Perché sur un léger promontoire qui jouxte la rocade nord de Vierzon nous avons découvert Bernard, son camping-car et son accordéon.
Les simples choses de la vie nous offrent parfois de rencontrer des personnages atypiques, passionnés, authentiques, prenant la vie comme ode à la sérénité, à la sagese. Intrigué par le « bonhomme » assis près de son camping-car sur l’étui qui sert à transporter son instrument, pupitre installé à bonne hauteur et rempli de partitions, casquette fixée et chaussons ouverts, nous faisons connaissance.
« Vous savez, j’adore la musique et l’accordéon en particulier et chaque année, dès que viennent les beaux jours, je pars avec mon camping-car et m’installe au gré de ma route à des endroits qui fleurent bon la nature et je joue… »
Effectivement, nous allons passer une petite heure à écouter une partie du répertoire de Bernard avec des pauses explicatives quant aux musiques jouées à un certain rythme comme les marches par exemple. Beaucoup de musette car c’est sa passion même s’il n’envisage pas de jouer dans des bals : « non ce n’est pas mon truc, j’aime mieux m’installer comme ici près de la forêt au soleil et m’attaquer à de nouvelles partitions, parfois plus difficiles les unes que les autres mais peu importe, j’ai le temps et je le prends… ». Lors de notre passage, il répétait Le Beau Danube Bleu, première composition vocale écrite par Johann Strauss fils créée en concert à Vienne en février 1867 ; dixit Bernard. Pas du plus facile assurément mais inlassablement, chaque jour, Bernard s’installe au soleil et joue sur « son piano du pauvre » ces superbes musiques qui ont enflammé et enflamment toujours les amateurs de belle musique. Puis, voyant que notre regard sur les bémols, dièses, soupirs, doubles, triples croches faisait plisser notre front ; gentiment il dit : « c’est beau vous savez de pouvoir bien jouer de tels morceaux mais il faut répéter, répéter sans cesse. Je vais vous interpréter du plus classique que j’aime particulièrement : sous les ponts de Paris… ». Après l’Autriche, Vienne et ses valses, nous voilà embarqués dans le temps des cerises et la musique de Vincent Scotto : « Pour aller à Suresnes ou bien à Charenton, tout le long de la Seine on passe sous les ponts… ». Il était temps de quitter notre baladin accordéoniste, reparti vers d’autres villages, d’autres endroits natures dans le Berry où il arrêtera son camping-car, dépliera son pupitre et assis sur son bout d’étui, il jouera, jouera encore, tous les jours, pour le plaisir, pour entretenir ces doigts de magicien qui s’agitent sur les claviers de ce qu’on nomme piano du pauvre mais lorsqu’il est tenu de cette façon, c’est de l’or que vous avez dans les mains cher
Bernard.
Jacques Feuillet