Françoise et Anouk sont parties… Les idoles du temps du général sont décidément de moins en moins nombreuses. Normal direz-vous, les années passent et les anges itou. Tous les garçons et les filles de leur âge, un homme et une femme, vous l’expliqueraient, c’était le temps de Salut les copains, d’Europe 1 d’avant Bolloré, des boums entre ados, des baluches de village ou de quartiers. Ce temps béni des colonies comme le chantait Sardou, paraît-il si beau, paraît-il si bon. A l’époque Jean-marie était déjà un prénom connu. Par contre, on ne connaissait de Marine que les gars de là.
Les nostalgiques de ces temps révolus sont en peine, ceux qui les ont vécu, de moins en moins nombreux on vous dit, aussi. Ces derniers s’en réclament sans, pour nombre d’entre eux, les avoir connus. A travers une vision tronquée, voire fossilisée, ils considèrent ces moments comme un âge d’or disparu. Ils font abstraction de la semaine de 45 heures réelles, de la sortie d’usine à 18h00 et des heures sup du samedi matin. Ils oublient que l’on ne pouvait regarder qu’une seule chaîne à la télé, parfaitement cadrée et encadrée par le pouvoir du moment en place. Ils subliment une vie d’antan idéalisée pour ne pas l’avoir subie. Un peu comme ces fêtes d’été où on redevient le paysan qu’on n’a jamais été. Derrière les masques de l’oubli et de la méconnaissance, se fantasme un monde nouveau copie conforme à l’illusion d’un monde ancien qu’on a rêvé entre deux phases de sommeil profond. Dans un pays des lumières qui se sont éteintes, c’est une madeleine de Proust s’en en avoir lu une ligne, sans en avoir mangé une miette.
Bien loin de Colombey-les-deux-églises, de son bal tragique de novembre 1970 et de sa croix de Lorraine, les mêmes s’appuient sur le nom du général. Il prônent les idées du général. Ils répètent les phrases du général. Même si ce général là est fantasmé, même si ces idées là sont éventées et ces phrases là inventées. Il a bon dos le général. Vouloir le monde de demain façon monde d’hier mais à la sauce 2.0. Décidément la politique est d’une débilité sans nom. C’est pourtant ce monde là qu’une partie de la jeune garde politique actuelle, bien propre sur elle, bien consensuelle, bien pensante, bien embourgeoisée, bien eocuménisée, bien engoncée dans ses propres vérités et ses réalités à géométries variables, nous propose… L’autre partie n’est pas en reste et veut nous fourguer une vision de gouvernance aussi poussiéreuse qu’autocratique.
Pour les seconds c’est, pour quelques uns, s’apercevoir un peu tard que, quelque part, y a eu un raté. Ceux-là ont été des mouvements de 1968. Ils ont connu les piquets de grèves de Renault-Billancourt. Ils ont balancé des pavés au Quartier latin. Au ciné, ils ont suivi avec délectations les pérégrinations de Donald Sutherland, le docteur Œil-de-Lynx de M.A.S.H, lui aussi disparu ces derniers jours. Plus nombreux, d’autres étaient parmi les attentistes et les profiteurs du moment d’après. Les chiens ne font pas des chats, ils sont les grand-parents des pleureuses de maintenant, de ceux qui veulent essayer aujourd’hui des choses qui leur échappent et des rêves qui ne dépasseront jamais le cloud de leur téléphone portable. Eux ne sont pas utopistes ! Les utopistes savent que, puisque c’est impossible, on peut toujours le faire. La preuve, tous ont bien profité des accords de Grenelle, des 35 % d’augmentation du SMIG, de la réduction du temps de travail, de la quatrième semaine de congés payés et du déblocage d’une société restée sclérosée jusqu’alors … tout cela n’étant rien de moins que ce qui était irréaliste quelques jours plus tôt !
On l’a déjà écrit ici, la pratique de la démocratie est à l’inverse de quand on a piscine le jeudi : on peut, on doit, toujours aller voter. Cependant, comme d’habitude, votre CCV ne dérogera pas à sa ligne de conduite et ne donnera pas de consignes de vote. Sauf évidemment à rappeler que ce n’est pas avec les recettes éculées du libéralisme conservateur et/ou le populisme prôné par l’extrême droite que l’on va sortir le cul des ronces !
Fabrice Simoes