Taxes américaines et réchauffement climatique ont nourri les conversations. Pourtant le moral est au beau fixe: le cru 2019 est généreux en volume et en qualité.
«Pour le moment vignerons, importateurs et détaillants on pris chacun leur part des 25% de taxes américaines, mais si Trump passe à100%, ce ne sera plus la même musique.» Le marché américain est essentiel pour les vins de Loire, les blancs en particulier. Il représente le quart des exportations de ce producteur de reuilly et parfois davantage pour les Sancerrois. Alors forcément le nom de Trump a résonné dans les allées du salon d’Angers les 3 et 4 février, et encore plus fort une semaine plus tard à Paris où les volumes traités sont encore plus importants.
À Angers première sortie officielle du nouveau millésime, on a aussi parlé changement climatique. À cause des épisodes caniculaires des mois de juin et août, mais aussi des gelées tardives. « Avec les hivers doux, la vigne démarre plus vite et le gel de fin avril, qui était une anomalie exceptionnelle, tend à devenir une donnée récurrente. Il a fallu y répondre en s’équipant en éoliennes.»
Une dépense supplémentaire qui s’ajoute au désherbage mécanique. «On revient en fait à ce qui se faisait voici quarante ans, affirment les vignerons des différents vignobles du Val de Loire, le désherbage chimique est un épisode fâcheux qui est en train de se refermer.» Entre les bio du salon La levée de la Loire et les traditionnels du Salon des vins de Loire, la tendance est à proscrire les produits chimiques : totalement pour les premiers, en les conservant ( pour combien de temps ?), pour traiter les pieds de vigne pour les seconds. Encore faut-il trouver le matériel adapté car l’ouvrier agricole est une denrée de plus en plus rare.
Un salon convivial
L’édition 2020 du salon, confirme un retour à l’équilibre. Après les saignées liées à la création du salon de Paris, le nombre des exposants est stabilisé. Avec le voisinage de La Levée de la Loire, mais aussi des différents manifestations liées au vins nature et les rassemblements de vignerons indépendants, Angers demeure une destination incontournable des amateurs de vin et des vignerons.
Pour Barbara Cohen, Romorantinaise expatriée à Wissous où la réputation de La Grange aux Dîmes, son restaurant gastronomique, n’est plus à faire, le salon est un retour aux sources. « J’ai longtemps été une inconditionnelle du bordeaux, mais je redécouvre les crus locaux comme le valençay, en bonne place sur ma carte et les cuvées haut de gamme de reuilly que Pascal Dethune (repreneur du domaine Cordaillat) me convainc d’intégrer à ma cave. Et cette fois je fais découvrir le salon à ma fille. Elle termine sa formation en œnotourisme, après un séjour en Chine (d’avant le corona virus) et tâte déjà le vin aussi bien que sa mère !» »
Paroles de médaillés
Pour Damien et Delphine Cadoux (Domaine le Portail à Cheverny), ce salon est l’occasion de faire apprécier leur Cheverny blanc qui vient d’être récompensé du seul liger d’or attribué à l’appellation « C’est un assemblage, détaille Damien, de 80% de sauvignon et 20% de chardonnay qui se caractérise par un nez explosif et une belle persistance en bouche. Mon but est de faire un vin aromatique. La touche de chardonnay l’arrondit et apporte du gras en fin de bouche. Un vin qui peut se déguster en apéritif ou en début de repas.» Damien propose aussi du Cour-Cheverny. Le 2019 est encore à l’élevage sur lie, mais le 2018 est disponible. Un cru bienvenu après deux années 2016 et 2017 catastrophique pour cette appellation. La récolte 2019 va permettre de reconstituer les stocks.
Samuel Baron (Domaine Baron à Thésée), installé dans le salon La Levée de la Loire, démontre que vin bio et qualité vont parfaitement de pair puisque son touraine chenonceaux décroche également un liger d’or. « Le déclic date de 2010, Je suis papa de deux filles et je ne voulais pas leur infliger le contact avec les produits chimiques. Il a été difficile de rentabiliser le passage au bio pendant les trois ou quatre premières années. Désormais on est remonté à 45hl à l’hectare, il a fallu convaincre les acheteurs de payer un peu plus cher, mais les réseaux de distribution sont en place. Le bio, tout le monde va devoir y passer, simplement on a pris un peu d’avance.»
Cette année, il lui a fallu vendanger son sauvignon à la fraîche pour conserver et préserver les arômes. « On a démarré le sauvignon 9 septembre et enchaîné avec le côt. Le 25 tout était terminé. Dans ces cas là il vaut mieux avoir une machine, on ne peut pas faire venir les vendangeur de nuit.»
On rencontre encore des nouveaux venus à Angers. Premier salon et premier liger d’or pour Maxime Hubert, jeune vigneron au parcours étonnant: études à Bordeaux, premier emploi chez Bertrand Minchin ( Menetou-Salon) puis tour du monde viticole pendant trois ans en Afrique du Sud, Argentine, Etats-Unis et Nouvelle Zélande avant un retour au pays. Les vignerons de Quincy, qui produisent aussi du Châteaumeillant en commun au chais de la Bidoire, l’ont pris sous leur aile. Il est leur salarié au chais et développe parallèlement son propre domaine, un hectare pour le moment et une vigne en friche qu’il remet en état. «L’an prochain j’aurai du rosé en plus du rouge. Je travaille en agriculture raisonnée, avec respect de la biodiversité, désherbage mécanique. Le bio ? pourquoi pas. Avec le bel outil de travail de la Bidoire, mon avenir est à Châteaumeillant.
«Tant que le salon existera, nous reviendrons à Angers.» Ils ont été plusieurs à émettre exactement la même opinion, preuve que ce salon est utile aux vignerons du Val de Loire. Alors, à l’année prochaine.
Pierre Belsœur
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