POUSSEZ LA CHANSONNETTE : L’artiste à la voix et aux textes délicats, qui sera sur la scène du théâtre de Jean-Jacques Adam dimanche 10 mars, aura marqué son époque, sans disparaître du cœur de son public. Entretien fort sympathique avant le jour J. Questions… Réponses.
En préambule, connaissez-vous Blois et sa région ?
« J’y suis forcément passée à une certaine époque, mais en tournée, on n’a pas forcément le temps de visiter la ville où l’on s’arrête. Je vais (re)découvrir lors de mon concert au théâtre Monsabré, j’arriverai la veille et je vais pouvoir me balader. Je prends un bain de soleil dans mon jardin en répondant à vos questions, en attendant (rires) !»
En guise de teasing, comment avez-vous imaginé votre concert du 10 mars à Blois ?
« Je vais évidemment reprendre mes chansons phare : « je suis », « la goutte d’eau », etc. Et j’ai prévu des surprises qui résument ce que je suis aujourd’hui ! Les titres qui ont fait mon succès, c’était il y a 45 ans (rires) ! Je n’ai jamais craché sur ce passé. Il y a quelques temps, je suis allée voir Joan Baez qui porte très bien son âge, j’espère que moi aussi ! Il faut savoir ralentir, je l’apprends. Malgré mon grand âge, ma voix n’a pas trop changé de tonalité du fait d’une hygiène de vie, et je suis toujours très touchée par les réactions du public, les anecdotes vécues sur mes chansons. J’ai toujours été la tête dans les nuages et je me rends compte aujourd’hui à quel point j’ai touché les gens, à quel point je fais partie de leur histoire, et cela m’émeut énormément en retour. »
Justement, vous continuez à vous produire sur scène et même à sortir des albums. Chanter, pour vous, est-ce un sacerdoce ?
« J’aime le contact, j’aime les gens… et j’aime chanter depuis mon plus jeune âge ! Ma mère m’apprenait les chansons à la mode de l’époque. Pour moi, chanter est un état d’être. Je suis une grande timide en vrai, alors chanter, c’est une vraie psychothérapie ; se présenter devant un public, c’est se mettre à nu. En tant que chanteuse, j’ai vécu des années formidables. Dès le départ, j’ai été auteur et compositrice ; on m’a proposé « je suis », j’étais en préparation d’un disque chez Barclay, il y a eu des tubes… puis le désenchantement, médiatiquement parlant. On m’a un peu oubliée je crois. J’ai quitté la vie parisienne et puis faire des reprises, à côté de jeunes femmes comme Olivia Newton-John, je n’y trouvais plus mon compte. Mais je n’ai jamais cessé de chanter ! En 2012, j’ai fait la tournée « âge tendre, tête de bois », où l’ambiance était très sympa en coulisses et encore une fois, voir les gens chanter vos chansons, c’est émouvant. J’en suis toujours très étonnée, avec bonheur ! J’aimerais bien refaire cette tournée et aussi, pourquoi pas, écrire pour les autres, ce n’est pas dans mon tempérament de demander, mais je lance l’appel dans vos colonnes ! Je continue sinon les enregistrements : après Blois, je vais à Paris pour préparer une nouvelle compilation. J’ai sorti un disque avec des textes écrits avec les enfants de classes primaires que j’ai visitées, j’ai créé un spectacle sur Olympe-de-Gouges… Et j’anime des stages en chant relationnel, baptisés “je chante, donc je suis”. Tout est dit ! »
Vous avez représenté la France à l’Eurovision en 1975 à Stockholm avec « et bonjour à toi, l’artiste ». Quatrième sur 19. Quel regard portez-vous sur ce concours en 2019 ?
«Vaste sujet… J’ai vu les propos haineux concernant le candidat de cette année, Bilal Hassani. On vit dans une période… Or, pour moi, le droit à la différence est primordial. Ensuite, pour résumer, l’Eurovision actuellement : bof. Je ne crache pas dans la soupe, ce fut une expérience incroyable pour moi, les gens me reconnaissaient dans la rue et je peux encore chanter grâce à cette compétition dans des salles comme le petit théâtre où je vais venir ce mois-ci à Blois. Mais l’âme du concours de mon temps n’y est plus. Dans les années 1970, c’était un passage incontournable en tant qu’artiste et toute la famille était devant le poste pour ne pas manquer cette soirée, cela avait un autre sens. Imaginez, je suis passée la même année que the Shadows ; pour ma génération, c’était… wow ! »
Un conseil pour finir, pour celles et ceux qui aimeraient percer dans le métier ?
« Pour moi, ce fut assez simple, j’ai réalisé une audition en direct avec le patron de la maison de disques Barclay. De nos jours, quand je vois les castings et émissions, il faut déjà que tout soit prêt ! Alors, je conseille : ne vous laissez pas aveugler par le star système ! Être chanteur, c’est savoir se remettre en question, c’est un travail de titan tout le temps et se dévoiler devant les spectateurs. C’est parfois dément. Aussi, ce n’est pas parce qu’on ne rencontre pas de succès un temps qu’il n’y aura pas de suite. Si vous avez du talent… Au boulot ! »
Dimanche 10 mars à 16 heures, 11 rue Bertheau.
Réservations : 06 95 20 86 25.
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Émilie Rencien