En cette période estivale, on préfère parler de « sea, sex and sun ». Mais c’est aussi le moment de mettre en avant des parcours atypiques qui peuvent aider à prendre du recul sur la vie en général et à relativiser les petits bobos du quotidien, depuis son transat sur la plage. Portraits, rencontres.
Dorine Bourneton, tel un oiseau voguant dans les nuages
Seule rescapée d’un accident d’avion à l’âge de 16 ans, la pilote de voltige était l’invitée des Internationaux de tennis de Blois lundi 18 juin, dans le cadre d’une soirée « entreprise, sport et handicap », organisée par le Medef. Un parcours qui force l’admiration. Petite mais costaude.
« Ce qui ne tue pas rend plus fort ». Ou encore, « mieux vaut être oiseau libre que roi captif », selon les adages consacrés qui nous font songer à Dorine Bourneton, fille d’un pilote amateur, baignant dans le monde de l’aviation depuis son plus jeune âge, confrontée très tôt au caractère parfois cruel de l’existence. Son fauteuil roulant n’est pas un obstacle, elle l’a transformé en atout plutôt que de baisser les bras, portée par une passion dévorante, sans limites, en dépit de l’adversité. « A 16 ans, vous avez tout à construire et cela vous tombe dessus, vous ne comprenez pas ce qui se passe. Nous étions quatre, j’étais la seule survivante. Je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. Regardez Django Reinhardt, sa caravane a brûlé, il lui restait trois doigts, et pourtant. C’est une manière de voir la vie soit on reste sur un échec, soit on rebondit. Il m’aurait été insupportable de ne pas donner une raison à cet accident. Je suis une miraculée, pourquoi moi ? Il a fallu que je trouve une réponse. Mermoz, Saint-Exupéry… ils sont tous tombés et sont tous remontés ; C’étaient mes rockstars à moi, et non Beyoncé ! » confie la jeune femme avec humour et piquant. Alors, Dorine Bourneton a pris le manche par les cornes et est reparti vers ces cieux qu’elle aurait pu détester. « être optimiste permet de s’adapter, à aller chercher des solutions plutôt que de rester sur les problèmes. Pour accomplir mes rêves, j’avais plus à perdre en perdant ma joie qu’en perdant mes jambes. » Et depuis, elle flirte ainsi avec les nuages, devenant la première femme paraplégique au monde à voltiger dans les airs. Elle est d’ailleurs engagée dans la professionnalisation des pilotes handicapés dans l’aviation civile. « Une fois dans mon avion qui peut savoir que je suis dans un fauteuil roulant ? Personne. Je suis un pilote, point. Comme quand on conduit sa voiture. On est un chauffeur à part entière, le handicap reste au sol. Quand vous êtes là-haut, vous n’avez pas le temps de réfléchir. Je n’ai peut-être pas de grandes jambes mais j’ai de gros bras ! (Rires) Je danse dans le ciel, je retrouve ma liberté dans cette dimension. Avec le sentiment de glisser, de caresser les filets d’air et on fait l’amour à l’espace comme le dit si bien le grand pilote aux grandes moustaches et aux grandes chaussures, Jacques Krine. Et une fois qu’on y a goûté, c’est comme faire l’amour, on ne peut plus s’en passer… ! » Dorine Bourneton, qui aime donc « s’envoyer en l’air », continue son ascension pionnière, sur le petit écran cette fois : elle a participé à quatre documentaires sur l’aviation qui seront diffusés sur France 5 à 20 h 50, à partir du 29 juin.
Emilie Rencien
L’entreprise adaptée Les Ateliers du Grain d’Or a le vent en poupe
L’entreprise adaptée des Ateliers du Grain d’Or a inauguré ses nouveaux locaux au mois de juin. Elle s’est installée en avril 2017 au 29 rue André Boulle, à Blois, et dispose d’un bâtiment plus grand qui lui permet de développer de nouvelles activités.
La différence, une force ? L’entreprise adaptée les Ateliers du Grain d’Or le prouve et mène différentes activités à destination des entreprises et collectivités : création, entretien et remise en état d’espaces verts, nettoyage et propreté de locaux, collecte et recyclage de déchets de bureaux (papiers, cartons, gobelets, verre, documents confidentiels, piles, cartouches d’encre…), sous-traitance industrielle et cuisine centrale. Elle compte parmi ses clients Daher Aérospace, Delphi et Mercura. « Nous sommes une entreprise de services avant tout avec des clients et fournisseurs locaux, du Loir-et-Cher et des départements limitrophes », souligne le directeur, Patrice Petit. Auparavant installée à La Chaussée Saint-Victor, la société a déménagé à Blois pour avoir des locaux plus grands. Depuis août 2017, l’activité de recyclage des déchets de bureau a été développée. Ce sont 16 à 20 tonnes de papiers par mois, dont des documents confidentiels, qui sont triés, détruits, puis envoyés pour être recyclés. « L’avantage pour les collectivités et entreprises privées qui font appel à notre service est qu’ils n’ont qu’un seul interlocuteur pour l’ensemble de leurs déchets de bureau avec un planning de collecte établi à l’avance », précise le directeur. Concernant l’activité des espaces verts en particulier et l’ensemble des services proposés, Patrice Petit a voulu rendre les personnes handicapées plus autonomes. En effet, 90 % du personnel de production est en situation de handicap, donc les machines sont adaptées pour être notamment moins lourdes et moins bruyantes. « Nous avons aussi deux véhicules automatiques, des sièges ergonomiques et nous faisons en sorte que les personnes ne travaillent pas tout le temps debout », précise-t-il. Aujourd’hui, l’objectif pour les Ateliers du Grain d’Or est de développer et stabiliser les activités de la cuisine centrale et du recyclage.
Chloé Cartier-Santino
L’EA des Ateliers du Grain d’Or
L’entreprise adaptée du Grain d’Or a été créée en 1987, elle emploie actuellement 60 travailleurs handicapés et 25 autres personnes. Elle fait partie de l’Adapei 41, association créée en 1961 qui est engagée pour offrir aux personnes handicapées l’accompagnement, l’éducation, la formation, les soins, le travail, l’hébergement, la protection et l’insertion auxquelles elles ont droit, aussi bien dans ou hors des établissements gérés. En 2018, l’Adapei compte 350 salariés et se place comme le 12e employeur privé du Loir-et-Cher avec
15 établissements et services.
Qu’est-ce qu’une entreprise adaptée ?
Les Entreprises adaptées (EA) sont des unités économiques qui offrent une activité professionnelle adaptée aux possibilités des travailleurs en situation de handicap. Elles existent et se développent sur un marché concurrentiel et sont soumises aux mêmes contraintes que toute autre entreprise. Elles proposent leurs services aux établissements assujettis ou non à l’obligation d’emploi sous la forme de contrat de sous-traitance ou de mise à disposition de personnel. Ces établissements peuvent donc répondre partiellement à leur obligation d’emploi et réduire leur contribution AGEFIPH ou FIPHFP.
Le cri de colère d’une famille confrontée au handicap
Rosalie, belle jeune fille de 16 ans est une adolescente comme les autres avec un caractère en pleine affirmation. Sa vie est pourtant totalement différente de celle des jeunes de son âge puisqu’elle est handicapée moteur, plus exactement, tétraparétique.
Un accouchement prématuré à 6 mois de grossesse, un poids de naissance de
1 kg 100, des complications, de longs mois en couveuse… et un verdict. Rosalie ne pourra pas marcher et souffre de nombreux troubles de la motricité. Elle a en revanche toutes ses facultés intellectuelles. Commence alors un combat au quotidien pour cette famille. C’est d’abord l’entrée en maternelle puis en primaire qui se fera dans une école « classique » à proximité de son domicile grâce à la présence d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) puis le passage au collège en classe ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire). Rosalie effectue ainsi jusqu’en 5e une scolarité quasi normale. Mais depuis les choses se compliquent. Une poursuite en 4e et 3e n’est pas envisageable, son handicap nécessite le recours à des moyens spécifiques pour le suivi médical et une éducation spécifique, il faut donc intégrer un établissement spécialisé, un IEM (Institut éducatif de motricité – à ne pas confondre avec un IME, institut médico-éducatif). Le problème ? Il n’en existe aucun en Loir-et-Cher. Le plus proche est celui de Tours, la prise en charge est en adéquation avec son handicap, mais il n’y a pas de place. Le centre de formation professionnelle et éducative La Couronnerie à Olivet (45) leur est alors proposé, mais l’établissement n’est pas adapté à ses troubles moteur. Vient ensuite Bourges qui propose un accueil pour handicapés moteur et mental, mais dès la salle d’attente la famille comprend que la solution n’est pas ici non plus. C’est finalement à Couzeix, à côté de Limoges, que Rosalie trouvera une place dans un IEM qui propose une prise en charge adaptée à sa déficience motrice.
Une situation inadmissible
On pourrait se dire à la lecture de ces dernières lignes, c’est parfait, tout va bien, tout est réglé ! Et bien non, surtout pas. Effectivement, Rosalie a une place, mais imaginons que chaque semaine pour se rendre dans son IEM, elle doit effectuer 3 heures aller et 3 heures retour de trajet en voiture. Alors que l’apprentissage scolaire lui demande plus d’énergie et de temps qu’à un autre enfant, qu’elle doit constamment faire de la rééducation, elle supporte un temps de transport bien supérieur à celui d’un collégien. Elle souffre par ailleurs de l’éloignement de sa famille alors qu’elle est psychologiquement plus fragile. Il est certain que, si à la rentrée prochaine, nous annoncions à des parents de collégiens valides que par manque de place leurs enfants seront scolarisés à 300 km de chez eux, qu’ils passeront chaque lundi matin et vendredi après-midi dans une voiture, cela déclencherait un tel tollé que les médias ne parleraient plus que de ça.
Que voulons-nous pour les handicapés ?
Au delà de cette situation plane la question très angoissante du « après ? ». Rosalie ne peut pas vivre seule, elle peut rester dans son IEM jusqu’à ses 20 ans. Mais après ? Aura-t-elle une place ailleurs ? Que faire si elle n’a pas de place ? Le dispositif législatif, avec l’amendement Creton, permet le maintien temporaire de jeunes adultes de plus de 20 ans, en établissements d’éducation spéciale, dans l’attente d’une place dans un établissement pour adultes. Rosalie ne devrait donc pas se retrouver à la rue, mais sera-t-elle orientée vers un établissement adapté à son handicap ? Comme le souligne son père « dirigerait-on une personne valide qui a une jambe cassée en psychiatrie pour se faire soigner ? Évidemment non, c’est pourtant ce que l’on fait avec les personnes handicapées. » Devant ces incohérences et le manque de solution, les parents de Rosalie ont souhaité interpeller les élus. Ils ont écrit au président de la République, à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, au député, au président du conseil départemental, au médiateur de la République… et ont reçu à peu près les mêmes réponses : « soyez persuadés de notre engagement » et bla bla bla… Ou pire ils se renvoient la balle. Rosalie et sa famille sont en colère, très en colère et ont décidé de nous interpeller, nous, les valides. « C’est à nous de faire évoluer les choses, quel projet voulons-nous pour ces jeunes ? On nous dit que créer des établissements coûtent cher, mais les transports ont aussi un coût, l’éloignement a un coût ? La réalité est qu’il ne s’agit pas de finances mais plutôt de l’absence de volonté politique de s’occuper de nos personnes handicapées. Il faut vraiment que cela évolue ! »
Frédérique Rose
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