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Leïla et les autres

Pendant que le ballet des ministres a repris depuis le 1er mai sous le muguet, en région Centre-Val de Loire, fidèle à sa réputation de terre d’accueil gouvernementale, recevant en moins d’une semaine Gabriel Attal à Beaugency, Christophe Béchu à Sainte-Montaine, ou encore Gérald Darmanin à Olivet; pendant aussi que Les Républicains choquent par leur casting des élections européennes de juin dans lequel se nichent les sulfureux et corrosifs Brice Hortefeux et Nadine Morano, et bien d’autres historiettes encore, une nouvelle beaucoup plus enthousiasmante est tombée, faisant se hisser un soleil au-dessus de ces mêlées quotidiennes de nuages qui s’amoncellent. Un nouveau rêve qui va se réaliser, après le premier concrétisé il y a quelques années suite à une rencontre en vrai avec le maître américain de l’horreur, Stephen King, à Paris. Même si celui-ci, nous n’avions jamais forcément osé l’envisager, et encore moins dans le Loir-et-Cher. Mais il va bien avoir lieu : les Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, qui se tiendront pour leur 27e édition du 9 au 13 octobre 2024 sur la thématique de la ville, ont choisi le président de leur traditionnel Salon du livre. Dans ce rôle, sont passés des noms et personnalités tels que Pap Ndiaye (avant qu’il soit une étoile filante de ministère), Riad Sattouf, auteur de « l’Arabe du futur », ’et dernièrement, le prix Goncourt, Pierre Lemaître… Ce sera une présidente en 2024, en la personne de la journaliste, femme de lettres engagées, d’origine marocaine, Leïla Slimani !
Nous le confessons, nous sommes fans de la romancière, aussi bien que d’aucuns adorent Taylor Swift, David Guetta, Hoshi, Marc Lévy, ou Secret Story. Nous avouons également que si ses récents livres, « Le pays des autres » et « Le pays des autres, tome 2, Regardez-nous danser » (en attendant le dernier, clôturant cette trilogie), -dans lesquels sont mis sous loupe littéraire et explorative, tous les mécanismes de la société coloniale dans le Maroc de l’après guerre de 1940, via un couple, l’alsacienne Mathilde et le marocain Amine-, figurent en bonne place dans un rayon de notre bibliothèque et « PAL » (comprenez pile à lire dans le jargon des férus de bouquins), nous n’avons pas encore pris le temps de les compulser in extenso. Mais il nous reste encore quelques mois avant cet automne pour accomplir cette tâche agréable. Par contre, nous avons lu et dévoré son tout premier roman en 2014, «Dans le jardin de l’ogre » chez Gallimard. Nous avons commencé à aimer Leïla Slimani dès cet instant de lecture. Un texte « court » (moins de 250 pages), un peu plus long que ceux d’Amélie Nothomb, mais loin des pavés de Stephen King. Une écriture crue, ciselée et enlevée, poignante et imagée, à la fois concise et incisive, sur le sujet de la nymphomanie. De l’addiction sexuelle féminine pour être plus claire. L’histoire excitante, dans toutes les acceptions du terme, d’Adèle qui trompe sciemment son mari Richard (cela change un peu les points de vue, une fois n’est pas coutume, sans sexisme ni tabou) puisqu’elle ne se contente pas de propos égrillards mais cède sans sourciller aux pulsions libidineuses qu’elle ne peut réprimer. L’oeuvre peut déranger certains esprits (totalement et / ou faussement) chastes; pour notre part, nous adorons les auteurs qui ne sont pas sages, qui osent, d’autant plus si la plume est tenue par une femme de notre génération.
Nous avons en sus beaucoup aimé son deuxième, toujours chez Gallimard, « Chanson douce ».Un texte toujours “économe”, sans fard, également prix Goncourt 2016. Suivi d’un excellent film, adapté en 2019, avec Karin Viard et une autre Leïla sur l’écran, Bekhti. Âmes sensibles, bis repetita, s’abstenir, car il s’agit ici d’une histoire de nounou qui est un danger à retardement, sous des apparences clémentes, capable de donner un bain tout comme le baiser de la mort, aux deux enfants en bas âge dont elle s’occupe, recrutée afin que la mère de famille puisse notamment reprendre un travail, au même titre que son conjoint qui s’en accorde le droit. Une sorte de huis clos qui monte en puissance, entre vies professionnelles et vies privées, entre appartement et plage, qui s’entrechoquent, jusqu’à une issue funeste.
Mme Slimani a déclaré un jour : “écrire c’est s’entraver, mais de ces entraves mêmes, naît la possibilité d’une liberté immense, vertigineuse.» Alors, vivement le mois d’octobre au pays de Leïla. Sans les autres sempiternelles ritournelles qui quotidiennement peuvent enfermer.

Émilie Rencien

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