On attendait Grouchy et ce fut Blücher. Tel au soir d’un Waterloo de la Ve République version du président Emmanuel Macron, les manifestants anti-réforme des retraites ont longtemps cru voir arriver les renforts à leur droite. À Droite … rien que le mot fait pouffer les inconditionnels des positionnements politiques. Au soir de la décision du conseil des sages, le chat est donc aussi maigre qu’une paye de gréviste après une dizaine de jours de mobilisation.
Les dés étaient pipés et personne ne s’en était rendu compte. Alors que d’un côté on jouait à des jeux d’argent – menteur était le poker – de l’autre on était plus dans le social. Le Scrabble, c’est bien le Scrabble comme jeu de société. Face au Texas Holdem gouvernemental, les syndicats unis avaient misé sur le mot compte triple. C‘est vrai qu’avec « anticonstitutionnellement », ils pouvaient marquer 84 points … Pas loin du double d’un 49.3 ! Il suffisait que tout à chacun joue au même jeu pour que l’un ou l’autre soit vainqueur. Que nenni …
En regardant de plus près, on ne pouvait pourtant pas s’attendre à une autre décision que celle prise au terme de l’expertise fine des neuf éminents membres du Conseil Constitutionnel. Ces derniers, et dernières, n’avaient pas à étudier le fond du texte mais simplement sa forme. Ils et elles devaient juger de la conformité du texte et pi pas pu ! Ils n’avaient que faire des atermoiements du quidam lambda. À l’issue de cette décision attendue par les spécialistes du droit public et législatif, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir qu’au palais on a fait péter un ou deux bouchons. Désormais, tout le monde doit rentrer dans le rang. On passe à autre chose. Pas une seule tête qui dépasse, et c’est Elisabeth qui va passer les troupes en revue. En rang bien alignés, les pompes cirées, le cheveux courts et ordonnés, le doigt sur la couture du pantalon pour les garçons. En rang bien alignées, les pompes cirées aussi, la barrette dans les cheveux, la jupe plissée au dessous du genou, pour les filles. Mary Kant a rangé ses ciseaux la semaine dernière, donc ça joue. Quel beau futur pour les générations du même nom. À partir de maintenant, c’est version Guerre des étoiles, le retour de l’ordre est. La civilisation woke, propre sur soi, sans gluten, avec cravate et tailleur, sans genre à définir, profondément marquée par son autoritarisme est belle et bien dans la place. Elle s’impose et impose comme une nouvelle religion au format du XXIe siècle. À la manière des croyants de toutes obédiences, de tous livres, de tous bords, qui veulent imposer leurs sciences irréfutables. Chacun la sienne, chacune est la meilleure. En filigrane, une vision d’un univers aseptisé et droit dans ses bottes à talons cloutés. Deux mondes plutôt, celui des donneurs d’ordres et celui de ceux qui les reçoivent, celui d’en haut, celui d’en bas. Les destins seront définis dans un nouveau code de valeur. Il est interdit d’interdire s’affichait sur les murs de mai 1968. Les derniers boomers partis il ne restera bientôt plus rien de leurs vies, de leurs rêves, de leur société. Tout sera effacé. Le but sera atteint.
Avec le texte de loi sur les retraites, on a l’esprit et la lettre. Manu, la lettre, le pragmatisme, c’est vraiment son truc. Si ça marche pas, comme tous les enfants gâtés-pourris, il tape du pied. C’est sa marque de fabrique. C’est pas comme l’esprit. On peut être intelligent et en manquer … Au milieu de la nuit, la promulgation a été faite. C’était dans la logique des choses. Elle était de droit. Par contre, le faire en catimini, versus éclair, c’est autant un aveu de force que de faiblesse. Quand le feu est allumé par le chef des pompiers, tenter de l’éteindre par les petits hobereaux de Renaissance paraît bien illusoire.
Belote, rebelote et dix de der. L’esprit et la lettre, on vous dit …
Fabrice Simoes