Comme le faisait Tonton Marcel, au siècle dernier, dans l’excellent magazine À Suivre, Tonton Fabrice va vous raconter une belle histoire.
Aujourd’hui, deuxième chapitre sur la Cancel Culture (voir n°759). Après la chasse aux putois pervers de dessin animé, voilà une quinzaine de jours, partons à la traque de la littérature, aux battues de préservation du bon code moral. Ensemble, sonnons l’hallali des Lumières. Et prenons tous une once de mentalité anglo-saxonne. Avant toute levée de boucliers, reconnaissons qu’il y a des trucs à prendre, la capacité des verres à bière par exemple. Mais ça ne fait pas tout !
Prenons donc la ré-impression de livres anciens. Pas sacrés, juste anciens. Exemple récent : La Divine Comédie de Dante. Sa lecture peut être parfois abrupte, parfois ardue, parfois délicate à appréhender. Le texte a été écrit au Moyen Âge. Une époque où les érudits étaient les seuls à savoir lire. Une époque où les gens n’étaient pas plus idiots que maintenant, seulement moins instruits du monde qui les entourait. Une époque où l’on était sectaire, obtus, et surtout intransigeant quant à l’interprétation d’un texte. Bien plus encore qu’aujourd’hui. Quoique… Sept cents ans plus tard, dans une nouvelle traduction, aux Pays-Bas, on taille dans la masse d’un écrit pour ne pas blesser une partie de la population, pour ne pas blasphémer même, mais surtout pour simplifier les choses et ne pas avoir à expliquer ou faire comprendre le contexte de son écriture. Pourtant, supprimer une partie de l’Enfer n’ajoutera rien au Paradis. Tout ça parce que certains ont raté les cours d’explications de texte.
C’est dommage mais si cela se passe effectivement ailleurs, on a les mêmes à la maison. Comme pour les raviolis. Comme là-bas, nos thuriféraires de la pensée unique sont tout autant bêtes à manger du foin ou couillons comme un écrou de 8 sur une vis de 6, c’est selon. Écrivez Bleu, ils lisent Vert et n’en démordent pas. Ce n’est pas ce qui est écrit mais c’est ce qu’ils ont lu. C’est donc ce qui est la vérité, leur vérité. Supprimons donc ce Bleu et gardons le Vert pour qu’il n’y ait plus d’erreur. On parle sérieusement de l’extinction des feux, aussi, pour les chiffres Romains puisque nos congénères sont infoutus de décrypter croix-bâton-vé (XIV) pour l’attribuer à Louis le 14e. Plus facile à comprendre ou plus facile à ne pas apprendre ? On dit que 3 millions de français sont analphabètes. C’est, à quelque chose près le nombre de personnes qui suivent assez régulièrement TPMP de Cyril Hanouna. Je pose ça là et vous en ferez ce que vous voudrez !
La simplification est toujours réductrice. Du paysage, effaçons toutes les aspérités. Que les Alpes deviennent la Beauce, et que Waterloo ne soit plus une morne plaine mais une gare ferroviaire. Si on suit ce rythme effréné, la prochaine génération n’aura plus besoin de dictionnaire, même pas de Wikipédia. La science infuse, la jeunesse possédera, dirait Yoda. Comme le thé, préciserait un Pierre, Dac ou Desproges, au choix. Par contre il ne faut pas laisser trop longtemps la plante dans l’eau, l’humain non plus. Pas plus de deux minutes et demie… Après, ça prend le goût de tanin et ce n’est pas bon. Pour le thé. Pour la culture et les sciences, itou !
L’enfer vu par Dante n’est donc pas vraiment le nôtre. C’est une certitude. Pas plus que son paradis, ni son purgatoire. Par contre, l’âbime du manque de culture devient de plus en plus prégnant. Les détenteurs du certif des années 1930 n’avaient pas de téléphone portable. Ils n’avaient pas non plus connaissance de ce qui se passe au bout du monde, le bout du canton c’était déjà pas mal ! Cela ne les empêchait pas de regarder par la fenêtre ce qui se passait. Rien à voir avec les Millénials, cette jeunesse moins dorée qu’attirée par les dorures. Vous savez, celle qui refait l’histoire selon ses besoins plutôt que selon les faits. Voilà bien un genre de masturbation plus ou moins intellectuelle avec éjaculation précoce d’une pensée virtuelle qui tient plus d’un Eugène Saccomano refaisant le match après une journée de championnat de Ligue 1 que d’une réalité. Sortez le Sopalin, ça colle plus aux doigts qu’aux esprits !
Non, ce n’était certainement pas mieux avant mais qu’est-ce qu’on peut être con maintenant !