Autrefois dans les campagnes, la majorité des villageois étaient affublés d’un sobriquet. Il suffisait de presque rien, un aspect physique, une manie, une façon de parler et le nom était donné. Bien souvent il se transmettait de père en fils et il n’est pas rare dans certains registres d’état civil de le voir mentionné : untel dit…
Les surnoms constituent d’ailleurs la catégorie de base des noms de famille. L’individu, caractérisé par un trait marquant, se trouvait ainsi nommé dans le cercle restreint de son village et de ses proches.
C’est ainsi, par exemple, que deux personnes ayant le même nom de baptême, se verront distinguées par l’attribution d’un adjectif qui, au fil des évolutions, deviendra son nom de famille. Par exemple, si deux personnes d’un même village portent le nom de Bernard, on attribuera à l’un des deux un nom faisant référence soit à une de ses qualités propres, soit à son lieu d’habitation. Le nom ainsi donné sera alors Petibernard ou Bernarmont.
Les surnoms peuvent également désigner une expression employée fréquemment. Ainsi, un homme répétant souvent « par la grâce de Dieu » se verra appelé Pardieu.
Jusque dans les années soixante, on connaissait souvent les gens davantage par leur sobriquet que par leur nom de famille. Ainsi mon grand-père qui vivait à Paris entendait parler, quand il venait au pays, de l’épicier « cabasson ». Un jour il se rendit chez lui et lui donna du monsieur cabasson, persuadé que c’était son nom de famille.
Un monsieur âgé que j’ai connu était appelé « cayotte ». Je me suis toujours demandé pourquoi, jusqu’au jour où un autre vieillard m’a expliqué que lorsque cet homme était encore un enfant, il ne prononçait pas les r et lorsque sa mère l’envoyait garder les cochons il disait toujours « Je les ai couru dans les cayottes ». Il n’en fallait pas plus.
Au village, nous avions aussi le père Lachique, Queue de buis, Capitaine, le Mousse, et bien d’autres.
Parfois l’origine était tout simplement le nom de jeune fille d’une lointaine grand-mère : Fanchet (dûe à Fanchette). L’un de mes aïeux était surnommé Catinat du nom de sa grand-mère.
Les femmes n’échappaient pas à la règle. On leur adjoignait simplement un la devant : la Gabaude, la Papéte, la mère fouétau (parce qu’elle répétait en patois faué-t-au, faué-t-au)
Moqueries amicales, les sobriquets étaient en général bien acceptés et très vite ils se substituaient au nom de famille dans la mémoire collective.