Livres : Gildas Vieira veut éveiller les consciences en couchant les mots sur le papier


Le maire adjoint de Blois, chercheur en santé publique, président de l’association humanitaire l’« École de l’Espoir » (*), vient de sortir  un ouvrage « France, terre d’accueil », qui propose d’ouvrir la réflexion, notamment sur le multiculturalisme. Nous avons rencontré l’auteur.

L’ « École de l’Espoir » est née en 2006, est basée à Blois sous l’impulsion de son fondateur et président, Gildas Vieira, et rayonne à travers le monde grâce à des antennes. Elle œuvre pour la construction d’instituts de santé publique en Guinée et au Congo.

Vous avez trois livres à votre actif. Avant de nous focaliser sur votre nouvelle production, pouvez-vous nous présenter les deux précédents ?

« Mon premier livre, sorti il y a deux ans, porte sur la trajectoire du bien vieillir, c’est un petit clin d’œil à ma grand-mère. C’est aussi un focus sur les prises en charge. J’ai été directeur d’hôpitaux et de structures avant d’atterrir dans un bureau de maire adjoint ; j’ai participé il y a quelques années à la mise en place d’une unité Alzheimer et à la construction du nouvel hôpital de Montrichard. Avec ce premier livre, j’ai par conséquent voulu apporter ma pierre à l’édifice ; j’ai d’ailleurs écrit à Emmanuel Macron en amont de la campagne présidentielle en termes de questions de santé et de fragilité des personnes âgées. Quant à mon deuxième livre, intitulé « Africa, mon amour », j’ai voulu démontrer qu’il existe de l’espoir en Afrique. On ne s’en rend pas compte car on y associe toujours la misère. Mais je perçois un espoir niveau économique et bancaire qui peut avoir une vraie incidence sur d’autres domaines en Afrique comme la santé ; j’ai pu le mesurer pendant mes études d’économie. »

Jamais deux sans trois. Vous venez de publier un troisième volume qui pèse presque 200 pages, de quoi s’agit-il cette fois ?

« J’essaie toujours dans mes écrits, qui sont universitaires, de surfer sur l’actualité et de parler de ce qui me tient à cœur. Comme je l’ai précédemment expliqué, en 2016, j’ai vécu la préparation de la campagne présidentielle, j’ai particulièrement réfléchi sur la santé dans la lignée de ma thèse sur la promotion de la santé pour les populations d’Afrique subsaharienne en France. J’ai saisi ma plume après tout ça. Dans ce livre, sans trop le dire mais quand même, je me base pour commencer sur mon parcours personnel. Je suis originaire du Congo-Brazzaville ; je suis arrivé à l’âge de 11 ans à Paris, à 12 ans à Blois. Mon père est au départ venu en France pour faire des études et nous sommes finalement restés. Dans ce livre, j’évoque un petit garçon de 11 ans que la maman fait monter dans un taxi, et c’est un peu moi. Prenez la définition du migrant du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (*). Même si vous êtes français, même si vous êtes arrivés jeune en France, vous demeurez toujours un peu migrant. Dans ce livre, j’ai voulu livrer mon regard sur ces gens côtoyés, sur ces parcours, sur la France d’aujourd’hui et ses réalités. J’ai réalisé des recherches, j’ai interviewé des migrants. Et surtout, j’ai voulu que mon livre soit accessible à tous, on peut le lire à partir de 11 ans et jusqu’à 77 ans et même plus. Chaque chapitre s’ouvre avec un petit dessin pour interroger et plonger le lecteur dans les différents sujets que j’aborde tels que l’interculturalité, la santé, la vie associative, l’éducation, entre autres thèmes listés dans le sommaire. »

Pour résumer, avec « France, terre d’accueil », vous souhaitez éveiller les consciences ?

« Oui, c’est vraiment le mot exact, vous avez vu juste. L’idée est d’interpeller. En France, la situation n’est pas forcément facile mais faites comme moi, allez en Guinée…  Il y a des choses qui vont mal mais nous avons peut-être une part de responsabilité. Par exemple, vous et moi, nous sommes là et nous entendons notre voisin se faire frapper, violer, etc. Restons-nous à ne rien faire ou choisissons-nous de l’aider, quitte à se prendre un mauvais coup au passage ? Citons également le cas des Nations : acceptons-nous d’accueillir des migrants ou estimons-nous que cela va nous mettre en difficulté ? À un moment, il faut agir, se bouger. Je n’oblige personne, je ne donne pas de solutions ; chacun fait ce qu’il veut mais le monde serait sans aucun doute meilleur si chacun accepterait sa part de responsabilité. »

C’est comme dans la fable du colibri. L’incendie peut être éteint si tout le monde s’y attèle ?

« En France, regardez tout ce qui existe ! Si ma vie n’avait pas croisé le sol hexagonal ? J’aurais pu être Président du Congo et je serais venu en visite officielle pour voir le Président Macron ! (Rires) Plus sérieusement, en France, nous avons la Sécurité sociale, la CMU, les Restos du Cœur ; nous pouvons voter, regarder le soleil tranquillement, reprendre des études à l’âge de 40 ans, etc. Je ne pointe personne du doigt et je ne dis pas que tout tourne rond ; vous savez, je n’ai pas toujours été maire adjoint, j’ai moi aussi connu le chômage, j’ai vécu des périodes difficiles. Mais dans certains pays, il n’y a rien du tout, pas de main tendue ni de solidarité ! Alors, 50 migrants à Blois, est-ce la fin du monde ? En France, nous avons cette chance de pouvoir oser, ou tout au moins, d’essayer.»

Vous avez écrit trois livres. Bientôt un quatrième ?

«Pas pour le moment. Je progresse un peu plus à chaque livre et j’essaie de trouver ma marque. Donc, si j’écrivais à nouveau, la prochaine fois, ce serait un vrai roman avec de vrais parcours. J’aime bien toucher du doigt le réel.»

Propos recueillis par Émilie Rencien


Extraits de « France, terre d’accueil » (éditions universitaires européennes ; 38 €)

« « Connaître autrui n’est que science ; se connaître soi-même, c’est intelligence, » François Rabelais. Cet ouvrage se veut une réflexion de la France d’aujourd’hui qui reste une terre d’accueil, forte de son multiculturalisme, de sa liberté d’expression, dans une période de mondialisation, de montée des extrêmes, et de tensions liées aux attentats. C’est dans un contexte de chômage, de perte d’éducation, de sens, de repères, que j’ai choisi d’écrire ce livre. Avec les réfugiés en nombre qui arrivent aux côtes européennes, nous mesurons un peu plus encore la difficulté pour la France d’être une terre d’accueil pour ses anciennes colonies africaines comme pour les populations qui fuient en masse la guerre de Syrie et d’ailleurs. Le parcours de l’immigration est complexe qu’il soit souhaité ou contraint. Il s’agit souvent de partir et laisser derrière soi une partie de sa vie, de sa famille, de ses proches, et parfois même de son âme. Je me souviens du départ pour la France d’un garçon de 11 ans avec ses deux soeurs que sa maman met dans un taxi pour rejoindre l’aéroport pour la France. Sa grand-mère qui l’a élevé est présente ce jour-là et lui souffle quelques conseils à travers les vitres du véhicule dont le trajet sans fin guidera sa vie : « Suis le chemin des études, continue à prier, prends soin de tes frères et soeurs et évite l’alcool ». Oui, le parcours de l’immigration est de tous âges un déchirement, c’est quitter sa terre natale. Ce garçon c’était moi. La patrie France accueille, tente d’intégrer et parfois assimile ses nouveaux enfants…pas toujours sans conflits. Cela ressemble fort à une histoire de famille moderne recomposée multiculturelle et multi-religieuse où chacun doit trouver sa place pour vivre ensemble et en paix. La citation de François Rabelais, « connaître autrui n’est que science ; se connaître soi-même, c’est intelligence, » permet une réflexion sur la tolérance et vivre avec l’autre. L’autre, l’inconnu, celui qui vient d’ailleurs et nous semble différent, on le craint parce qu’on ne le connaît pas. Se connaître soi-même devrait participer à plus de remise en question, de tolérance et d’ouverture à cette personne, souvent un migrant avec un parcours difficile. (..) Je vous souhaite, chers lecteurs/ chères lectrices, des rêves, et l’envie furieuse de les réaliser. »