Gilbert Ragot vient de fêter ses cinquante ans de licence de tennis de table. Compétiteur acharné, il est à la fois formateur, arbitre, organisateur… Portrait d’un bénévole très au-dessus de la moyenne.
C’est vrai, Gilbert Ragot n’a pas la silhouette de Cristiano Ronaldo pour faire la promotion de son sport. Le « ping » de l’Indre qu’il a dirigé pendant douze ans lui doit pourtant énormément. Combien de compétiteurs jeunes ou moins jeunes ont souri en le voyant débarquer dans l’aire de jeu avec sa silhouette voutée et ses « culs de bouteille ». La plupart sont repartis écœurés, avec un trois sets à zéro cinglant. C’est qu’il ne faut pas aller chercher son revers sous peine de grosse désillusion ! Et s’il a longtemps été un « handicapé du coup droit » l’invention du picot long a été beaucoup plus qu’une prothèse pour sa rédemption.
Cela dit Gilbert n’a pas seulement fait pleurer les gamins au bout de la table, il leur a donné son temps et sa patience, consacrant ses loisirs d’instit’ au panier de balles, relanceur infatigable pour obtenir le geste parfait de la part de ses jeunes pousses. Mais un instit’ ça a beaucoup de loisirs ! Lorsque Gilbert n’enfilait pas le maillot de la Berri pour les matches au couteau du championnat, les indiv’ et autres tournois, n’entrainait pas les jeunes, ne jouait pas les juges arbitres pour les matchs de Nationale 3 de Déols, ne présidait pas les compétitions et n’avait plus de réunions à son programme, il rédigeait ses commentaires des championnats, pimentés d’humour à deux balles, pour les journaux locaux. Et cette constance explique que le tennis de table ait une place privilégiée dans les colonnes sportives de la presse locale. Le plus étonnant c’est que ce soit un de ses premiers élèves pongistes Hervé Jubien, qui ait pris le relais pour tenir avec brio la rubrique «ping» de la Nouvelle République.
« J’ai pris ma première licence aux « Tabacs » en 1968, explique le héros du « Jubilé Gilbert Ragot » disputé le dernier samedi de juin, et je suis resté fidèle à mon club pendant cinquante ans puisqu’il est devenu la section tennis de table de La Berrichonne lorsque la Seïta a fermé boutique. Mon père était président du club mais je ne pouvais pas jouer plus tôt car j’étais pensionnaire à l’Ecole Normale. Je me souviens d’avoir débuté avec une Amoretti achetée chez Cruez – planche dans le coup doit, mousse sur le revers – Et puis est arrivé le picot long qui m’a permis d’embêter pas mal de monde… » Tellement bien que notre Gilbert est arrivé à un bon niveau régional avec un classement correspondant aux 1500 points selon la codification actuelle.
Mais Gilbert n’était pas un mono-maniaque. Instituteur à Sembleçay, puis à Villers-les-Ormes pendant quinze ans et enfin dix-sept ans à la tête de l’école des Planches à Saint-Maur, il faisait participer ses élèves aux épreuves USEP et créa le cross de Villers dont il était aussi acteur. On lui doit même, information non recoupée, la création du stade de foot de Villers !
Mais le tennis de table est resté la grande affaire de sa vie et s’il a passé douze ans à la tête du comité de l’Indre, c’est quarante-cinq ans qu’il a consacré à la formation des jeunes. Et toujours avec cet humour, un rien chambreur, qui en fait un bon client pour les troisièmes mi-temps. Gilbert raconte l’anecdote d’un partenaire qui a abandonné la raquette lorsque sa femme lui a donné à choisir entre elle et le ping. Lui a toujours choisi le ping… et le bénévolat.
Pierre Belsœur