Une France Orange mécanique, et même Jaune élastique


Tout va bien, Madame la marquise ? À écouter Érik Orsenna, membre de l’Académie française et président d’Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves, lors de son intervention en visio, au congrès national de l’union internationale pour la conservation pour la nature, l’UICN, le 11 octobre, installé à Saint-Aignan-sur-Cher au zoo de Beauval, “c’est la fin des classes moyennes, économiquement et écologiquement parlant. Nous n’avons plus de climats modérés et tempérés. Les pauvres sont de plus en plus pauvres, les riches de plus en plus riches, ceux qui détiennent de l’eau en ont davantage encore (…) En 2050, il faudra trouver plus de 20 % d’eau. L’eau est très inégalement répartie; en Afrique, qui représente 60 % de la population mondiale, il y en a seulement 30 %.” Alors, ça va… Cela dépend de quel côté du dorage de la pilule chacun se niche. En fonction de sa position, il est probable que cela rapproche de la barricade. Pléthore de variants Covid, mais sans sanve de Dijon, essence, énergie. Il nous reste les cols roulés, le cheval et la bonne vieille carriole ! Oubliées les voitures électriques car il faut veiller à ne pas faire exploser la centrale… Celles et ceux qui étaient grands sur les pavés un certain mois de mai, alors que je n’étais même pas encore conçue, aperçoivent dans ce mois d’octobre 2022, dépourvu de carburants mais empli de conflits sociaux, un relent de grève sauvage et générale, entre le “ça a commencé comme ça” et le “c’était mieux avant”. En songeant l’espace d’un instant au “Germinal” d’Émile Zola, pour ma génération née une année garnie d’un mois de mai marqué d’une élection historique à gauche faisant gagner l’espoir, cet automne 2022 possède un air de déjà-vu et d’after de la crise des ronds-points et des Gilets jaunes qui avait échappé au Gouvernement en octobre 2018. Quatre ans plus tard, le sentiment imprimé sous l’effet de la fronde CGT, – qui prend en otage les raffineries et par voie de conséquence, les Français qui se lèvent et travaillent (les fameux “milieux de cordée”, formulation chère à bien d’expressions politiques de droite),- est celui à nouveau d’un État qui a serré les fesses, courbé l’échine, baissé le regard, pensant que le chien aboie, les caravanes passent et les vaches regardent passer le train. En somme, en souhaitant que ceci disparaisse comme c’est venu. Sauf que, sans se mentir, les voeux se réalisent rarement, même en les prononçant à voix haute, ou en sautant sur les genoux d’un faux Père Noël. Nada. Alors, bis repetita pour la théorie de l’élastique qui fouette avec violence les travailleurs moins bien lotis, qui auraient des raisons de gémir mais qui n’ont pas le luxe d’exercer leur droit de grève, trop accaparés par les tracas quotidiens et la marmite à faire bouillir. Ces tempêtes successives, rythmées d’une pandémie qui a laissé des traces autant dans les mentalités que les porte-monnaies, additionnée d’une guerre aux portes de l’Europe, ne nous interrogent-elles pas une ixième fois sur notre manière de consommer ? Toujours d’après Érik Orsenna, “sans eau ni ressource d’eau, il n’y a pas d’existence; 3 milliards de personnes ne peuvent pas réaliser de gestes simples comme se laver les mains quotidiennement.” Donc, si nous osons regarder l’iceberg bien en face, nos luttes, parfois légitimes, parfois moins, à coups de moutarde et de jerricans, ne sont-elles pas une préoccupation égoïste de pays riches ? Cohabiter, partager (les richesses, ou son territoire avec le loup par exemple, sans le massacrer…), trouver un équilibre : avons-nous oublié ? Les visites chez le médecin de famille dans son cabinet sans gel ni masque, quand nous étions loupiots la goutte de rhume au nez, sans plus de drame : sommes-nous soumis à la folie d’un bouton reset qui fait paniquer le monde au moindre risque mortel ou de pénurie ? En définitive, les êtres humains naissent, meurent; les années, décennies et siècles, filent, mais le socle de l’humanité ne change pas d’un iota. Il paraît que les garçons, eux aussi, sont comme un caoutchouc; ils viennent, s’en vont car ont besoin d’espace, puis reviennent bien en place, vers les filles qui se languissent de les croquer. À l’instar des époques, salées. Si le soleil, dopé aux CO2 et émissions de gaz à effet de serre, chauffe beaucoup trop la planète et nos corps, ses rayons ont du mal en ce moment à percer nos coeurs de bonheurs. Mais nous sommes sauvés : la Star Academy revient bien sur TF1 ! Si vous avez encore de l’électricité, vous pourrez regarder. Il vaut mieux finir par rire de ce monde azimuté. Dans la manche de son gilet.

Émilie Rencien