– Avertissement –
Ces histoires sont vraies. Seules les identités citées et, parfois, certains noms de lieux ont été modifiés afin de préserver l’identité des personnes citées. Mais les événements rapportés ici sont si insolites que cette précaution n’enlève rien à la force du récit.
« Quoiqu’on en dise, l’amour c’est l’espérance » a écrit Alfred de Musset, l’un des pères du romantisme qui -on le sait – a beaucoup exploré les beaux sentiments et les choses du cœur. Patrick S… un jeune blésois de vingt-trois ans pourrait confirmer la maxime du poète tant sa patience a été soumise à rude épreuve au temps où, discrètement, il a aimé la jeune et jolie Mary. Une curieuse histoire que celle-ci. Pour en mesurer toute l’ampleur mélancolique qui la caractérise, elle exige de situer et les faits et l’action qui se sont produits durant deux années au milieu des années quatre-vingt-dix.
Grand, Patrick S… a les cheveux bruns coupés à demi-longs dont la mèche droite tombe sur son front à la façon de celle portée par Alain Delon au temps de sa splendeur. Les yeux noirs et vifs, le visage ovale et souriant donnent au visage de ce jeune homme un petit air d’acteur hollywoodien. Garçon sans histoires, calme, élevé dans des valeurs traditionnelles un tantinet désuètes, étudiant brillant (il préparait un doctorat de lettres), Patrick est issu d’une vielle famille bourgeoise de Blois et a longtemps habité avec ses parents dans une maison cossue, non loin de la rue des « Trois Marchands ». Patrick avait peu de copains, encore moins d’amis et les quelques sorties qu’il s’est permises durant son adolescence et, plus tard, lorsqu’il est un tout jeune adulte, ont toujours été en relation avec ses études. Très tôt, sa passion pour les musées, les expositions d’art, les grandes bibliothèques ont renforcé sa culture générale ; il a pratiqué longtemps le tennis dont le jeu offensif et la vitesse de son service ont fait, longtemps, l’admiration de ses camarades. Par ailleurs il a fréquenté beaucoup les salles de cinéma et sa connaissance du 7° art a laissé pantois plus d’un de ses amis. A priori, le profil de Patrick était celui du gendre idéal. Mais Patrick avait un sérieux handicap : il était d’une timidité maladive et n’osait pas aborder les jeunes filles ; lorsqu’il était devant l’une d’elles, il était paralysé et ce, au grand dam de sa mère. Alors, un jour, à l’occasion de son anniversaire, elle organisa une « Garden party ». Parmi les invités il y avait Mary O… une irlandaise de son âge qui, plusieurs fois, était venue dans la famille de Patrick parfaire la langue de Molière. Les parents de Patrick et ceux de Mary étaient devenus amis et les uns et les autres avaient fomenté cette réception avec l’espoir que les deux jeunes gens s’apprécieraient. N’étaient-ils pas en âge de convoler en justes noces ? Pour les parents de Patrick et de Mary, cette Garden party n’était qu’un prétexte pour rapprocher leurs enfants. C’était le but inavoué de la réception. D’ailleurs, lorsque Mary apparut en public, Patrick eut le coup de foudre. La jeune irlandaise avec ses longs cheveux auburn, son teint presque diaphane et son minois perlé de taches de rousseur, rayonnait de beauté. Mais Patrick, timide, se contenta de lui faire la conversation et se garda de montrer son émoi. Il ne se passa donc rien entre eux. Le lendemain de la fête, Mary et ses parents quittèrent Blois et retournèrent en Irlande. Mais désormais le cœur de Patrick battait la chamade. Alors, il prit une décision : il lui écrirait, il lui dirait… enfin, peut-être ou… pas tout de suite, ou mieux… il lui laisserait deviner ses intentions amoureuses. Ainsi, la première lettre ne dévoila rien de la tendresse que Patrick portait à Mary. Ce fut peu à peu que le prétendant, au fil de ses courriers, laissa deviner ses sentiments. Mais, mystérieusement, Mary ne répondait pas aux lettres de Patrick. Le jeune homme ne renonça pas. Chaque jour, il signait une nouvelle missive et lui envoyait. Après plusieurs semaines il osa même évoquer l’amour qu’il portait à sa belle Mary qui, pour on ne sait quelle raison, restait toujours silencieuse. Qu’importe ! Patrick persévéra. Les mois passèrent et il continua d’écrire des lettres de plus en plus enflammées. Il en rédigea trois, quatre, cinq, six et sept cent en deux ans ! Enfin, n’en pouvant plus du silence de Mary, Patrick, au sept-cent-unième courrier, demanda la main de sa dulcinée. Et cette fois, Mary répondit. Oui, écrivit-elle, j’accepte de me marier. Mais Mary précisait aussi dans son courrier que Patrick n’était pas l’heureux élu. Mary aimait un autre homme qu’elle avait appris à connaître pendant deux ans, chaque matin. Et c’est ainsi que Mary, la jolie irlandaise, épousa le facteur, l’homme qui, chaque matin et depuis plus de vingt-quatre mois, lui avait apporté les lettres passionnées de Patrick.