“À une époque de supercherie universelle, dire ma vérité est un acte révolutionnaire”, dixit en 1949 Georges Orwell. En 2023, la citation trouve encore écho dans une période compliquée, tourmentée, voire folle, où le politique est plus qu’hier assis sur une véritable poudrière sociale. Une situation qui donne la sensation de l’écrire encore et encore, de se répéter. Un brasier sociétal nourri à force de bûches de colères larvées qui finissent par s’enflammer au grand jour, sur les ronds-points, devant les lycées, dans les cortèges de manifestants. Et cette fois, on y est, à force de se … borner. Les fondations de la Macronie, une poupée qui dit toujours « non, non, non », deviennent branlantes; elle joue gros, mais pas qu’elle seule. L’ensemble des partis, dits classiques, risquent aussi leurs peaux. L’élection présidentielle 2022 était grise dans les urnes de plus en plus désaffectées, 2027 peut s’annoncer noir puisque l’actuelle impasse démocratique ouvre un peu plus un boulevard aux idées extrêmes. Le déni avant la collision avec l’iceberg ? Bien entendu, il est possible de rejeter la faute sur le voisin : sur le duo Élisabeth Borne-Emmanuel Macron, dont les jours sont sans doute comptés, ou sur Olivier Dussopt qui n’a pas assez expliqué les nuances d’un projet de loi aux futurs travailleurs retraités ; sur les LR toujours sans maître, divisés entre Éric Ciotti et Aurélien Pradié; sur les huées de la NUPES et du RN, et aussi sur le diable et son train. Personne n’est oie blanche ni gagnant dans ce capharnaüm où un vote sur la fameuse réforme des retraites à 64 ans, même perdu à 3 ou 4 voix près, aurait été plus honorable qu’un onzième 49-3. Et pourquoi pas, repenser la méthode à marche forcée plutôt que d’attaquer la démocratie de manière précipitée ? Certes, sans étonnement, mais en vérité, peu importe le breuvage politisé, la gueule de bois est bien là pour tout le monde au réveil, après la journée chaotique du 16 mars 2023. Cela donne l’effet d’une dose d’essence jetée à nouveau sur un feu déjà très ardent. L’appel à l’unité nationale, longtemps martelé par quelques précédents Présidents de la République, n’est plus qu’un songe embrumé sous les gaz lacrymogènes depuis 2015 au moins et davantage en 2023. D’aucuns, excédés par ce sempiternel climat gaulois, avaient préféré ce mois de mars dans cet inaudible brouhaha, poster sur les réseaux sociaux un laconique “Je bosse” ! Dans ce marasme honteux où de temps à autre, il est difficile de reconnaître son pays, les néo-partis tentent de se tailler leur part du lion. Qu’il s’agisse des « Horizons » d’un ancien Premier ministre, ou de formations aux “Reconquêtes” bien plus radicales, ceux-là tentent de jouer une nouvelle partition, d’une seule et même note : la ruralité. Le Mouvement de la ruralité (ex Chasse, pêche, nature et traditions), qui porte justement dans son intitulé l’étendard précité, parle d’ailleurs de “la France silencieuse, de moins en moins soumise aux décisions d’en haut”. La ruralité, le nouveau bon filon d’élection ? “La force du local” est en tout cas mise en avant, valorisée, haranguée, cuisinée à toutes les sauces. Peut-on se réjouir depuis un département rural et agricole, le Loir-et-Cher, de cette considération, ou peut-on de manière critique y voir une énième pommade insincère ? Les plus pessimistes, dans ce contexte de violences et de politique hégémonique, cristallisé par le sujet des retraites, répondront qu’au point où nous en sommes, ce n’est plus une question de blanc-seing. Néanmoins, que l’on soit citadin ou urbain, tout ne va pas si mal en France. En dépit des difficultés actuelles, nous restons encore très chanceux si nous prenons le temps un tantinet de regarder ce qu’il se passe de mieux parfois mais également souvent de bien pire dans d’autres contrées. Voilà où nous en sommes finalement ce printemps : entre la » Lettre à France » de Michel Polnareff et » le Loir-et-Cher » de Michel Delpech, » le mal de toi » et » on dirait que ça te gêne de marcher dans la boue « . Alors, une virée à la campagne se tente, l’air y reste encore à peu près pur…
Émilie Rencien