À Angers, en ce début février, le Val de Loire a le sourire. Le gel a épargné le cru 2018, un millésime exceptionnel. Le nombre des exposants est en hausse. Angers redevient le rendez-vous des vignerons.
«Je ne suis pas une très bonne commerciale, mais le vin de mon mari est tellement bon qu’il se vend tout seul.» Astuce de commerçante? En tout cas Isabelle adore faire la promotion du domaine Octavie, le prénom de son arrière grand-mère, et vendre le Touraine Oisly de la propriété. C’est vrai que cette année elle n’aura pas beaucoup de mérite. Les conditions climatiques étaient excellentes … et Noé a fait le reste. Noé c’est le mari bien sûr, qui a trouvé le domaine dans la corbeille de mariage de madame et l’a fait passer de 12 à 32 ha, dont cinq en Touraine Oisly. Un domaine en agriculture raisonnée, Terra Vitis. Autant de contraintes supplémentaires. Elles se traduisent pourtant pas une meilleure pénétration sur les marchés export: États-Unis, Allemagne, Pays-Bas. « On avait besoin de cette appellation, reconnaît Noé, pour se démarquer.» C’est le Oisly, 100% sauvignon qui tire le domaine à l’export. Isabelle est à Paris, Lille, Strasbourg, c’est un pilier de Pro Wine, le salon allemand, vous la croiserez aussi dans le nouveau salon de Paris. « Ca me fait sortir du domaine.» Le résultat c’est que 40% de la production d’Octavie part à l’export. Et justement, après deux ans d’absence Isabelle est de retour à Angers. «J’irai aussi à Paris , mais comme on a une belle récolte, on peut faire les deux.» Et elle fait aussi la promotion du Touraine Gamay qui a décroché un liger d’argent. «On a un bon terroir à sauvignon, mais on sort en rouge!» Noé doit être un peu sorcier.
Tout nouveau tout beau
Les Charpentier avaient l’habitude de présenter leur reuilly au concours des Ligers, mais c’est la première fois que Jean-Baptiste exposait à Angers. Et bim! Avalanche de récompenses : de l’or pour le rouge 2018, de l’argent pour le blanc 2018 Saint Vincent, le rouge 2017, le blanc 2017 Mano, du bronze pour le blanc 2018 Les Beaumonts et pour le gris 2018. N’en jetez plus. À la cave, François et Géraud, père et frère du commercial, ont dû faire sauter quelques bouchons! Ca tombe bien, la récolte a été excellente et Jean-Baptiste vient chercher des cavistes pour distribuer son vin. Rien de tel qu’une moisson de Liger pour appâter les nouveaux clients.
Les jurés ont été moins généreux avec Jeremy et Alexandre Villemaine, mais les deux frangins de Thésée cherchent tout de même où accrocher leurs quatre macarons avant d’accueillir leurs premiers clients. Pour eux aussi c’est leurs premiers pas au salon alors un Liger d’argent pour le Chenonceaux 2017, un deuxième pour le côt 2017, un troisième pour le sauvignon 2018 et un bronze pour le touraine vieilles vignes 2018, ça peut pas faire de mal. En réunissant les domaines de Jean-Marc, le père et de Jeremy, les voilà à la tête de 45ha, dont six en Chenonceaux. «Bien sûr il y a des contraintes, reconnait Jeremy: sélection parcellaire, validation qualitative, rendements volontairement réduits, mais Chenonceaux, c’est porteur à l’export, avec sa bouteille spéciale, bien identifiée. Ca engendre une belle dynamique.»
Du côté de la Levée de la Loire, dans le salon bio, Dominique et Jerôme Sauvète jouent aussi le Chenonceaux. La moitié de leurs 17 ha sont classés. «On vient à Angers depuis le début du salon en 88, mais on voulait travailler en bio par respect pour nos vignes et pour notre santé. On a sauté le pas en 2000 et intégré le salon bio à sa création, ça demande davantage de travail, c’est certain, mais la différence de rendement est désormais négligeable et puis nos vignes souffrent moins en période de sécheresse. Du coup c’est peut-être ce mode de culture qui a donné à nos enfants, Mathilde et Romain, l’idée de nous rejoindre et de perpétuer la tradition familiale. A leur manière en organisant des soirées à thème, des chasses au trésor dans les vignes. Et puis on travaille avec les offices de tourisme. Chenonceaux est porteur pour le vin et pour l’oenotourisme.» Les touristes ne manquent pas, en revanche ce sont les bras qui sont difficiles à trouver.
Les cheverny en ordre dispersé
D’habitude on ne pouvait pas les rater. Une dizaine de vignerons de cheverny faisaient stand commun. Et puis le gel est passé par là, il a fait éclater la structure à la suite de deux très mauvaises années. Mais ça c’était avant et Laurent Pasquier porte haut les couleurs de l’appellation avec quatre Ligers, un d’argent pour le pinot noir 2018 et trois de bronze pour pour un gamay et deux sauvignon 2018. «Heureusement que le 2018 nous a apporté quantité et qualité sinon c’était la catastrophe pour le vignoble.» Pas de Cour Cheverny au palmarès évidemment, 2016 et 2017 ont été des années blanches et le 2018 ne sera mis en bouteille qu’en septembre prochain . Mais les amateurs du cépage romorantin savent attendre.
Le quincy s’arrache
« Pratiquement tout est vendu en pré commandes.» Géraldine et Yves Chevilly ne se poussent pas du col. Les vignerons de Preuilly, comme leurs camarades du vignoble de Quincy, sont victimes du succès de leur vin. Et pourtant ils sont présents une nouvelle fois à Angers. « Ca fait des années qu’on dit que le salon est sur la pente descendante. En fait les grosses machines ont disparu, c’est redevenu un salon de vignerons. On y vient pour accrocher des clients nouveaux sur des petits volumes, se tester par rapport aux autres appellations, voir les tendances.»
Mais cette année les Chevilly vont aussi à Paris, pour voir ce que que donne le rapprochement avec ViniSud et vérifier si c’est vraiment un outil pour développer l’export. En tout cas il y avait 20% de plus d’exposants à Angers cette année. Les organisateurs n’ont pas annoncé les dates de 2020. C’était déjà le cas ces deux dernières années. Mais il y aura bien une édition 2020 à Angers, pour laquelle on parle de nouvelle gouvernance. A suivre donc.
Pierre Belsœur