La région veut favoriser la qualité, le bio et la proximité dans les assiettes des lycéens mais toutes les difficultés sont loin d’être levées.
« Tout va très bien madame la marquise… » Cathy Munsch-Masset et Christelle de Crémiers, vice-présidentes de la région Centre-Val de Loire chargées, pour l’une de l’éducation et pour l’autre du tourisme, étaient à Châteauroux pour rencontrer les proviseurs, les chefs de cuisine et les producteurs. L’objectif de cette démarche « atteindre 20% de produits bio, de saison et locaux dans les assiettes des lycéens d’ici 2020. » Le projet est intelligent, l’objectif alléchant, mais la réalité du terrain est moins rose que ce qu’ont décrit les élues. Le conseil régional propose en effet la création d’une coopérative bio et la formation des chefs de cuisine pour utiliser les produits locaux. Des initiatives intéressantes sans doute, mais à la lumière des échanges que nous avons pu suivre le point essentiel à régler est le coût du transport.
« Nous avons des soucis de livraison en fromages de chèvre, témoigne le chef de cuisine du lycée issoldunois d’Alembert, quant aux primeurs, il n’existe aucune production à proximité et les petits producteurs ne veulent pas nous livrer. » Inquiétant sur ce qui risque de se passer dans les autres établissements, le chef de cuisine en question est un militant de cette cuisine de proximité dans un lycée pilote.
« On ne fait pas appel à nous, déplore le responsable du syndicat de la boulangerie. » Il affirme pourtant que, sollicités, ses collègues et lui-même s’organiseraient pour fournir les quantités demandées. »
Mais c’est finalement Laurent Sabourault qui a soulevé la principale difficulté. « Lorsqu’on me demande d’aller de Vendœuvres à Buzançais pour livrer six choux à 1€, comment voulez-vous que je rentabilise mes douze kilomètres de déplacement ».
Producteur de légumes et président des producteurs fermiers du Pays de Châteauroux, il n’est pas resté les deux pieds dans le même sabot.
« Après une première tentative en 2011, où justement les producteurs livraient les uns après les autres, nous venons de créer Appro 36, groupement de producteurs destiné à la restauration collective : collèges, lycées, maisons de retraite. Notre siège est à la Maison de la Brenne et nous avons embauché une animatrice pour coordonner notre action, trouver des marchés et effectuer des livraisons. Mais nous avons besoin d’investir dans un camion à compartiments séparés. On ne peut pas livrer les légumes à la même température que les produits laitiers ou la viande. Et c’est là que l’aide de la région pourrait nous être utile. Cet après-midi nous n’avons pas entendu de propositions de ce type.
Effectivement les vice-présidentes ont bien parlé de financer une application permettant de recenser les besoins et les offres, mais il est nécessaire de travailler beaucoup plus en amont.
« Nos produits ne sont pas immédiatement disponibles. Il nous faut une vision à long terme pour planter en fonction de besoins qui seront à satisfaire plusieurs mois plus tard. »
Appro 36 regroupe actuellement une trentaine de producteurs. La force de production est donc bel et bien là. Reste à trouver le moyen d’éviter le stockage, l’intérêt du circuit court est évidemment de proposer un produit frais, qui ait du goût.
L’exemple donné par un producteur de fruits d’Ardentes est révélateur, « mon prix est supérieur au prix habituel, mais ça me permet de rémunérer correctement le personnel que j’emploi et d’avoir un produit parfait. Et puis dans la masse des achats d’une collectivité ce décalage est lissé. L’autre jour, je devais livrer cinquante kilos de fraises à La Châtre. Je ne pouvais en proposer que trente kilos. Vingt kilos ont été achetés ailleurs et sur ces vingt kilos 80% ont fini à la poubelle. » Alors oui la facture d’achat du producteur était supérieure au prix habituel. Mais si l’on intègre le coût économique du gaspillage alimentaire, où est le bénéfice ?
C’est un chantier intéressant à l’évidence, pour lequel il faudra faire preuve d’imagination et d’innovation. Un chantier dans lequel il faudra privilégier l’échange entre les différents interlocuteurs et maintenir des structures souples pour régler les problèmes de logistique, avec à la clé quelques créations d’emplois. La région peut aider, mais l’entreprise réussira à condition que les solutions soient trouvées à la base.
Pierre Belsœur