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Mélomanes versus mégalomane …

Les Français se sont découverts une nouvelle passion pour la musique. Au temps ancien, Euterpe, la muse attitrée au flûtiau et autres instruments à bec, à vent, à cordes et tutti quanti, en était l’unique référence. Depuis, Mozart et Bach sont passés par là. D’autres aussi mais la liste serait bien trop longue à énumérer ici. On a été jusqu’à une musique plus expérimentale qui était réalisée à base de gouttes d’eau tombant sur des tôles ondulées, d’ambiances de morceaux de ferraille s’entrechoquant, de bruits divers et variés. C’est dire si ça bouge au fil du temps.
En ce printemps, nul n’est besoin de tenter d’approcher les expériences orchestrales de Pierre Boulez pour participer aux concerts à la mode de chez nous, le soir devant des mairies où, dans la journée, par monts et par vaux, au gré des vacations gouvernementales. Les élèves de 6e, lanceurs de gomme et autres objets plus ou moins volants durant les cours de musique, sont eux aussi devenus spécialistes de la casserolade, genre musical en vogue du moment. On découvre, ou plutôt on redécouvre un art sonore ancien. Quoiqu’en pense, quelques élus de la République, le mouvement n’est quand même pas aussi primaire que l’os de mammouth à poil laineux – le premier qui chantera, à haute voix, et trois fois de suite « À poil laineux » sur l’air des lampions, aura toute notre considération intemporelle- frappant une peau tendue de lion à dent de sabre, au fond d’une grotte. Simple, inventif, énergique, rythmé comme un ska selon Madness, sauvage comme un morceau de hard rock de Metallica, hypnotique comme dans un vieux – très vieux – concert de Klauss Schulz ou d’Ashra Temple, enfumé comme du reggae de Bob Marley, enjoué comme le Endicot du King Créole and Coconuts, festif comme le Petit bonhomme en mousse de Patrick Sébastien, la casserolade n’a aucun égal, tant dans son expression que dans sa transgression, dans le monde musical du XXIe siècle. Peut-être un ersatz de samba brésilienne européanisée. On a bien eu, au siècle dernier, une version Sud Américaine. C’était en Argentine et cela n’avait rien à voir avec la science locale du tango mais plutôt avec la gouvernance du général Pinochet. On me susurre à l’oreille qu’il n’y aurait rien de comparable avec une situation actuelle. Dont acte …

Force est de constater le manque de compétence en la matière mélodique des représentants de l’État. L’option oreille musicale est facultative dans les nominations préfectorales, semble-t-il. Quant au sens de l’humour, s’il est parfois présent, c’est souvent plus par inadvertance que par volonté manifeste. Qu’un ballon de rugby devienne un « référentiel bondissant aléatoire » était déjà une belle incongruité. On pouvait alors arguer d’une dialectique directement liée à la seule Éducation Nationale. Par contre, sur ce coup-là, considérer une casserole comme un « dispositif sonore portatif » est bien la preuve du manque d’audace de la musique contemporaine de nos préfets.

Pays des Lumières, certaines sont malheureusement éteintes selon les étages, notre pays est devenu mélomane en trois gamelles et deux coups de cuillères en bois. Les linguistes vous diront que, à deux lettres près, on avait aussi mégalomane, et que ça changeait tout. Si d’un côté la définition nous dit « amour passionné et excessif de la musique », de l’autre on est sur « surestimation de ses capacités ». Même, des spécialistes avancent que cela se « traduit par un désir immodéré de puissance et un amour exclusif de soi ». Si on excepte Néron, artiste et musicien, franchement, on ne voit pas qui pourrait correspondre à ces caractéristiques-là. Non, on voit pas …

Fabrice Simoes