Les juges du conseil d’Etat ne signeraient pas le décret d’utilité publique du tronçon à grande vitesse Poitiers-Limoges. Les défenseurs de la ligne Paris Orléans Limoges Toulouse poussent un ouf de soulagement.
Les juges du conseil d’Etat avaient jusqu’au 12 janvier pour signer le décret d’utilité publique de la LGV Poitiers-Limoges. Un décret indispensable pour que soient mobilisés les fonds publics destinés à financer les travaux de la ligne à grande vitesse reliant Limoges au TGV Atlantique. Le fait que l’information « fuite » plus d’un mois avant la date limite n’est pas innocent. Les juges, opposés sur le fond au projet (que la cour des comptes avait jugé irréaliste puisque sa rentabilité était à son avis impossible à assurer) ont voulu éviter les pressions du pouvoir. Dans ce dossier en effet François Hollande vole au secours d’un projet initié par Jacques Chirac voici dix ans et soutenu, envers et contre tout, par le conseil régional du Limousin.
Le conseil régional du Centre était, lui, vent debout contre la création d’une telle ligne qui signait l’arrêt de mort de la modernisation du Paris Orléans Limoges Toulouse (POLT). Les crédits votés voici une dizaine d’années n’ont jamais été utilisés pour la modernisation de la ligne. La liaison la plus moderne de France au moment du lancement du Capitole, (premier train à rouler à 200 km et qui reliait Toulouse à Paris en 6 h dans les années 60, contre 6 h 30 aujourd’hui) risquait bien de devenir desserte régionale avec Châteauroux pour terminus.
Jean-Claude Sandrier : « C’est dans la logique du rapport Duron »
Président de l’association « urgence ligne POLT », Jean-Claude Sandrier, ancien député communiste du Cher est en première ligne depuis le début du combat pour la défense du POLT et l’adoption du train pendulaire. « Si la décision des juges est confirmée, et il n’y a pas de raison qu’elle ne le soit pas puisque l’information émane de Mobilettre et qu’elle n’a pas été démentie par le Conseil d’Etat, c’est effectivement une bonne nouvelle. Lors de notre assemblée générale qui s’est tenue à Uzerche nous avons plaidé pour la modernisation de la ligne et notre motion a été adoptée par les conseils régionaux du Centre et Midi-Pyrénées, les conseils généraux de l’Indre, de la Creuse et de la Corrèze, les conseils municipaux de Brives, Cahors etc… Elle ne se prononçait pas sur le barreau LGV puisque l’on a besoin, pour aujourd’hui et pour très longtemps du POLT pour le transport des passagers et du fret ferroviaire. C’est dans la logique de ce que préconise la commission Duron (NDLR du nom de son président, Philippe Duron, député du Calvados) : priorité aux lignes classiques. Limoges ne doit d’ailleurs pas se sentir pénalisé, on peut transférer les fonds prévus pour la LGV sur ce tracé et gagner trente minutes sur le parcours Paris-Limoges ».
Louis Pinton : « Je ne pensais pas qu’on puisse mettre en œuvre une telle ineptie ! »
Le président du conseil général de l’Indre accueille avec sérénité la probable décision des sages. « J’ai appris la nouvelle en lisant le Monde qui relayait l’indiscrétion de Mobilettre. C’est la confirmation de ce que nous pensions. La logique de la ligne LGV Poitiers-Limoges au service d’intérêts particuliers était moralement inacceptable. Je n’avais d’ailleurs pas de difficulté avec les élus du nord limousin. Nos collègues de la Creuse défendaient la même position que nous. D’ailleurs cette ligne n’était pas financée. Entre les déclarations d’intention des élus et le fait de mettre l’argent sur la table, il y a un pas… Nous en revanche nous avons commencé à bien travailler sur le sujet : trois passages à niveau sont supprimés, deux sont en cours, mais il en reste dix neuf ». Combien de temps faudra-t-il pour les supprimer ? Christophe Courtemanche, directeur général adjoint du conseil général est prudent. « Les cinq en question faisaient partie du contrat de plan 2007-2013, tout dépendra de ce qu’on mettra dans le prochain contrat. Parmi les dix-neuf certains concernent des chemins ruraux, mais tous devront faire l’objet d’un traitement en concertation avec les utilisateurs ».
Gil Avérous : « La victoire ce sera la rénovation du POLT »
Le maire de Châteauroux est accro à son téléphone et c’est évidemment sur les réseaux sociaux qu’il a eu l’information. « C’est encore une note confidentielle, mais le conseil d’Etat n’a pas démenti. C’est une bonne nouvelle, mais la victoire ce sera la rénovation de la ligne POLT avec une desserte vers la prochaine ligne POCL (NDLR la ligne à grande vitesse Paris-Lyon passant par Clermont, pas avant 2030) en attendant il nous manque des trains pour redescendre de Paris le soir et je viens d’apprendre que les nouveaux matériels roulant nous passent sous le nez. Ils devaient être financés par l’Ecotaxe ! » Le maire se demande par ailleurs si on prend bien Châteauroux au sérieux. « J’ai reçu récemment la visite d’un représentant de la SNCF : c’était le directeur de l’activité TER Centre ».
Pierre Belsoeur