Le collectif « Pas d’enfants à la rue 41 » dénonce le sort inhumain réservé à trente-trois enfants sur le département de Loir-et-Cher, dont les familles d’origine étrangère auraient été déboutées du droit d’asile. Ces jeunes passeraient la nuit dehors, bien que scolarisés dans des écoles à Blois. Devant cette détresse, le maire de Blois a décidé d’en héberger une petite partie.
Marc Gricourt, hors-la-loi ? Il a préféré en rire lors d’un point presse de novembre, invitant les journalistes à venir le prendre en photo, menotté, le cas échéant. «Je suis prêt à assumer, » a-t-il commenté plus sérieusement. «Un courrier a été envoyé à la préfecture fin septembre. Je m’étais ensuite exprimé sur le sujet lors de l’ouverture en octobre des Rendez-vous de l’Histoire de Blois sur la thématique cette année « des morts et des vivants ». Nous avons à Blois des vivants, des familles à la rue, et c’est insupportable. Ce n’est pas une question d’immigration; nous répondons à un besoin vital humain. Des enfants sans toit, c’est inacceptable,» a ajouté l’édile, accompagné du maire adjoint Benjamin Vételé, par ailleurs conseiller départemental, qui a interpellé à nouveau de son côté le Département. « Nous allons donc accueillir dans un logement décent de la ville deux familles. Pour quelle durée ? Aucune idée. Quel que soit le statut des familles, ce qui nous préoccupe, c’est l’enfant.» Ce type de situation, difficile, n’est pas réservée qu’au seul Loir-et-Cher; elle se rencontre ici et là, en France, y compris en Creuse il paraît. Au moment où le projet de loi immigration est sur la table d’examen nationale et nourrit déjà fortement les discussions des parlementaires, c’est souvent la même histoire : des familles arrivent sur le sol français, les enfants sont scolarisés, mais sans logement du fait de situations dites irrégulières. Dans un département voisin, en Indre-et-Loire, à Tours, le député écologiste Charles Fournier a ainsi choisi de transformer une fois le soleil couché, sa permanence politique en dortoir d’urgence ou hôtel de fortune, pour cinq enfants et leurs familles. À Blois, la municipalité socialiste, qui aimerait « faire plus » sans pour autant « vouloir créer d’appel d’air », va donc héberger pour sa part deux mamans et neuf enfants dans les murs de l’espace jeunesse La Fabrique, dans le cadre d’un partenariat conventionnel avec le collectif «Pas d’enfants à la rue 41» et le FSU (Fédération syndicale unitaire).
“Pas toute la misère du monde” mais…
En parallèle, deux familles avaient, quelques journées plus tôt, été hébergées en urgence dans deux écoles de Blois, Victor-Hugo et Jules-Ferry. Etc. Mieux que rien, mais pas suffisant, à écouter le collectif «Pas d’enfants à la rue 41 », qui a su mobiliser en moins d’un mois parents d’élèves, enseignants et citoyens (au moins 100 personnes et plus de 2 000 contacts sur Facebook) sur ces problématiques. Trente-trois enfants sans adresse fixe sur le département 41 auraient été comptabilisés, dormant à la belle étoile (un peu plus de 3 000 sur le territoire national, ndlr). Ce collectif a en sus déposé des demandes de permis de séjour, épaule les familles juridiquement, et par conséquent, réitère, son appel, à créer une chaîne de solidarité, auprès du préfet Xavier Pelletier (qui a reçu le groupe le 10 novembre); du président du Conseil départemental, Philippe Gouet, de l’inspectrice d’académie, mais aussi à l’attention des communes environnantes de Blois. «C’est indigne ! Ces gens veulent travailler, nous avons par exemple une femme aide-soignante. Nous sommes de plus choqués du débat au Sénat sur la suppression possible de l’AME (Aide médicale d’urgence). Impossible de rentrer dormir tranquillement chez nous alors que les copains de nos enfants n’ont pas de lit. Il faut un vrai sursaut humaniste dans notre pays, le pays des droits de L’Homme», martèlent, Julien Colin, professeur des écoles au sein de l’établissement scolaire élémentaire blésois Mirabeau; Sébastien Ricordeau, ancien délégué départemental de la FSU; et Didier Richefeux, membre du collectif de soutien aux sans-papiers, reçus par le maire Gricourt le 13 novembre (Cf. notre photo). Le collectif a organisé deux manifestations à Blois pour « montrer sa détermination » : le 20 novembre, devant la préfecture de Loir-et-Cher, place de la République, puis le 29 novembre, avenue de l’Europe, à la Bourse du travail.
Pas de récupération politique non plus
Egalement, une délégation a été reçue le 17 novembre au Conseil Départemental par la vice-présidente, Florence Doucet. Le collectif a indiqué à ce propos, après cette rencontre : “S’ils sont conscients des situations dramatiques à Blois, les personnes présentes n’ont pas répondu à notre appel de solidarité et à dépasser, un peu, un tout petit peu leur champ de compétences, même de manière symbolique.” Si l’État a régulièrement épuisé tous ses budgets, le Département 41 mentionne de son côté en effet un nombre de cas qui explose depuis 2022 et par conséquent, des dispositifs d’accueil locatif qui sont saturés. Alors, comment faire quand ce n’est toujours pas possible pour les collectivités et élus locaux justement de faire, malgré le triste constat et l’empathie ? Tous les acteurs confondus s’affirment conscients que ces vagues d’arrivées risquent en sus de ne pas diminuer du fait de facteurs favorisant (économiques, climatiques, sans oublier les conflits et guerres…). « Contrairement à la misère du monde, la charité n’est pas absolue et infinie», d’après le philosophe Michel Onfray. Le conseiller départemental Vételé, précité, a réagi sur ce point et insisté : “«Oui, comme le disait Michel Rocard (Premier ministre français en 1989, ndlr), l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde… Mais elle peut prendre sa part !». En attendant, le collectif a tout de même réussi à faire passer le curseur de l’indifférence à l’attention, et tient d’ailleurs à préciser : “notre collectif a été créé par des parents d’élèves, des bénévoles, des enseignants, qui sont indignés par le fait de voir des enfants à la rue. Et c’est tout. Nous sommes extrêmement vigilants sur le fait d’éviter toute récupération politique. Nous ne regardons pas la couleur politique de nos interlocuteurs. Nous ne souhaitons qu’une chose : pas d’enfants à la rue!’
É. Rencien
Contact : Pasdenfantsalarue41@gmail.com