Pendant neuf jours, la 60e édition du Salon de l’agriculture aura vu passer, pour son anniversaire, « au cul des vaches » à Paris, hommes et femmes politiques, divers et variés, dans un cirque médiatique de tous bords. Certaines créatures aux responsabilités auront tenté de démentir leurs propres attitudes, et pourtant, impossible de constater autre chose face à ce ballet de caméras et d’idées politisées, voire de selfies avec des agneaux dans les bras, dans ce pré particulier labouré par de vives tensions agricoles.
Depuis soixante ans également, l’alimentation carnée est l’apanage de ce traditionnel Salon. Au détriment, d’après les associations militantes et nos confrères-consoeurs du média de l’écologie, Reporterre, d’alternatives sans viandes snobées, voire cachées, cette année encore, dans le dédale des nombreux halls d’expo de cette Porte de Versailles. Ce qui empêcherait «de se projeter dans un autre modèle agricole », selon l’Onav, Observatoire national des alimentations végétales, tandis que bon nombre d’agriculteurs vantent plutôt le flexitarisme.
Business is business… Ainsi, un nuage en chassant un autre, ces considérations de sustentation auront plongé ma plume dans des réminiscences d’enfance.
Qui se souvient des Pépito, ces sablés nappés de chocolat (lait, noir, et blanc jadis) pour le petit déjeuner ou goûter, avec sur l’image, le bonhomme souriant au sombrero ? Et le chocolat blanc Galak ? Mais celui avec le dauphin sur l‘emballage (et la version cornflakes, vous vous rappelez?). Quant aux Dinosaurus, bestioles préhistoriques biscuitées rayées de la carte mais pas des estomacs, ils se nichent toujours au supermarché (le média en ligne, Konbini, s’est d’ailleurs amusé à les classer par formes). Tout comme le marbré Savane de Brossard (fabriqué dans l’usine de la marque à Pithiviers, dans le Loiret). Et caetera.
Autant de madeleines de Proust qu’on aimerait retrouver d’urgence, à l’instar de notre insouciance, désormais déflorée. Il faut se rendre à l’évidence : certaines de ces recettes ont changé et pas dans le bon sens, et en concomitance, nous avons grandi ! Notre palais aussi : si adulte, vous vous êtes laissés tenter par un ou deux carrés interdits (voire toute la tablette, on connaît la chanson gourmande), vous aurez, comme nous-mêmes, remarqué que la saveur du Galak, parmi d’autres références agro-industrielles, n’est plus ce qu’elle était. L’efficacité du combo pain+beurre+chocolat noir est bien meilleure.
Vraiment, qu’il est décevant de grandir… Doit-on alors oser jeter en sus, dans cette parenthèse de plaisirs sucrés régressifs pas si bons pour la ligne et santé, du e471, plus du e407 ? Des mono-diglycérides d’acides gras, plus des carraghénanes, qui se retrouvent partout ou presque, même quand la consommatrice prend gare aux étiquettes, prises dans l’étau d’un système frelaté. Soit des additifs dont la seule “vertu” est de rendre les aliments transformés plus appétents, car tout autant que le diable s’habille en Prada (ou Moschino), le ver cancérigène est sis dans ce fruit joliment servi.
Personne n’ignore plus non plus les dégâts, induits sur le colon particulièrement, par les nitrites des produits de charcuteries ; le député Modem du Loiret, Richard Ramos, en a dressé son cheval de bataille, à juste raison. Une victoire : ces nitrites de sodium sont enfin interdits dans les croquettes des chats (nos amis les animaux ne sont pas épargnés), une décision européenne n’ayant pas fin 2023 renouvelé l’autorisation ad hoc. C’est a contrario d’accord pour continuer à en truffer la cochonaille humaine ! Cherchez l’erreur.
Le monde agricole a raison de crier “qu’on marche sur la tête”. «Achetez français », qu’ils disaient ? Cela paraît aisé sur le papier, mais autant candide que d’affirmer «fichtre, stop!» au pouvoir des lobbys, associé à une révolution industrielle à la fois nourricière et mortifère.
Une pomme du jardin d’Eden pour celles et ceux qui me dénicheront des madeleines de Proust … et de “bonne bouffe”.
Émilie Rencien