Premier livre pour cette native de Vierzon, Raymonde Pouplier-Buy qui, à quatre vingt ans, publie un recueil de souvenirs d’enfance, récit autobiographique qui rapporte avec extrême précision les moments de sa vie de petite fille dans cette période tourmentées de notre histoire.
« J ‘ai veillé par un travail auprès des archives de Vierzon à vérifier et préciser tous les évènements cités, à rendre la peinture de cette époque la plus limpide possible aux jeunes lecteurs ignorant ce qu’ont vécu leurs aînés… ». Partie à 20 ans à Paris suite à une réussite au concours de la fonction publique, elle retrouve un jour, en faisant du ménage, un document tapé à la machine à écrire où elle avait noté les souvenirs de son enfance vierzonnaise. « Je me suis dit ; il faut que je m’organise et surtout que je mette en place une vraie écriture en corrigeant et adaptant le texte. Dix huit mois ont été consacrés à cette écriture avec l’appui, et je l’en remercie, de Monsieur Alain Leclerc archiviste à la ville de Vierzon qui a été pour moi un excellent conseiller… ». Le Petit Berrichon a rencontré cette « écrivaine » qui, modeste à souhait, se demandait encore comment à son âge elle avait pu réaliser un tel ouvrage. C’est l’ami Jean Catinaud, expert en la matière, dernier Mohican de la défense du livre avec sa maison de la presse à Vierzon dont des amis, toujours plus nombreux, lui apportent soutien et réconfort dans sa lutte pour conserver ce lieu indispensable à la culture et l’information vierzonnaises, qui accueillait Raymonde Pouplier-Buy dans son rayon spécialisé de l’histoire vierzonnaise et Sologne Berry. Tout un symbole pour ce devoir de mémoire, qui sonnait comme le bienvenu dans un milieu où le mémoriel tient une place de choix. Georges Sand disait que « l’autobiographie est un lieu d’échanges qui élève la pensée de celui qui raconte et de celui qui écoute ». C’est tout à fait ce que l’on ressent en lisant l’histoire de cette « gamine » qui, malgré l’insouciance de son jeune âge, se rendait compte qu’il se passait à Vierzon, dans son quartier, des choses graves. « C’était pour moi une vie pleine d’imprévus et de sensations et, comme presque tous les enfants, je ne pensais pas à la mort. Je n’en suis pas restée traumatisée, enfin…je le pense, mais comment en être sûre dés lors que les psychologues disent que les premières années de la vie sont très importantes pour le devenir humain… ». Nous entrons vite dans le vif du récit, la vie familiale dans le quartier des « Forges » à Vierzon ; la verrerie Thouvenin où travaillait son grand père comme graveur, son père comme souffleur et cette « ambiance familiale et paisible que j’ai vécu les premières années de ma vie jusqu’en 1939 ». Un peu d’histoire et arrive ce jour du 20 juin 1940 et les images deviennent plus nettes, les cris des voisins : « les allemands arrivent » et ensuite, la résistance qui s’organise, la « bataille de Vierzon » ; une reconnaissance notamment à ces tirailleurs sénégalais venus loin de chez eux combattre pour la France qui périrent (17000) et pour certains, faits prisonniers qui subirent de terribles représailles. A Vierzon « ils furent emprisonnés par les Allemands au camp d’internement Sourioux au lieu-dit Les Varennes à Vierzon Forges à quelques centaine de mètres de notre maison… ». La ligne de démarcation, la vie dans le quartier, les évènements qui suivirent, De Gaulle, la presse, la BBC, l‘information (clandestine qui fonctionnait malgré tout), la désinformation, la libération ; les premières élections municipales de 1945, le droit de vote des femmes, la sécurité sociale ; éléments du puzzle de reconstruction de l’Etat Français terminent cet excellent ouvrage, écrit simplement, avec souci de vérité et d’authenticité. Il se lit d’une traite et apporte un éclairage de douceur lié à l’enfance qui met à jour les émotions, les sentiments et pas seulement les faits marquants. Du bel ouvrage.
J.F.
Le Livre Trois ans en 40
Raymonde Pouplier-Buy
Editions : Publishroom