Quand un ancien inspecteur général de l’administration de l’Éducation Nationale décide d’écrire sur sa commune, cela produit un ouvrage passionnant. Publié chez l’Harmattan, s’il-vous-plaît, Gérard Saurat offre aux petits comme aux grands une plongée documentée, de 1940 à nos jours, dans la vie d’une commune ordinaire du Loir-et-Cher. À lire sans hésiter.
“Les voix humaines, la force de l’histoire locale. Pontlevoy, Loir-et-Cher”. De prime abord, le titre peut faire songer à un bouquin pompeux et poussiéreux. Que nenni ! Si l’on s’accorde la curiosité de parcourir quelques pages, on découvre vite que le livre de Gérard Saurat est finalement vivifiant. La lecture est en sus aisée car elle peut s’effectuer par chapitres; c’est bien pensé ! Et cela peut intéresser tous les âges, alors ne passez pas votre chemin face à un ouvrage d’un acabit superbement étoffé qui mérite l’arrêt. Au fil des mots, des dizaines d’habitants témoignent sur les prénoms, les professions, les loisirs et fêtes du village, les lieux-dits, les croyances, les commerces, commerçants et artisans, les carrières de pierre et d’argile, les vestiges industriels, l’exode rural, la chasse et la pêche, l’école publique, l’abbaye, les maires, les clubs sportifs, etc. au gré des ans. Le géographe Michel Hagnerelle, confirme d’ailleurs notre ressenti, en écrivant en quatrième de couverture : “Nous sommes ici bien loin de certaines monographies classiques, souvent fastidieuses et ennuyeuses, et l’on est pris au jeu de la lecture, chaque page renouvelant l’intérêt (…) et il est indéniable qu’à travers l’histoire de ce village, c’est l’histoire de la France qui ressort en filigrane.” Gérard Saurat nous raconte à son tour, de vive voix. “Je suis arrivé à Pontlevoy en 2003. Je me suis occupé du festival de musique classique de Pontlevoy, entre autres. Beaucoup de livres existent sur le passé, comme ceux de Le Goff, mais peu évoquent la vie, le quotidien des gens. J’ai donc saisi l’opportunité de narrer la petite histoire de Pontlevoy depuis la fin de la guerre à maintenant, en réalisant une enquête approfondie, en établissant un corpus, en m’appuyant sur des données Insee. Ou encore en me penchant sur l’évolution de l’emprise agricole; personne ne s’intéresse à cette information et je le regrette, c’est fort dommage. Et surtout en suivant un autre présupposé, à savoir recueillir la parole et interviewer des gens vivants, en prenant des notes, sans appareil enregistreur entre nous. Parfois, plusieurs générations : grands-parents, enfants et petits-enfants. Certaines fratries vivent là depuis longtemps, dont celle d’un des maires, la famille de Bodard qui possède sur place des terres depuis le Premier Empire ! Tous m’ont réservé un formidable accueil et avec la sortie du livre, ils me confient qu’ils ignoraient ceci et cela. C’était mieux avant ? Non, la vie se déroulait juste autrement, les gens allaient au bistrot, discutaient davantage au café, et autres lieux de convivialité et de rencontre. La chance de Pontlevoy est sans doute d’avoir su garder des lieux d’enseignements avec 700 élèves. La palette que je présente est complète et riche.” Trois de travail lui furent effectivement nécessaires, en partant de 1922 jusqu’à 2020. Gérard Saurat conclut son livre avec une nouvelle foule de questions, par exemple celle-ci. “Et comment, pourquoi, par quels réseaux souterrains ou plus officiels, les prénoms du début du XXIe siècle subissent rigoureusement la même évolution dans le village que partout ailleurs ? Ce sera l’occasion ou le prétexte pour remettre cet ouvrage sur le métier, dans quelques décennies… ?” Une belle idée, d’autant plus que l’Histoire bégaie souvent. En attendant, bonne lecture.
É.R.
“Les voix humaines, la force de l’histoire locale. Pontlevoy, Loir-et-Cher”, éditions L’Harmattan (32 euros, 343 pages). Préfaces signées par le sénateur Jean-Marie Janssens et l’historien Dominique Iogna-Prat. Des séances de dédicaces, notamment à Blois chez la librairie Labbé, sont prévues, en fonction de l’évolution du contexte sanitaire.