisme du train avant.
« Le braquage des roues dans un véhicule se fait à l’aide du train avant et le système de direction afin d’assurer le guidage, le contrôle du véhicule et la limitation de l’usure des pneumatiques. Vous ne devez avoir aucun jeu dans la direction, roue à terre, et le moindre mouvement de votre volant doit faire bouger les roues. Si vous tournez le volant et que les roues ne bougent pas, là, vous avez un jeu important aux braquages. » C’est en ces termes que Christophe Marchandeau, artisan garagiste, détaillait le réglage du parallélisme du train avant d’un véhicule à Jean-Pierre Condemine, préfet de Loir-et-Cher. Et à ce dernier de s’exécuter sur le champ bien aidé par la conseillère régionale Audrey Rousselet. Tous deux avaient répondu à l’invitation de la Chambre de métiers et de l’artisanat de Loir-et-Cher qui a proposé à des personnalités du département de passer du temps chez les artisans et de partager leur quotidien.
« J’aime rouler de vieilles mécaniques »
Une invitation qui tombait à point nommé, car le préfet se passionne pour les voitures anciennes. À l’heure de la révolution de la voiture autonome sans conducteur et des dispositifs d’aide à la conduite, Jean-Pierre Condemine fait partie de ces « brontosaures » qui retrouvent du plaisir à conduire les vieilles mécaniques. « C’est un bol d’air, nous confie-t-il. Visiter les châteaux à bord d’une ancienne est une manière de ralentir le temps ». Il n’a donc pas hésité à revêtir la blouse de travail et à enfiler des gants avant de mettre les mains dans le cambouis. Lui, qui voulait être garagiste quand il était petit, avoue « ne plus faire de mécanique faute de temps ». Il se contente de changer les bougies de ses Ford des années 60, de sa Dodge ou encore de sa Peugeot 504. Une petite collection d’anciennes dont certains modèles sont parqués à Blois, d’autres à Mâcon, en Saône-et-Loire où il a gardé racines, amis et résidence secondaire. Parmi ses favorites, un ancien utilitaire Peugeot, rare et en parfait état, qu’il prête au musée Matra de Romorantin dans le cadre de l’exposition temporaire 2018. En effet, le lion de Sochaux rougira dans l’enceinte du musée de la rue des Capucins à partir du 15 avril prochain. Et si le préfet ne répare plus, il roule toujours… « Alors que l’entretien sur les anciennes n’est pas trop important, pas d’électronique ni de systèmes compliqués et hors de prix à l’intérieur des carrosseries de ces belles, il faut en revanche les faire rouler », nous explique-t-il « C’est conseillé de les sortir régulièrement puisque plus une voiture roule, plus elle est fiable ». Voilà pourquoi, même si les contraintes sont considérables, mauvais éclairage, freinage difficile, absence de direction assistée etc, vous croiserez de temps à autre Jean-Pierre Condemine sur nos routes départementales au volant d’une ancienne. Une façon, pour le représentant de l’État, de profiter pleinement de la prochaine limitation à 80 km.
ARP
La sous-préfète de Romorantin ne s’est pas laissée rouler dans la farine
Alors que certains baignaient dans des effluves d’huiles de vidange, d’autres ont évolué parmi d’agréables odeurs de sucre et de crème pralinée. Ce fut le cas de Catherine Fourcherot qui a troqué l’espace d’une heure son fauteuil à la sous-préfecture pour des ustensiles à pâtisserie.
« C’est moi qui l’ai fait ! ».
Concocter desserts et autres douceurs n’est pas forcément une tâche aussi aisée qu’il y paraît, rendue notamment populaire à force d’émissions télévisées. C’est un métier, également un savoir-faire. Un coup de patte à prendre pour manier la pâte sucrée qui fait frétiller les papilles des gourmands s’attardant devant la vitrine. Avec un peu d’entraînement et de formation, la sous-préfète de Romorantin, Catherine Fourcherot dont la fille adore pâtisser pourrait se fonder dans le moule. L’intéressée a en tout cas eu un premier contact mercredi 21 mars, dans la peau d’un artisan pâtissier-chocolatier dans les murs de « la Duchesse Anne » dans le quartier du Bourgeau (*). « Vous allez masquer, » annonce Vincent Marteau, patron des lieux. « Il s’agit d’un geste de base qui est délaissé au profit de moules qui aujourd’hui facilitent le travail. C’est un classique de la pâtisserie que je tiens pour ma part à continuer à réaliser.» Catherine Fourcheront a par conséquent « masqué », c’est-à-dire qu’elle a habillé les bords d’un gâteau tout aussi classique et incontournable, une étoile du berger, soit deux disques meringue généreusement garnis de crème au beurre pralinée décoré donc d’une étoile en sucre de glace. Un gâteau centenaire, inscrit depuis 2010 au patrimoine culinaire de France, à l’allure riche sur le papier mais finalement, très léger en bouche. La sous-préfète croit alors reconnaître une ressemblance avec un autre dessert, le « capucin » qu’elle a croisé dans l’une de ses précédentes fonctions, dans un autre département. «C’est possible, c’est comme le succès de Lenôtre, ça s’inspire,» remarque le chef d’entreprise. « Je suis parfois étonné de constater que l’étoile du berger séduit encore et encore, sans lasser. J’ai déjà tenté d’innover en le proposant en parfait glacé mais les consommateurs préfèrent rester sur la version originale. »
Derrière les gourmandises, des inquiétudes
Cette expérience, les mains dans la crème, a permis autant à la presse qu’à la sous-préfète de passer une heure « fun » mais passé ce côté détendu et divertissant, est venu le temps ce jour-là de parler chiffres et réalité du terrain. « Si on ne peut pas transmettre aux jeunes, c’est un problème. Il existe un engouement pour nos professions mais nous manquons de maîtres d’apprentissages et c’est aussi un problème,» déplore Vincent Marteau, élu à la Chambre de métiers et de l’artisanat, qui emploie 3 salariés et qui forme régulièrement des apprentis, à l’instar de Stacy qui a finalement intégré l’entreprise solognote à l’issue de son cursus. « Nos métiers demandent de l’investissement. Pour notre part, nous rencontrons des pics à Noël et à Pâques. Nous réalisons nos pralinés, nous n’utilisons pas de colorants, nous ne sommes pas des assembleurs, nous commençons la journée vers 4h ou 5h du matin pour terminer vers 17h. C’est tout cela que nous enseignons aux jeunes. C’est notre métier et également une passion.» L’artisanat pèse près de 11 000 emplois en Loir-et-Cher, avec un nombre d’entreprises en augmentation (qui s’explique par le statut d’auto-entrepreneur) et aussi à reprendre, à bon entendeur…
Émilie Rencien
(*) La pâtisserie « la Duchesse Anne » déménagera en février 2019 de l’avenue du Président-Wilson vers le coeur du centre-ville, rue du tour de la Halle, à la place de la boutique « Au fin pêcheur ».