Trois petites lettres devenues grandes avant le printemps. Trois lettres qui en disent long, qui comptent tellement ! Interruption Volontaire de Grossesse. Le curseur, d’une apparence patriarcale inexorable, s’incline positivement, définitivement. Plus de barricades ni de corsets. Accompagnée d’une Marseillaise revisitée et féminisée par la verve de la formidable Catherine Ringer, ça y est, l’I.V.G. est désormais inscrite dans la Constitution française. Le chemin peut sembler évident, maintenant, et a posteriori, chacun(e) se demandera : mais pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Parfois, quand l’être humain peut faire simple, il préfère choisir la complexité. Alors, merci pour ce parcours de combattantes : Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Simone Veil, Gisèle Halimi, Françoise Sagan, Agnès Varda, Catherine Deneuve, Annie Zelensky, pour ne citer qu’elles, et moult autres guerrières sans lesquelles nous n’en serions pas là … Aussi, toutes ces valeureuses signataires du manifeste des 343, déclarant “avoir avorté”, qui savaient porter la culotte sans ciller, le 5 avril 1971, dans les colonnes du « Nouvel Observateur », en faveur de la légalisation de l’avortement. Acte irréversible qui s’effectuait autrefois souvent en douce, avec les divers risques inhérents, puisqu’il était interdit pénalement, illégal en France, bien avant la loi Veil de 1975 puis la révolution #MeToo du XXIe siècle.
Un temps passé que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, et que je n’ai guère connu non plus, n’étant sans doute même pas une micro-poussière dans cet univers il y a cinquante années en arrière. En 2024, les femmes peuvent passer le permis et conduire, signer des chèques sans l’aval d’un homme, posséder un compte bancaire, revêtir le pantalon et le string, occuper un poste à responsabilités (si la possibilité daigne être accordée…), multiplier les amant(e)s,
libérer leur parole face aux malotrus… Et choisir de ne pas vouloir d’enfants, y compris par accident. Ce droit, fondamental, de disposer de son corps !
Toutefois, ne soyons pas naïves, ces prérogatives restent encore une bataille incandescente. En 2024, pour preuve, sur le calendrier, la journée du 8 mars demeure consacrée à la lutte pour les droits de la gent féminine. Les modèles et cases s’avèrent très tenaces. Mais loin d’être indélébiles : cette constitutionnalisation de l’I.V.G., donc, lors d’une cérémonie officielle à Paris le 8 mars 2024, date symbolique, justement, grave enfin dans le marbre la flagrance, malgré la persistance de boucliers et d’anathèmes scandés par quelques poignées d’irréductibles anti.
“Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile”, dixit Friedrich Wilhelm Nietzsche, en 1885. La riflette n’est pas totalement close, mais les idées cheminent, les lignes bougent document et sûrement : ainsi, le consentement pourrait être inscrit dans le droit français prochainement, d’après les dernières sorties déclaratives du Président de la République, Emmanuel Macron.
Et puis, au moins, dans une époque de latitudes instables et incertaines, avec ces une, deux, trois lettres consacrées, I.V.G., tout n’est finalement pas perdu et évaporé. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour la femme et l’humanité.
Au minimum, cette once de sursaut, salutaire, éclaire, fugacement, nos chères démocraties pas encore avortées mais déboussolées, chancelantes, se délitant sous l’effet de la montée de leur versant obscur, à savoir les populismes. Inutile d’évoquer l’épée de Damoclès-Poutine, l’éventuel come-back Trump, sans oublier le retour d’une tempête portugaise dans un pays qui avait pourtant naguère réussi à interrompre les vents mauvais de l’autocrate Salazar. Et peut-être la bascule pour d’autres, plus ou moins proches, bientôt…
Par conséquent, consolons-nous avec ce petit pas, ce phare dans la nuit : liberté, égalité … I.V.G. !