La commune de Valaire est un peu comme le village d’Astérix, avec à sa tête, un édile qui irréductiblement persiste et signe dans son combat pour le blaireau et autres espèces susceptibles d’occasionner des dégâts.
« J’ai le courage des inconscients !» Une femme, maire, qui ne dépose pas les armes, cela peut forcément froisser dans une société de brutes épaisses. Cela peut aussi attirer les soutiens engagés et bienveillants face à une cause humainement juste et honorablement défendable. Catherine Le Troquier a commencé à agiter la sphère rurale à la mi-septembre 2019 en prenant un arrêté interdisant la vénerie sous terre sur sa commune, Valaire, comptant une centaine d’âmes, à proximité d’Ouchamps et de Monthou-sur-Bièvre, dans le Controis-en-Sologne, pour la période de chasse 2019-2020. L’élue a été convoquée le 23 octobre 2019 au tribunal administratif d’Orléans. Une poignée de mois plus tard, nouvelle année mais même combat en 2020. Catherine Le Troquier ne plie pas, à l’affût du jugement imminent au fond de son arrêté communal qui prohibe de manière assumée. «Ce dernier a été suspendu par le juge des référés le 25 octobre 2019. Nous sommes en attente de l’audience dont la date, possiblement en février, devrait nous être rapidement communiquée. » Le feu est quoiqu’il en soit déjà mis aux poudres au regard de provocations mortifères. « Dans un esprit de revanche, certains chasseurs se sont livrés à du déterrage de blaireaux à Valaire en décembre 2019,» confirme et déplore Madame le maire. De l’aveu même du propriétaire que j’ai eu au téléphone, cette famille de blaireaux était présente sur sa parcelle agricole depuis plus de dix ans, elle ne causait aucun dégât sérieux. La DDT et la fédération des chasseurs (*) ont été mises au courant. En vain. Parce que d’autre part, la chambre d’agriculture de Loir-et-Cher a publié une motion afin de classer le blaireau dans la liste des animaux «susceptibles d’occasionner des dégâts ». Les arguments font notamment allusion au « contexte économique très tendu » et aux « multiples dégâts dus aux sangliers ». Les blaireaux se déguiseraient-ils en sangliers la nuit… ?. Et surtout, je dénonce l’État complice, mettant des bâtons dans les roues de petites communes qui se battent pour une pédagogie éclairée sur le patrimoine vivant. La ruralité, ce n’est pas un concours de destruction. On court à la catastrophe à vouloir tout concentrer dans la main de l’acharnement de fous de la gâchette. Ca suffit ! Il est temps de réagir.»
Petite commune, grand combat
Pour le moment, c’est en quelque sorte le serpent qui se mord la queue. Mais à coeur vaillant, rien d’impossible, alors l’élue n’abdique pas, arguant sur le fait que d’autres solutions sont possibles face à une méthode de chasse qu’elle qualifie de « cruelle sur des animaux nocturnes et pacifiques. » Elle poursuit. « Chaque jour, à la mairie, nous recevons des soutiens de particuliers, d’associations, d’élus aussi, de responsables politiques, de députés, de sénateurs… Le sénateur du Bas-Rhin, par exemple. » Elle cite en sus le préfet du Doubs qui en novembre 2019 a retiré le renard de la liste des animaux nuisibles sur 117 communes, là même où les agriculteurs ont signé un contrat de lutte contre l’invasion de rongeurs de type campagnols. Car le blaireau est l’animal qui masque la forêt des cruautés parfois d’un autre âge. À trop vouloir contrôler, on dérègle tout et on en perd le bon sens, souhaite faire entendre calmement l’édile de Valaire qui rappelle que sur son village, un inventaire de la biodiversité communale (IBC) est en cours, ainsi qu’un plan de protection de la biodiversité accompagnant un projet d’accueil des touristes traversant Valaire par les routes des châteaux à vélo. Sa position coup de poing s’accompagne de formules osées qui sortent des sentiers battus. Qui provoqueront peut-être à force l’électrochoc ? « Il ne s’agit pas d’opposer les uns avec les autres mais à l’heure de la sixième extinction de masse, il est temps de faire autrement, conclut Catherine Le Troquier. Si le carnage continue, c’est comme si l’on disait qu’on allait confier un parc de loisirs à des tueurs en série… »
É. Rencien
(*) Sollicitées, la préfecture et la fédération des chasseurs de Loir-et-Cher n’avaient pas répondu à l’heure où nous imprimions ce numéro.