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On a gagné la guerre !

Puisque la campagne des présidentielles est désormais ouverte, hors de question dans ces quelques lignes de faire du prosélytisme en faveur de l’un ou l’autre des douze candidats potentiellement Président de la République à la fin avril. La raison en est toute simple : l’égalité de traitement, ça bouffe du texte et on passe à côté de l‘essentiel.
Samedi, sur le coup de 19h, dans le métro, dès la station Montparnasse-Bienvenue, on a entendu la première Marseillaise de la fin de journée. C’est sûr on va la gagner la guerre… Dans un faubourg de Kiev, un char vient d’exploser et ses occupants crament à l’intérieur. Les missiles courte portée tombent sur une école d’art graphique. Les familles réfugiées dans son sous-sol sont maintenant sous les décombres. On ne sait pas combien ils sont de survivants. La peña baiona est entonnée alors que les marches de la sortie « La plaine-Stade de France » sont envahies. Un chant identitaire comme celui-là, c’est une évidence, on va la gagner cette put… de guerre. Sur les bords de la Mer Noire, Vladimir a décidé d’appliquer la méthode la plus radicale pour éradiquer son problème de nouvelles frontières. La même que pour la Tchétchénie. Normalement, dans quelques mois il est prévu de parachuter un pantin à la Kadyrov sur zone. À moins que l’on gagne la guerre.
Pendant les hymnes, pas de sifflets. C’est pas comme si on était à un match de foot quand même. Les tribunes sont plus que copieusement garnies. Les drapeaux, avec du blanc, du bleu, du rouge dessus, sont agités au bout de milliers de bras. La sono est à fond. Si là on gagne la guerre, dans pas longtemps, sur l’estrade au milieu de la pelouse, on s’étreindra. On s’embrassera sur le capot d’une voiture et devant les chenilles d’un char. Ce sera la joie ici-bas. Ce n’est pas tous les jours qu’on va la gagner la guerre. La dernière, c’était en … Ça fait au moins … Ce matin les troupes à pied sont entrées dans Marioupol. Ce matin, des voitures qui transportaient des enfants, leurs mamans aussi, ont été la cible de tireurs apparemment Russes, selon Kiev, Ukrainiens selon Moscou. On ne sait jamais qui tient le flingue. On sait à peine qui sont les victimes. Ce week-end, ce n’est pas un lapin qui a tué un chasseur. Mais on s’en fout, on va gagner la guerre…
Les patriotes sont là. Les vrais, les durs, les purs sont là. Ceux qui sautent sont là. Parce que qui ne sautent pas – sur une mine ajouterait Volodia – n’est pas fran-çais. Ceux qui seront unis dans la liesse, comme dans la communion un jour des rameaux ou de messe de Noël, sont là. Une nouvelle Marseillaise retentit. La vingt-huitième en moins de deux heures. « Swing low, sweet chariot » ne l’a pas couverte une seule fois. Pourtant le « God save the Queen » était clair et fort au dessus de Saint-Denis. Ici, on a remis les couleurs des fanions dans le bon ordre républicain. Le bleu d’abord et puis le blanc et finalement le rouge à la fin. Dessus ce n’est pas écrit Liberté-Egalité-Fraternité mais c’est tout comme.
Un ballon «Solidarité ukraine» s’élève tandis que la pelouse se drape d’un drapeau bleu et jaune. Jean-Marie, le vieux tonton grincheux et un tantinet d’extrême-droite, celui qu’on évite plutôt qu’on ne l’invite aux mariages et aux enterrements, vient de s’écrier « Jeanne reviens, il sont devenus fous … » L’Anglois honni a pris le ciel sur la tête. La perfide Albion s’en retourne nourrir ses lions et verser une larme sur ses roses à peine écloses. La France bat l’Angleterre et fait le grand chelem. A y est on a gagné la guerre !!!
Au début, un panneau annoncait «le rugby contre le racisme». Un message pour expliquer que cette autre guerre n’est pas près de se terminer. Pas loin de la moitié des candidats n’étaient pas là. Ils n’auraient pas beaucoup aimé cette attaque en première main. On avait dit qu’on ne parlerait pas des candidats mais, sur ce coup-là, ce n’était pas possible. Même si ça se perd, les valeurs du rugby, quand on a gagné la guerre, c’est quelque chose…

Fabrice Simoes