«L’avenir n’est que du présent à mettre en ordre…» à lire Antoine de Saint-Exupéry. Une expression pour débuter ce cru 2022 en écho à une situation sanitaire et anxiogène, pas si simple qu’une citation, qui perdure deux ans après le premier choc Covid. Vers de nouvelles aventures ? Souvenons-nous d’un examen où une question philosophique nous était soumise : “le provisoire dure-t-il?” À la sortie de l’adolescence, hormis exposer une poignée d’esprits et d’auteurs abordés en cours, l’interrogation, à l’instar de la réponse, n’est pas forcément palpable ni parlante. Avec la pandémie depuis 2020, elle devient tangible.
Mais la routine pouvant s’avérer mortelle, nous retiendrons de 2021 certains épisodes biscornus. De prime abord, des pépites télévisées ébouriffantes comme les brigades d’un soir entraperçues dans l’émission familiale diffusée sur M6 “Tous en cuisine” du beau gosse médiatique Cyril Lignac, grâce à certains invité(e)s installés derrière les fourneaux : la ministre déléguée auprès du ministère de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, écaillant des oeufs en direct devant les Français depuis la place Beauvau. Ou encore les postérieurs dénudés des danseuses de l’ancien chorégraphe de la Star Academy, Kamel Ouali, en plein préliminaire de recette de cannellonis ! Au milieu du gel, des masques et des vaccins, entre deux batailles d’élus à force de pass sanitaire puis vaccinal, nous retiendrons en sus de 2021 l’accès toujours aussi compliqué lors des déplacements de l’actuel Président de la République. Entre boucanier et corsaire ! Pour suivre un déplacement d’Emmanuel Macron, la mission est si impossible que même Tom Cruise échouerait avec son hélicoptère. Car notre carte de presse se crashe bien à chaque tentative. Pour changer des réponses négatives en Loir-et-Cher, nous avons voulu voir Vierzon le 7 décembre et … nous n’avons rien vu, hormis à la TV; une nouvelle fois, pas d’accréditation pour les “petits” médias, la note aux rédactions en circuit fermé, indiquant d’emblée “les accréditations sont closes” ! Un jeu déjà terminé sans avoir pu tenter de participer, c’est plus fort qu’un café corsé… Ouf, le service de communication de l’Élysée nous a alors proposé l’opportunité d’être dans la boucle Whatsapp pour suivre à distance sur notre téléphone. Et … nous n’avons pas été inclus sur l’appli non plus ! Pas de cadeau au pied du sapin de notre métier dans nos souliers.
Plus carabiné que nos déboires, nous retiendrons enfin de 2021 la société coronavirusée d’une agressivité torrentielle. Bien loin du jour merveilleux d’après tant fantasmé dans le pré des licornes unies en 2020. Plus proche des Kärcher du passé sur le retour grâce à Valérie Pécresse espérant sans doute par ce biais le soutien de Nicolas Sarkozy. Sur fond de scène lunaire de semi-bagarre entre l’insoumis Alexis Corbière et le marcheur Cormier-Bouligeon dans l’hémicycle national. Dans cette violent foulée, en décembre dernier, toujours dans le Cher, la député démocrate Nadia Essayan informait la presse “d’un dépôt de plainte au commissariat de Vierzon. Elle en explique la raison : “pour mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à ma vie privée, familiale professionnelle, et menaces de morts répétées, par mail et toutes deux d’une violence inouïe. Je fais partie des 52 députés visés par des menaces de mort, et dont les adresses personnelles sont étalées publiquement. La cause de cette violence serait notre soutien au projet de loi sur le pass vaccinal. J’avais déjà reçu des menaces aussi graves lors du projet de loi sur les accords commerciaux avec le Canada (le CETA). Je refuse de les banaliser. (…) Il y a derrière ces mails une forme de terrorisme (…).”
En lisant ces quelques souvenirs (il y a plein d’autres, évidemment) peu allègres, nous constatons qu’en définitive, il serait vain de souhaiter, sincèrement ou hypocritement, les traditionnels “meilleurs voeux”. Dans ce capharnaüm empli d’anaphores, de cages dorées d’individualismes exacerbés, de grillages et de conchiages, dans une nouvelle année qui enferme en son sein une nouvelle élection présidentielle, la vraie aventure consiste donc à créer la recette de son propre septième ciel, éventuellement à partager pour essaimer un autre virus aux gouttelettes de positivité. Pour retrouver une humeur badine, commencez par feuilleter le bouquin humoristique de Jessica Cymerman, maman de quatre enfants, qui dépeint avec humour le fait que certes, la vraie vie n’est pas parfaite mais pour autant, qu’elle n’est pas non plus celle d’Insta(gram) ou plus largement, des réseaux sociaux qui parfois abaissent le niveau de manière nauséabonde et distillent leurs loups à craindre. La morale de la bloggeuse et journaliste Cymerman, derrière les #hashtags ? Savourez un steak ou dégustez des légumes, faites ça après le premier verre ou patientez jusqu’au mariage, trinquez avec des bulles ou préparez un smoothie, utilisez le micro-ondes ou cuisinez comme une élue sous les ors la République…
Peu importe. Surtout, plus que d’ordinaire, vivez votre vie et suivez votre propre chemin. “Je continuerai à être moi, à faire des excès, à rire fort, à manger des frites, à ne pas faire de yoga… Elle n’a pas gagné 10 000 followers mais elle est heureuse, et c’est l’essentiel”, pourrait être une phrase de bon sens à apposer sur toutes les cartes de voeux de 2+0+2+2, loin des diktats que la société attend de vous. Le seul leitmotiv à souhaiter pour ce chapitre de douze nouveaux mois qui s’ouvre se niche là, offert en blanc-seing. Assaisonnez d’une citation issue des belles lettres de Voltaire : “Une bonne année répare le dommage des deux mauvaises. J’ai décidé d’être heureux, c’est meilleur pour la santé”. Et vous voici, avec ces résolutions, l’aventurier détenteur d’un vaccin joyeux à administrer sans ordonnance, sans hésiter, en liberté. En traversant la rue, avec bonheur.
Émilie Rencien