Le nouveau responsable régional de la chaîne de télévision publique, après Jean-Jacques Basier, est … une directrice ! Caroline Laub s’est prêtée au jeu des questions-réponses pour se présenter, expliquer sa vision, ainsi que les évolutions qu’elle compte impulser sur le petit écran.
Vous avez 47 ans, vous étiez auparavant responsable de la coordination des productions du réseau France 3, et en janvier 2023, vous avez été nommée directrice régionale de France 3 Centre-Val de Loire (CVL). Sans tomber dans le féminisme, une question survient d’emblée. Une femme à la tête d’un média et ici en l’occurrence, d’une TV, est-ce si courant ?
«Oui et non. Cela fait six mois que j’occupe ce poste avec plaisir. Je suis la première directrice qui vient de l’univers de la production. La chaîne ouvre ses portes à des profils variés pour une égalité des chances, tient de surcroît à l’égalité hommes-femmes. Sur treize directeurs actuellement, chez France 3, huit sont des femmes ! Ce sont des mandats de deux ans, renouvelables une fois. »
Vous avez tout de même été administratrice des antennes Provence-Alpes et Côte d’Azur en 2020. Cela peut aider ? En fait, comment accède-t-on à ce genre de fauteuil à responsabilité et en vue ?
«J’aime beaucoup les défis et bouger. Je ne connaissais personne à Marseille, je ne connais personne en arrivant aujourd’hui à Orléans. Ce sont surtout des grands challenges saisis à chaque fois ! À la base, j’ai suivi un cursus de lettres modernes et j’envisageais d’être enseignante. Je suis originaire de Strasbourg. Puis j’ai croisé sur mon chemin la publicité et ses spots, j’ai eu mon diplôme, et j’ai bifurqué vers la production audiovisuelle et le cinéma. J’ai beaucoup voyagé, j’ai travaillé pour Arte et France TV, j’ai navigué sur pas mal de manifestations d’importance comme le Tour de France, les festivals de Cannes et d’Avignon, etc. J’ai été directrice de production au Parlement européen, j’ai mis en place des tournages, des avant-premières… Tout ça en tant qu’intermittente pendant 20 ans. J’ai touché à tout, je connais tous les stades du métier, de la production et de la fabrication, en passant par le terrain. En 2019, j’étais un peu lassée de ce statut de free-lance, et je me suis dit que France 3 serait la chaîne qui me donnerait la possibilité d’évoluer rapidement. Je n’avais pas planifié par contre de devenir directrice régionale, c’est arrivé sans calcul. Mais donc, c’est possible, même quand on est une femme, j’en suis la preuve ! Un conseil ? Avoir l’envie et surtout rester soi-même. »
Un choix qui vous a bien réussi ! Posons la question différemment. Quel est votre style alors ?
« Mon rôle est plus celui d’un cadre dirigeant, d’un chef d’entreprise, je dois avoir une vision stratégique, financière, je dois définir un budget. Mais je ne suis pas une direction qui reste enfermée dans son bureau. Je tiens à sortir beaucoup pour être sur le terrain avec les équipes, techniciens et journalistes. Comme ce fut le cas par exemple lors de l’évènement automobile Gazoline à Lamotte-Beuvron (41) le premier weekend de juin pendant lequel nous avons enregistré une émission spéciale diffusée ensuite le 11 juin sur notre chaîne. C’est moi qui décide mais je ne peux faire du management toute seule, alors j’échange beaucoup. Je consulte mes équipes, mon comité de direction. Ils peuvent me parler, la porte de mon bureau est d’ailleurs toujours ouverte, ce qui a beaucoup surpris au début. Cela facilite les solutions que je dois trouver, me permet de réaliser mes arbitrages et de mieux comprendre car je sais tout de suite de quoi on parle. Et ça marche ! Ceci vient sans doute de mon attrait pour la transmission, je suis formatrice pour la chaîne aussi; encore une fois, je voulais être dans l’enseignement et j’ai été en free-lance un certain nombre d’années aussi. Ma patte, c’est la communication et le dialogue ! »
À l’heure des plateformes, des chaînes d’info en continu, et d’une offre foisonnante sollicitant sans cesse le téléspectateur, quelle est votre recette pour démarquer la « petite » antenne de France 3 Centre-Val de Loire ?
«Chez France 3, une notion d’importance : nous sommes sur le service public, c’est-à-dire que nous n’existons pas sans notre public. C’est aussi de l’hyper local, une proximité. Les gens voient nos journalistes sur le terrain, nous ne tournons pas comme d’autres que sur des fonds verts en studio. Non, notre force est d’être au plus près des territoires, au plus près de notre public et de sa vie au quotidien. Nous avons une autonomie grandissante en région en termes de programmation. Nous programmons par exemple plus de sport avec des diffusions parfois en direct des matchs, en fonction de la montée et des résultats des clubs locaux. Nous avons un partenariat et créons des passerelles d’info avec la radio régionale France Bleu avec laquelle nous sommes complémentaires; ce sera le cas pour le festival de Loire en septembre à Orléans. Nous nous servons aussi beaucoup de notre plateforme internet France TV (replay, culture, évènements, etc.) et nous avons des articles web qui battent des records d’audience ! Ce fut le cas notamment du papier sur l’affluence de touristes en mai au zoo de Beauval. Nous avons enfin travaillé notre grille de rentrée pour une nouvelle couleur d’antenne, et je peux déjà vous dire que nous prévoyons de faire évoluer nos JT. Il n’y aura plus de décrochage entre les éditions 12-13 et 19-20. Le présentateur sera le même à la fois pour l’édition locale, régionale et nationale. Je comprends sinon ce discours de « petite » région, car chez France 3 Centre-Val de Loire, nous sommes dotés de moins de personnels, mais pour autant, il ne faut pas avoir de complexe ! Nos équipes ont la compétence, font bien leur travail. Mon idée est de pousser encore plus loin et plus haut France 3 Centre-Val de Loire, autant dans les contenus que dans la qualité de service. »
Entretien : Émilie RENCIEN