Il sera bon, mais les quantités seront faibles. Tel est l’enseignement des vendanges 2017 qui ne déborderont guère sur le mois d’octobre qu’en sancerrois.
Au lendemain des festivités saluant les quatre-vingts ans de l’AOC Reuilly, Virginie Bigonneau a retrouvé son chais pour une première journée de vendanges. « La dernière fois que les vendanges ont démarré aussi tôt c’était en 2011, l’excès d’humidité dans certaines parcelles entrainait l’apparition de pourritures, pas noble du tout. Mais le record reste détenu par 2003 avec un ban des vendanges dans la dernière semaine d’août pour récolter des baies desséchées par la canicule. Cette année on attaque tôt simplement parce que les raisins sont à point et les laisser mûrir davantage nous ferait perdre ce qui caractérise nos vins du Centre, la fraîcheur. »
Le chais de Virginie installé à Brinay où, il voisine avec celui de Jean Tatin, est à égale distance de ses parcelles en AOC Reuilly et Quincy. « Douze kilomètres pour Reuilly, dix pour Quincy, avec la qualité des bennes c’est raisonnable, la vendange arrive en excellent état. »
Effectivement, lors de l’arrivée de la troisième benne de pinot gris de la journée la vendange est de belle qualité. Les machines à vendanger sont parfaitement au point et les grains de raisin se détachent bien, si bien que les grappes et les morceaux de feuilles
sont pratiquement inexistantes. « Nous faisons passer, précise Virginie, un ouvrier dans les rangs, en particulier pour le pinot noir, afin de de supprimer les vert jus, ces grappes tardives qui ne se sont pas développées et supprimer les grappes abimées. » Une belle vendange mais des quantités de 20 à 30 % inférieure à une année normale. « La faute au gel et à la sécheresse, explique encore la vigneronne, mais nous ne sommes pas les plus à plaindre. Il faut dire aussi que le vignoble de Quincy est protégé par les éoliennes anti-gel et que nous avons deux éoliennes sur nos parcelles de Reuilly. »
La vendange déchargée est immédiatement pressée dans le pressoir pneumatique qui traite les baies en douceur avant d’envoyer le jus obtenu dans une cuve thermorégulée.
« C’est le froid qui nous permet de contrôler la fermentation. Nous rentrons une vendange à 13°, il n’y aura pas besoin, cette année encore, d’utiliser de sucre pour obtenir le degré alcoolique souhaité. Le jus séjournera dans une première cuve le temps du débourbage et sera stocké dans une deuxième pour la fermentation. Nos cuves sont équipées d’un système de décanteur pour séparer le jus des boues. Des boues que l’on va ensuite filtrer pour les réincorporer après remise en fermentation afin d’apporter du gras au vin. »
Virginie est secondée par Elodie qui vient d’arriver sur le domaine pour opérer ce travail en cave et suivre tout le processus de fermentation. « La possibilité de suivre celle-ci en jouant sur la température est effectivement un gros progrès, même si pour faire du bon vin il faut avoir une belle vendange, la technique nous permet de rectifier les défauts qui pourraient apparaitre, pas de transformer la piquette en nectar. »
Virginie reste à l’écart du débat entre bio et traditionnel. Elle a une formation technique haut de gamme : deux années d’oenologie après une licence de biochimie. Le reste elle l‘a appris sur le tas, dans les pas de son père, Gérard qui avait développé le vignoble du grand-père sur une propriété où la culture céréalière est restée un pan important de l’activité.
« Mon père a commencé la vinification au chais de Reuilly, initié par Claude Lafond en 92 et à la cave romane en 93 pour le Quincy et puis nous avons installé notre propre chais. »
Elle ne prétend pas à la dénomination vin Bio. « Plus tard peut-être, mais on travaille dans le respect du terrain, du cépage, de la typicité, nos sols sont enherbés, le sol est travaillé au pied des ceps. Au niveau de la cave on est dans la règlementation. Le problème, c’est notre climat, or on ne peut pas prendre le risque de perdre une récolte à cause du mildiou. Cela dit on est de plus en plus respectueux de l’environnement, c’est aussi notre cadre de vie. »
Pierre Belsoeur
Menetou a retrouvé le sourire, Châteaumeillant grimace
Le gel a épargné le vignoble de Menetou-Salon en revanche Châteaumeillant a été durement touché de même que les côteaux du Giennois et Pouilly, dans certains secteurs.
Valençay, vendanges terminées
Francis Jourdain va pouvoir souffler. « Nous avons commencé les vendanges le 6 septembre et lundi (le 18) les rouges seront rentrés. L’an passé, les vendanges avaient débuté le 17 septembre ! En volume nous serons de 25 à 35 % inférieurs à une année normale à cause du gel, puis de la grêle qui nous a touchés le 28 juin. Qualitativement, c’est bien avec du jus consistant qui donnera des rouges souples et fruités. Il n’y avait pas de raisons d’attendre et de chercher à gagner du degré pour le plaisir, on constatait d’ailleurs les premières altérations de botritis sur les baies. Ce sera un beau millésime et la chaptalisation sera inutile cette année. »
Menetou enfin une belle récolte
Jean-Jacques Tellier est un vigneron heureux. « On a tous bon moral la quantité est bonne, il n’y a pas de maladie sur les raisins et les nuits fraiches vont donner aux blancs la vivacité qui convient au terroir. L’an passé, malgré le gel on avait ramassé tout ce qui avait survécu et les rouges avaient de belles concentrations, mais on obtenait 10 hl à l’ha (cinq fois moins que la normale). Les vendanges ont débuté le 15 et nous allons faire trois jours de vendanges manuelles pour les rouges et une partie des blancs avec une trentaine de vendangeurs. Les pinots noirs passent sur la table de tri afin de ne pas laisser de grappes abimées lors de la fermentation. Il faut compter dix jours de vendange. Le reste des blancs sera vendangé à la machine. Bien menées les machines font désormais de l’excellent travail. Le millésime s’annonce vraiment très réussi. »
Châteaumeillant, seul Vesdun échappe au gel
Claire Goyon encaisse le coup « On va commencer à vendanger fin septembre le peu de raisin que le gel de fin avril nous a laissé. Ce sera bon, mais en petite quantité. Comme on commercialise nos rouges avec un an de décalage c’est fin 2018 début 2019 que se posera le problème de satisfaire la demande. »
Pierre Picot a été beaucoup moins touché à Vesdun. « C’est la première fois que je vois des pieds gelés sur le domaine de Chaillot, le thermomètre est descendu à moins six de minuit à six heures du matin. Les blancs, plus développés ont été ratatinés, il n’y aura ni Tressaillier, ni Chardonnay cette année. Pour les rouges et rosés ce sera une année à peu près normale. Mais on doit constater que nous sommes confrontés à des phénomènes extrêmes. Le nombre de jour de grêle n’augmente pas, mais la taille des grêlons, si. Cette année, je n’aurai que quatre à cinq jours de vendange, manuelle, contre dix habituellement puisque j’interviens aussi pour des propriétaires de Châteaumeillant. Un manque à gagner en terme de prestation et d’utilisation du chais, mais rien, en comparaison avec ce qu’ont subi mes collègues. On attaquera les rosés le 20 et les rouges le 24 et on aura donc terminé avant la fin du mois. »
Sancerre laisse mûrir ses raisins
Eric Louis à Thauvenay se hâte lentement. « Nous avons démarré le 13 à Thauvenay sur les parcelles le plus mûres où nous n’avons ramassés qu’une demie récolte. Nous avons eu un peu de gel et un petit coup de grêle, mais rien de bien méchant. La suite devrait être conforme à la normale. Mais, nous prenons notre temps, nous avons de beaux degrés à 13,5° et attendons d’arriver à la maturité aromatique. Un exercice d’équilibre qui réclame une surveillance des pourritures sèches qui risquent de repartir si le taux d’humidité s’élève. Qualitativement, il y avait des choses à gagner. Un pari que nous pouvons tenter dans la mesure où cette année toute notre vendange est mécanique. Le blanc est très prometteur avec une belle tonicité et une belle acidité. Pour le rouge on a tellement cherché à aérer nos grappes en laissant quatre grappes par pied et en effeuillant que l’on est normalement à l’abri de la pourriture. Dans quinze jours la récolte sera terminée et compte tenu de sa qualité, le travail en cave sera, presque, une formalité. »
P.B.