Le président de l’AMRF (Association des Maires ruraux de France) et maire de Gargilesse-Dampierre (Indre) Vanik Berberian s’exprime sans filtre sur le résultat de cette présidentielle hors normes, et aimerait aussi que le logiciel change dans la perception de la ruralité par les dirigeants du pays.
Le Petit Berrichon : Que pensez-vous de cette élection hors normes à tous points de vue ?
Vanik Berberian : C’est tout à fait hors norme. Le bon présage à y voir c’est le sentiment d’arriver à une fin de cycle. Il n’y aura un renouveau que s’il y a un changement de méthode, une manière d’être, l’incarnation d’une nouvelle politique. Ceux qui squattent les plateaux télé depuis 30 ans, les Français n’en veulent plus. Les gens comme moi qui rament dans la ruralité fondent quelques espoirs… Cette campagne, je l’ai surtout regardée sous l’angle de la ruralité justement. Souvent, quand les candidats commencent à en parler, deux minutes après ils parlent d’agriculture. Or ce n’est pas que ça, la ruralité, justement.
L.P.B. : Est-ce qu’Emmanuel Macron réussit là où François Bayrou avait échoué ?
V.B. : Tout à fait. François Bayrou a toujours eu raison avant les autres. C’est ce qui m’a fait l’écouter, je l’ai trouvé courageux. Ce qu’il disait, c’était ce qu’on fait nous tous les jours dans les communes rurales, il était sensible à ça. Une station d’épuration, elle n’est ni de droite, ni de gauche : elle fonctionne ou pas ; c’est ça notre quotidien. Lui, il avait une lucidité sur le pays, et faisait la synthèse entre une France urbaine et techno et en même temps il a une connaissance charnelle de la ruralité.
L.P.B. : L’ampleur du vote FN dans la ruralité va-t-elle se confirmer lors les législatives ?
V.B. : Le vote FN est l’expression d’un malaise, et d’une attente. Le sujet c’est ça. Le vote FN, c’est un socle de gens qui votent Marine Le Pen et son programme. Et un socle qui vote pour elle parce que ça va emmerder les autres. Le territoire et les communes, c’est rarement un sujet pour les politiques. Et on le paie.
L.P.B. : La place de l’éducation et de la culture en milieu rural serait-elle une clé du recul du vote FN ? Même si c’est difficile, on voit dans certains territoires ruraux qu’il peut exister une offre culturelle de qualité…
V.B. : Sans doute. La place de la culture et de l’éducation est essentielle. Ce qui m’attriste en discutant avec le FN, c’est qu’il y a plein de gens simples, du quotidien, pour lesquels je n’ai pas d’explication. Or on ne soupçonne pas tout ce qui peut se passer dans la ruralité : savez-vous qu’il y a un festival de harpe à Gargilesse depuis 50 ans ? Il se passe des choses… Souvent, le problème c’est qui y va ? Les gens simples disent que ça n’est pas pour eux, ou pour les touristes. Je crois qu’il faut aussi travailler sur le mot « rural » lui-même, fabriquer une autre image de la ruralité. Quand on dit rural, on nous renvoie systématiquement au XIXe siècle. La ruralité, ce n’est pas que les chemises à carreaux et la nostalgie.
Propos recueillis par F. Sabourin