Anne-Marie, Marie-Claude et Jacqueline ont remis en état une parcelle de jardins familiaux. Il n’y pousse que des légumes africains.
Vision inattendue dans la brume d’un matin de septembre. Dans une parcelle de jardins familiaux, trois Africaines, au milieu d’un univers uniformément vert, dos cassé et couteau à la main procèdent à la récolte du mansa en papotant. Le mansa c’est un légume africain, de la famille des cardes avec un rien d’amertume. « Il permet de composer un plat pour accompagner le poisson séché, une cuisine qui nous est chère » précise Anne-Marie, sous le contrôle de Jacqueline, la chef botaniste de l’équipe.
La récolte est abondante, les grands sacs se remplissent à vue d’oeil et ne rentreront pas en un seul voyage dans la petite voiture que les trois sœurs ont louée pour transporter leur récolte. « Nous allons en cuisiner une partie et les congeler, explique Anne Marie. Marie-Claude, la parisienne, va en emporter une autre partie fraiche à Paris pour la famille, car c’est difficile à trouver et donc cher, chez les commerçants chinois, souvent. »
Dans cet univers uniformément vert on trouve aussi ce qu’on appelle des endives africaines, puis l’équivalent de nos épinards et de l’amarante comestible. Anne-Marie a aussi essayé de faire pousser des courges.
« Mais le petit ruisseau s’est vite retrouvé à sec. » Alors elle a pris le taureau par les cornes et fait poser un toit sur un espace maçonné. L’eau de pluie alimentera un récupérateur d’eau pour les prochaines récoltes.
Anne-Marie est originaire du Congo Brazzaville. Arrivée à Châteauroux depuis une dizaine, désormais retraitée de l’aide à domicile, elle avait fait ses premiers essais de culture dans le petit jardin de sa sœur mais rêvait d’avoir son propre potager.
« J’avais fait la demande depuis six ans et puis la ville m’a proposé ce terrain qu’il a fallu défricher, j’avais peur que ça pousse mal car il y a beaucoup de cailloux, et puis, vous voyez ! » s’exclame-t-elle enchantée par sa première récolte.
Dans ce jardin de femmes, elles viennent prendre un bol d’oxygène, rechercher la fraîcheur en y restant tard, les soirs d’été, profiter du calme et même si la récolte casse le dos, au milieu des rangs impeccablement alignés, elles ne se plaignent pas de leur sort bien au contraire.
« Nous avons fait venir les premières graines, mais nous laissons des plants monter pour avoir nos propres semis l’an prochain. J’essaierai aussi de faire pousser du poireau ou des tomates. Car nos légumes africains ne peuvent pousser que l’été. Le printemps est trop froid à Châteauroux. »
Ce jardin congolais en Berry n’a pas encore attiré la curiosité des jardiniers alentour, mais qui sait si un jour le mansa n’aura pas pris place dans les jardins européens. En attendant ce potager est la fierté et le paradis d’Anne-Marie.
Pierre Belsoeur