Paris répond oui ! Nous étions le 6 octobre, dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, et autant avouer que cette journée s’est révélée historique pour les élus et acteurs mobilisés sur la limitation de l’engrillagement de parcelles privées. Il faudra encore la confirmation du Sénat, mais sans vendre la peau de l’ours, le texte de loi sur ce sujet paraît en bonne voie de promulgation.
À écouter la secrétaire d’État, chargée d’écologie, Bérangère Couillard, “cela va désormais aller très vite”. D’ici la fin de l’année ? Des pressions peuvent survenir, ne soyons pas naïfs, mais il n’empêche que l’espoir soulevé semble tenir bon, sans trop de résistances, après une première lecture favorable, au Sénat en janvier, puis un débat et des amendements positifs, cet automne à l’Assemblée Nationale, de la proposition de loi (PPL) “visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée”. Cette PPL rédigée par le sénateur LR du Loiret, Jean-Noël Cardoux, a été amendée pendant quatre heures de 15h à 19h le 6 octobre par les députés de tous bords à Paris. Dès le premier article, le scrutin a donné “100 pour” et “0 contre”. Un nombre inédit, confirmé par Mme Couillard que nous avons croisée à la sortie de l’hémicycle ce jeudi-là. “J’ai échangé aussitôt avec le sénateur Cardoux, et il était satisfait. Le vote au Sénat se réalisera, sans doute rapidement, en confiance, soit lors d’une niche LR, soit sur un temps parlementaire.” Dans les tribunes rouges du bâtiment sur le Quai d’Orsay ce 6 octobre à Paris, aux premiers rangs, étaient installés Marie et Raymond Louis, duo infatigable à la tête de l’association des “Amis des chemins de Sologne”. Leurs visages étaient émus, leurs yeux un peu mouillés. “Le combat de 25 ans, le combat d’une vie. C’est émouvant, nous sommes d’accord avec pas mal d’amendements; le texte n’oublie pas le droit de propriété et il est bien de plus que le fait de pénétrer dans une propriété sans autorisation soit sanctionné par une contravention. Le premier qui a fait bouger les lignes, c’est le député Cormier-Bouligeon, puis le sénateur Cardoux a pris le relais. Nous sommes heureux,” ont-ils confié, après justement l’applaudissement du discours du député du Cher (Renaissance / LREM), François Cormier-Bouligeon.
“Merci Marie et Raymond”, et “nos amis de la presse locale”
L’élu Cormier-Bouligeon n’a d’ailleurs lors de cette fameuse session d’octobre pas manqué de citer Maurice-Genevoix mais surtout “Marie et Raymond, il y a cinq ans, après ma première élection, à la demande, venaient me parler de la Sologne. Comme tous les amoureux de notre magnifique forêt, je la voyais se couvrir de hauts grillages, s’enclore, s’emprisonner. C’est de cela que venait me parler les dirigeants de cette association lanceuse d’alerte, bientôt rejointe par d’autres associations, et de nombreux citoyens de toutes conditions et de toutes opinions. Plus de 4 000 km de hauts grillages, coiffés de barbelés, enterrés dans le sol ! Il n’y en avait que 110 km en 1974, comme me le rappelait M. Jacques Baillon, en me transmettant récemment le journal datant de cette époque, “Les naturalistes de l’Orléanais”. Nous ne voulons plus de cela !” Cet élu berrichon n’a pas manqué encore de dénoncer “cet engrillagement épouvantable, qui balafre nos paysages naturels, qui emprisonne des animaux sauvages par centaines et milliers, où ils sont semi-domestiqués par nourrissage artificiel, affouragement, agrainage, avant d’être massacrés par dizaine, par centaine, lors de weekends qui n’ont, disons-le avec la plus grande netteté, strictement rien à avoir avec la chasse ». Il a enfin salué “un travail courageux et ambitieux que nous avons conduit ces dernières années,” énumérant des noms (“(le ministre) Marc Fesneau, soutien fidèle; François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, et son vice-président Jean-François Bridet, l’acteur François Cluzet, le cinéaste Nicolas Vanier, les maires, élus, concitoyens, les chasseurs qui refusent un effroyable ball-trap cynégétique, le CCAS, l’association contre l’engrillagement de la Sologne, l’association Chasseurs, Promeneurs, Faune Libre”…). En précisant : “Je ne veux pas oublier nos amis de la presse locale, au premier rang desquels Le Petit Solognot”.
1er janvier 2027
Dans l’enthousiasme et l’euphorie, le rapporteur de la PPL, Richard Ramos, s’est sans doute emballé en parlant de “loi Ramos”, la joie parfois… Il a toutefois lui aussi contribué à l’avancée du dossier. C’est en effet M. Ramos qui a proposé de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale dans une niche de son parti Modem et d’engager une concertation pour apporter certaines modifications au texte initial. “Le dialogue a été constructif et avec l’aide efficace du Gouvernement, nous sommes parvenus à un accord, un vote unanime en séance publique,” explique-t-il par voie de communiqué co-signé avec M. Cardoux. Ensemble, ils confirment : “La porte semble maintenant ouverte pour un vote conforme au Sénat qui pourrait intervenir rapidement, mettant fin ainsi à 30 ans de controverses et de faux espoirs, et aussi pour le plus grand bien de la faune sauvage.” La députée du Loiret, Mathilde Paris (RN), qui a notamment fait part du cas du “ventre ouvert par un renard” d’une biche portant un faon, prise dans une clôture par les pattes, a à son tour remercié « particulièrement Marie et Raymond Louis” et s’est positionnée “mobilisée sur l‘urgence de légiférer, avec mon collègue Roger Chudeau, pour protéger la Sologne face aux ravages de son engrillagement.” Dominique Norguet, président du Comité central agricole de la Sologne (CCAS), a approuvé depuis le Loir-et-Cher tous ces constats. « Le CCAS apprécie l’équilibre du texte Cardoux, entre la liberté retrouvée de la faune sauvage et le respect de la propriété privée qui est un aspect non négligeable de l’acceptabilité de la loi. Condition de son efficacité ». Outre la Sologne, il a été rappelé depuis la capitale que le phénomène se retrouve également désormais un peu partout en France, en Pays-Fort, dans le Sancerrois, en Brenne, en Normandie et en Gironde. Enfin, pour revenir à la PPL, la notion des “30 ans” a été particulièrement retenue, jugée “solide juridiquement”, et donc, la date de 1992 a été retenue (et non 2005, puis 1985, comme initialement avancé), ce qui signifie que le champ d’application législatif viserait les installations à partir de cette année. Si la loi Cardoux est définitivement adoptée, les propriétaires concernés auraient ensuite 5 ans, soit d’ici le 1er janvier 2027, pour se mettre en conformité. Si le Sénat valide, les futures clôtures pourraient être posées à 30 cm au-dessus du sol et ne pas excéder une hauteur de 1,20 m.
É. Rencien
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Gibier, maraîcher relaxé…
Côté “affaires,” vous avez peut-être aussi suivi celle-ci : Jean-Louis Hibry, maraîcher bio à Billy, était convoqué le 28 septembre au tribunal de Blois, accusé, du fait d’une altercation, physique et verbale, en avril avec un expert mandaté par la fédération départementale de la chasse pour l’estimation des dégâts. Alors que le procureur avait requis 500 euros d’amende pour l’agriculteur Hibry, ce dernier a finalement été relaxé par la justice le 4 octobre. Le dédouané estime que “c’est le début de quelque chose. Nous devons pouvoir nous faire entendre et respecter, ce qui est compliqué avec la Fédération des chasseurs”. À cette occasion, la Confédération paysanne Loir-et-Cher, dont il est membre, a réclamé plus de battues et dénoncé, nous citons leurs termes : “la situation invivable pour de nombreux paysans face à une gestion non maîtrisée du grand gibier et l’inaction de l’État.” Aussi, dans cette actualité brûlante, évoquons une mobilisation le 15 octobre devant la mairie de la Ferté Saint-Cyr du collectif Luttes Locales Centre, de la Confédération Paysanne, avec EELV 41, Génération.s, LFI, PCF, PS, contre le projet du golf des Pommereaux qu’ils et elles jugent selon leurs mots “pharaonique destructeur de plus de 400 hectares de terres agricoles, 119 hectares de forêt sur un site classé Natura 2000”. L’association solognote “Romo Citoyenne” affirme enfin de son côté du combat, “lancer l’alerte pour une autre Sologne, dans un autre monde, sans grillage, ni plates-formes”, d’après leur intitulé de manifestation à venir. Et elle donne une date de réunion : le 21 octobre à 19h au Centre de loisirs, 91 rue des Papillons, à Romorantin. Informations sur romocitoyenne@gmail.com et au 06 13 63 26 19.
É.R.