Le 21 janvier, devant le public de la Scène nationale d’Orléans, le jeune peintre Jérémie Queyras a mis en couleurs les notes du clavecin de Béatrice Martin, réalisant en direct une toile de 9 mètres de large et 2 mètres de large, au son des sonates de Scarlatti, lors d’un concert présenté par les Folies Françoises.
« Je m’attendais à peu près au rendu de la toile même si c’était difficile de prévoir à l’avance le résultat, reconnaît Jérémie Queyras à l’issue du concert. Je voulais quelque chose de très chaleureux avec beaucoup de rouge et en commençant par des verts et des bleus qui feraient remonter les tons jaune et rouge avec un centre flamboyant plein de lumière et qui rayonne sur toute la toile. Peindre devant un public est très stressant car l’art visuel est une pratique solitaire au sein de son atelier et là le résultat devait être présent, en un temps limité. Je savais quelle couleur je devais utiliser lors de telle ou telle pièce. Ma connaissance de la musique me permettait de mener à bien ce travail. »
Fils du violoncelliste Jean-Guihen Queyras, Jérémie travaille depuis un an et demi avec des musiciens, avec un violoncelliste et une violoniste. « J’ai toujours aimé la musique baroque et le clavecin, précise-t-il. J’ai tout de suite accepté lorsque la claveciniste, Béatrice, m’a demandé de travailler avec elle. Comme il s’est formé une très bonne dynamique entre nous deux, nous avons eu l’idée de réaliser une performance ensemble. Le clavecin est un instrument très différent des instruments à cordes. Au point de vue dynamique, il génère un flux d’énergie constant très différent des autres instruments car chaque note est très présente. Il fait ressortir des couleurs que je n’aurai pas choisies avec un autre instrument, comme des rouges et des ocres en référence à l’Espagne où l’Italien Scarlatti a vécu, mais aussi des bleus profonds.
Performance en équipe
« Je me suis intéressée aux peintures de Jérémie, jeune peintre issu d’une famille de musiciens amis, enchaîne Béatrice Martin. Ses œuvres abstraites très colorées m’ont plu de façon intense et parlé tout de suite. Cette découverte a coïncidé avec le moment où je travaillais sur les sonates de Domenico Scarlatti et dans mon esprit, les toiles de Jérémie se sont mises en connexion. Nous avons déterminé une couleur, un effet général pour chacune des sonates que j’ai enregistrées et il a peint en écoutant ces enregistrements. Mais comme nous sommes tous les deux des artistes vivants aimant le moment unique de l’interprétation, j’ai eu très envie d’un événement où Jérémie peindrait en direct une grande toile pendant que je jouerai.
Avant le concert, claveciniste et peintre ont discuté des options et des moments où Jérémie ne peignait pas, afin que l’attention des spectateurs se concentre sur la musique et de moments où pinceau en main, il était en relation avec la musique tel un danseur. »
« Lors du concert, j’étais très tentée de regarder la toile mais il fallait que je me concentre, interprétant des pièces très difficiles techniquement » avoue la musicienne avant de reconnaître : « J’aime beaucoup le résultat car je m’attendais à quelque chose de coloré et chaleureux mais je n’avais pas anticipé les tons rosés, couleurs qu’il n’avait jamais utilisées avant ce soir et c’est très beau. »
La toile réalisée lors de ce concert hors du commun a donc rejoint les petites toiles qui correspondent chacune à une sonate de Domenico Scarletti. Elles sont à voir lors de la première exposition en solo de Jérémie Queyras à la galerie de la Scène nationale d’Orléans, jusqu’au 19 février. Avec leurs smartphones, les visiteurs peuvent en flashant la toile découvrir des courts extraits de ces performances.
F. M.