Seulement, à 67 ans Daniel Colling pense à la retraite et à l’instar de tout chef d’entreprise, il envisage de céder son entreprise. Il s’en est ouvert au maire de Bourges, Serge Lepeltier lequel a sollicité les présidents de la région et du conseil général. Interrogé à Bourges lors du dernier Printemps, François Bonneau, le président du conseil régional a clairement signifié que les collectivités pensaient à l’unisson qu’il était préférable de voir le printemps racheté par elles plutôt que par un privé. Si le risque de voir la manifestation délocalisée est faible tant elle est dépendante des subventions, les collectivités locales estiment justement qu’en participant chaque année à plus d’un tiers du budget, elles ont un droit de regard sur l’organisation qui pourrait s’exprimer dans une participation dans la société de gestion. En concertation avec le ministère de la Culture, la mairie, le conseil général et la région ont donc mandaté un audit pour évaluer la reprise du Printemps par leurs soins. Alain Rafesthain a précisé qu’avant l’été, il serait pris une décision de principe sur la volonté des collectivités de s’engager dans une discussion avec le vendeur ou sur l’impossibilité de voir les collectivités acheter. L’hypothèse de la création d’une SEM (Société d’Economie Mixte) au sein de laquelle pourraient participer des banques, la Caisse des Dépôts et d’autres partenaires privés est à l’étude. Ce qui semble clair du côté des collectivités, c’est que la volonté est là pour se positionner. Ce qui est clair également, c’est que c’est compliqué.
Les premières difficultés sont d’ordre juridique. Le Printemps est devenu en trente ans une organisation tentaculaire composée de nombreuses sociétés, il faut déterminer le périmètre de la cession. Le Printemps c’est également une marque forte et reconnue, il faut donc aussi acheter la marque… juste la marque ? La marque + les sociétés… ? Il faut aussi éviter les points bloquants ; on l’a dit le Printemps est largement subventionné par les collectivités, si les collectivités deviennent actionnaires du printemps, il n’est pas certain qu’elles puissent aussi facilement lancer des partenariats ou octroyer des subventions car les règles d’échanges financiers entre leurs SEM et les collectivités sont très encadrées.
Le dernier écueil, c’est le prix. Beaucoup de montants ont circulé, mais rien ne semble avoir filtré entre Daniel Colling et les collectivités. Alain Rafesthain a précisé que pour l’heure aucun montant n’a été évoqué. En matière de société d’organisation de spectacles, il est difficile d’avancer un prix. Dans le cadre d’une cession d’entreprise « normale » les banques financent l’achat sur 5 à 7 ans. Le prix d’une société correspond donc à ses bénéfices (+ la rémunération du dirigeant) attendues sur les 5 à 7 prochaines années. Le problème avec les sociétés d’organisation de spectacles, c’est qu’elles ont surtout vocation à assurer l’équilibre et pas à faire de gros bénéfices. Or, concernant le Printemps de Bourges, l’équilibre est assuré par les collectivités, c’est-à-dire par ceux qui envisagent d’acheter, ce qui revient à dire que les collectivités paieraient pour acheter ce qu’elles ont elles-mêmes valorisé. Si on applique les règles purement capitalistiques de valorisation d’une entreprise, les sociétés d’organisation du Printemps ne valent que peu de chose. Mais le Printemps, c’est de la Culture, pas de la finance, c’est un patrimoine surtout immatériel et chacun s’accorde pour dire que ce patrimoine est fort… Il va falloir se mettre d’accord sur les règles d’évaluation.
Le dernier danger dans l’avenir du Printemps, c’est l’après-Colling. Le patron du Printemps par ses réseaux, par sa notoriété, par sa connaissance du spectacle est un rouage essentiel au dispositif. Il se dit prêt à accompagner ses repreneurs quelques temps. Mais un jour, il partira et que vaut vraiment le Printemps de Bourges sans lui ?
C.M