En un mot comme en cent, comme l’an passé, comme depuis le jour où je me suis fait coincer l’index de la main droite dans la porte de la chambre de mes parents – vous me direz que, une chambre, mon paternel avait trouvé un drôle d’endroit pour fixer les rails d’un train électrique sur des panneaux de bois – je ne crois plus au père Noël. Pourtant, j’aimerais bien que la vie soit comme l’un de ces contes à l’eau de rose qui défilent sur les écrans depuis plus d’un mois. Comme quoi Noël a débuté bien tôt cette année.
Quelques gilets jaunes de bonne volonté ont bien essayé de redonner une consistance à ces espoirs d’existence de ce Petit papa Noël, le vrai, celui qui cache tant de turpitudes – faire bosser des lutins, souvent des gens de petites tailles, dans des usines à jouets, pour des rémunérations modiques, c’est pas humain, ou alors extrêmement libéral – derrière ses joues couperosées de buveur repenti, son manteau rouge et sa barbe blanche de plusieurs années. Rien qu’avec ce dress code, tu ne te pointes pas à la sortie des écoles primaires sans qu’un signalement outré de parents inquiets n’apparaisse sur Facebook. Malgré tous les efforts des gilets jaunes donc, plusieurs samedis de suite, l’Élysée est toujours debout et le palais du Luxembourg n’a pas brûlé. Quelques plâtres – fin XIXe quand même – très vandalisés et des tags à l’Arc de Triomphe (même l’armée allemande n’avait pas osé en 1940). Petits joueurs, va !.. Et attentes vaines !
En ce début de période de fêtes collectives, pendant que le jaune, comme des étoiles d’un autre temps, surpasse le rouge, le blanc et le scintillement des décorations habituelles de nos rues, les députés-godillots ont bossé comme des malades. N’était-ce pas là le moment idoine pour légiférer sur les bienfaits, ou pas, de la fessée. Précision : fessée à l’encontre des enfants. Pour les adultes consentants, la question ne se pose absolument pas ! Oh, oui, fais moi mal … Un monde sans fessée, voilà ce qu’il faut mettre en premier sur la lettre annuelle au père Noël, comme une liste de demandes urgentes de gilets jaunes. Plus de guerre, la Tv grand écran pour tous, le dernier Iphone dès 10 ans, un match de foot tous le soirs, une pizza 4 fromages, une claque sur les fesses et au lit. On aimerait que notre monde soit à l’image de la naïveté romantique des gilets jaunes. Un monde où tu fais des barbecues en plein mois de décembre, où tu partages les nouilles et le cassoulet. Un monde où on se parle enfin hors des réseaux sociaux… Un monde où tous les chats sont gris de la même manière que les gilets sont jaunes par obligation totalitaire. Un monde où, pour une fois, le GJ (Gilet Jaune) lambda a le sentiment d’exister sur son barrage et son rond-point, en dehors de son foyer, en dehors de ses 3 x 8, de son chômage, de ses congés, et de ses arrêts maladies. Un monde où chacun est tout seul avec ses revendications, mais volontairement tous ensemble, tous ensemble… sans les syndicats, sans les partis politiques. Un monde où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (Jean Yanne 1933-2003). Un monde où les uns demandent une augmentation du salaire de base pendant que les autres ne le veulent surtout pas. Un monde où on préférerait entendre « Petit papa Noël » plutôt que « Maréchal nous voilà » sur les campements routiers… Un monde qui n’a jamais lu le petit manifeste du « Parfait manifestant sur la voie publique » et son principe de base quant au fonctionnement du CRS : « Visière levée : tu peux faire le couillon. Visière baissée : reste pas là, fait gaffe à tes miches et touche pas à ça petit con. » On est pourtant loin d’une conceptualisation de la profession sécuritaire.
Comme un GJ, dans ma lettre au père Noël, je demanderais un peu de déontologie à ce journaliste avec l’écharpe rouge qui s’est fendu d’un condescendant « Macron devrait supprimer la redevance télé parce que beaucoup de gilets jaunes regardent la télé, ils n’ont pas beaucoup d’autres distractions dans la vie ! ». C’est pas faux comme dirait Karadoc de Vannes. Ce sont des trucs qui se disent quand on est entre soi, au comptoir d’un bistrot, Christophe, pas à la télé ! Quand Balzac disait des tavernes que « Le cabaret est la salle de Conseil du peuple », il ne parlait pas encore du service public.
Petit papa Noël, le temps que tu en es là, pourrais-tu apporter à Manu, Édouard, et l’ensemble des quadras qui nous gouvernent, la dernière édition de « Je suis né avant mes grands parents et je n’arrive pas à tuer le père » ou « Comment gérer une situation de crise pour les nuls » ? Aussi, je voudrais que tous les Bisounours en gilet jaune, bleu, blanc, rouge ( oh, oui, surtout en rouge…) se prennent par la main, mon cousin, pour une grande danse des canards avec Manu et Édouard pour guider le peuple d’en bas au cœur de la farandole.
Petit papa Noël, si tu arrives à faire tout ça, je te promets d’être sage, de ne plus dire du mal de notre président, ni des instances qui nous gouvernent, ni des sénateurs, ni des députés, ni des conseillers généraux, ni des maires, ni des gilets jaunes, les premiers à ne pas vouloir être pris en otage mais les premiers à le faire, ni de mon prochain (e) en général.
Par contre, un programme comme ça ne peut être validé que s’il y a de la neige à Noël et si on trouve des traces d’au moins deux rennes sur le toit de la maison… Sinon, ça vaut pas !