L’estafette, de Philippe Pivion, aux éditions Ramsay nous fait découvrir un pan méconnu de l’histoire de la Première Guerre mondiale. Ce roman, qui a la précision d’un documentaire tant il est riche de détails historiques, m’a beaucoup touché. J’ai découvert au fil des pages la misère des Français dans les départements du nord occupés par l’armée allemande, la famine, la mort, à laquelle les civils ont payé un lourd tribut. Une époque admirablement bien racontée à travers les histoires tragiques de Geneviève, Louison, Évariste, le prêtre Fernand ou l’industriel Sémaillé. On y aborde le travail obligatoire des populations au profit de l’armée conquérante, ou la déportation des femmes en Allemagne, qui préfigure les malheurs de la guerre suivante, trois décennies plus tard.
Point d’orgue de ce récit, un homme, un jeune soldat, que l’on sent fragile et souffreteux, en proie aux démons de son enfance. Un fou, un psychopathe, s’accordent déjà à le qualifier ceux qui partagent sa vie au front. L’estafette Alf, ou Adi, c’est selon, une estafette qui court les tranchées avec un grand courage, avec comme seul but la victoire de son pays sur ses ennemis, qu’il qualifie de sous-hommes. De son vrai nom Adolf Hitler. Dès 1915, se devine déjà le dictateur qui mettra l’Europe à feu et à sang, et dont les crimes sont, encore de nos jours, incompréhensibles.
Un roman qui ne laissera personne insensible et que je recommande, une lecture indispensable pour comprendre. Mais, au final, y a-t-il quelque chose à comprendre ? Après cette lecture, chacun se forgera sa propre idée.
Alain Léonard, écrivain