Mettre les pieds dans le plat … eau télé


Que mange-t-on ce soir ? Ou bien, dans le genre, sempiternelles questions, que regarde-t-on ce soir ? Les deux interrogations peuvent devenir de véritables casse-têtes, entre lassitude, haut-le-cœur et manque d’imagination. Pour manger sain et ne pas songer à toutes les bonnes nouvelles épicées (sordide meurtre d’enfant, viol de femmes, menace de bombes sales, filets d’un animal poulet à 9 euros le kilo que nous ne mangeons de toute façon pas. Sans oublier goélands, à Cannes et sur les plages françaises, qui chipent la nourriture des humains et ce serait mauvais signe, encore un…); pour cesser de chanter « pauvre France » face à la marche budgétaire au pas 49-3, la drague populiste de la NUPES (enfin, LFI) vers le RN dans le vent de censure, et le silence radio LR refusant le flirt, ce n’est pas toujours aisé, même armée de la meilleure des volontés. D’autant plus si dans une tentative de recette de légèreté, deux ingrédients nous sont imposés plus tôt que d’ordinaire. Premièrement, en zappant, nous sommes tombés dessus, assommés de la précocité : eh oui, il y a déjà bien trois semaines que les films de Noël ont envahi TF1, TMC et consorts, enfer et damnation ! Personnellement, – et cela n’engage que moi, car il existe des gens qui adorent et c’est à respecter-, je déteste ces fictions bluettes envahissantes, souvent enrobées de guimauve de mauvaise facture et de romance à l’eau de chocolat. S’il faut y trouver du positif, reconnaissons qu’au moins, certaines choses restent stables (et pour quelques-uns, sans aucun doute, rassurantes sur la chaîne madeleine de Proust) dans ce bas monde. Deuxièmement, en se promenant, j’ai failli m’écrier “Joyeux Noël ! », puisque quelques supermarchés, discrètement au milieu des friandises d’Halloween, ont déjà installé, dès le 10 octobre, avant même les fleurs de Toussaint, des Pères Noël en habit de chocolat ! Pour cette dernière référence, si vous avez lu mon précédent précédent précédent billet à la salmonelle, j’ai avoué que de temps en temps, mon palais rajeunit et craque pour cette marque pour enfants très sucrée à l’huile de palme (chacun ses tares), mais il faut aussi confier que depuis ces Kinder frelatés, notre main recule face au rayon rigolo. Quoiqu’il en soit, dans une période supposée de fin d’abondance, de décroissance, voire d’austérité, ces propositions de bonne heure interrogent. Pourquoi pas en août, la prochaine fois ? Le slogan pourrait être : « Vous vivez une coupure d’électricité, vous devez travailler jusqu’à 65 ans, vous manquez de carburant pour vous déplacer ? Grâce à notre prévoyance, c’est beaucoup plus tendre, vous avez votre K-cacao ! ». Quelle folle époque. Alors, de retour après shopping, devant le petit écran, réfléchissant sans faim à une préparation originale pour dîner, nous ne croisons que des menus fades. Les popstars US Christina Aguilera et Mariah Carey, qui fêtent l’anniversaire de leurs albums respectifs (20 ans pour le culte “Stripped” pour la première, 25 ans pour la seconde et son sympathique “Butterfly”; nous vous préservons ici du tube “AllI want for Christmas is you” qui revient également chaque Noël…), pourraient possiblement être conviées sur cet autre plateau français … de la Star Academy. Nous avions évoqué le sujet la dernière fois : l’émission de TF1 est de retour, dans le château, avec caméras 24/24, et Nikos, évaluations, quotidienne, prime du samedi, et tout, et tout, comme avant. À un détail près : 20 années se sont justement écoulées, apportant réseaux sociaux, hashtags, Netflix, et compagnie. Ça chante mieux que moi sous ma douche, ça envoie toujours des paillettes et de la jeunesse aux rêves existentiels de stars. Sauf que soit notre adolescence est assurément loin, soit l’émotion manque vraiment au bout de micros d’élèves qui, surtout, performent. Là encore, respect aux adultes qui apprécient le show. Toutefois, au regard de l’état de l’industrie musicale, le ou la gagnant(e), qui arrive bien après la première Jenifer, risque d’être plus rapidement oublié(e) qu’un Kinder. Que manger donc ce soir ? Que regarder ce soir ? Et si nous attrapions finalement un bon bouquin, un verre de vin du coin, un fromage d’ici et des infos à lire sur journal papier ? Quitte à paraître vieille France, et mettre les pieds dans le plat.

Émilie Rencien