En Sancerrois, les côteaux en fête
Les vignobles du cœur de France vont s’animer cette mi-septembre avec les vendanges. Evénement important bien évidemment dans la vie d’un vigneron et d’un terroir où une ruche humaine sera présente dans les vignes, que se soit aux commandes des machines mais aussi et c’est ce qui nous intéresse dans ce travail manuel qui fait de ces vendanges un moment traditionnel de vie. Le Petit Berrichon est allé au cœur de ce patrimoine vinicole qui s’étend sur près de 3000 Ha et quatorze communes avec le cépage Sauvignon pour les blancs et Pinot Noir pour rouges et rosés. Le Petit Berrichon était reçu à la Cave de La Bouquette par Thierry Veron qui depuis neuf années a pris les commandes de l’exploitation familiale où le père, Christian, maintenant en retraite, est toujours là pour prodiguer aide et conseils. Mardi 15 septembre, une vingtaine de vendangeurs sera aux côtés de Thierry pour une grosse semaine de récolte. « Nous sortons d’une période assez complexe car avec la grosse chaleur de l’été, on se disait : on va vendanger tôt parce qu’il a fait chaud et on s’apprêtait à faire des vendanges précoces sauf qu’avec la chaleur on ne savait plus car tout était bloqué. Les vignes étaient jolies parce qu’elles ont des racines assez profondes, par contre, les raisins étaient bloqués. L’eau du 15 août a fait un bien fou et ce qui est tombé en fin de mois a tout débloqué. On peut raisonnablement s’attendre à un bon millésime et une production de qualité. La quantité est difficile à évaluer mais si nous faisons 50/55 hl à l’hectare en sauvignon nous serons bien évidemment satisfaits. L’exploitation est d’environ 6 hectares de vignes soit une des plus petites de la région. Située au cœur du Village de Chavignol, connu également pour ses fameux crottins de chèvres, ses vignes ont environ une trentaine d’années d’âge. Elles se trouvent sur les côteaux qui entourent le village. La production est à 80% vin blanc et 20% rosé. Pas de rouge chez la famille Véron : « c’est une volonté qui date et qui perdure car nous n’avons pas le matériel adéquat ni le savoir-faire. Nous nous concentrons sur ce que l’on sait faire et comme le rosé est en terme de vinification semblable au blanc, il n’y a pas de souci d’autant que maintenant, il y a un engouement certain pour ce vin. » Des touristes hollandais rencontrés dans le village confirmaient dans un français impeccable : « nous sommes venus voilà cinq ans en France et notamment ici visiter les caves et ensuite, parcourir la Loire en vélo. Maintenant nous revenons pour faire provision de cet excellent vin de Sancerre et surtout le rosé qui fait sensation sur notre table… » C’est dire si le Sancerre qu’il soit blanc, rouge ou rosé, a de l’avenir et à la Cave de la Bouquette, on fait en sorte de parfaire sans cesse la qualité : « Nos vendanges se font à la main et cela depuis toujours. D’ailleurs, voilà 15/20 ans beaucoup travaillaient avec les machines et maintenant les vendanges manuelles reviennent au goût du jour… » La récolte partira pour 60% au négoce et 40% en bouteilles. Une semaine sous haute surveillance et ensuite, une préparation minutieuse du vin voilà le gros coup de l’automne à la cave de la Bouquette comme chez tous les vignerons de ce vignoble Sancerrois si prisé. Le sancerre blanc est reconnu en AOC depuis 1936 et les rouges et rosés depuis 1959.
Jacques Feuillet
Vendanges paisibles à Reuilly
Les vignerons ont pris leur temps pour vendanger des raisins arrosés par une pluie longtemps attendue. Le 2015 sera sain, rond, mais si la qualité est au rendez-vous, le volume laisse à désirer. On consommera donc avec modération.
La nuit a été fraîche et le petit vent d’est fait tourner les éoliennes qui entourent le vignoble de Reuilly. François Charpentier a passé son domaine à ses fils, mais en période de vendanges il est toujours fidèle au poste. La jeune vigne dans laquelle Géraud, son fils joue du réfractomètre pour évaluer le degré de maturité des raisins est plantée à l’emplacement où tout a commencé, en 1985. « De tous temps notre propriété était consacrée aux céréales et puis nous avions cette parcelle où nous récoltions le vin que nous buvions pendant l’année. Et puis Claude Lafont m’a proposé cette année-là de planter un peu de vigne. J’ai ajouté un rang de pinot noir et un rang de sauvignon à ce que j’avais déjà… et j’avais mis le doigt dans l’engrenage. » François fait partie des céréaliers que Claude Lafont (le plus gros domaine du vignoble) a entraîné dans l’aventure du reuilly pour relancer un vignoble qui avait bien failli disparaître. « C’est lui qui nous conseillait, aussi bien pour les soins de la vigne, que pour l’élaboration du vin. » François a appris sur le tas. En revanche ses fils Géraud et Jean-Baptiste ont fait le parcours classique : section viticole de lycée agricole et stage en bordelais pour Géraud qui est le maître de chais du domaine.
Les Charpentier se sont équipés d’une cuverie ultra moderne, dimensionnée pour vingt hectares de vignes (quinze actuellement dont une douzaine en production) et plantent en fonction des droits. La demande en reuilly, en pinot gris en particulier, est supérieure à l’offre et ce ne sont pas les petits rendements de cette année qui vont inverser la tendance.
Un 2015 de qualité mais rare
Le domaine Charpentier n’a pas échappé à la tendance, la vigne de la parcelle des Sablons, la plus proche du domaine, enracinée dans une terre sableuse et profonde, a bien résisté à la sécheresse. Du côté de Châtillon en revanche les baies ont eu du mal à gonfler. Le réfractomètre de Féraud est formel : « Pour les pinot gris on est à 13° c’est bon à vendanger, le sauvignon peut profiter des quelques jours de soleil pour passer de 10,5 à 12,5°. On terminera par le pinot noir. Ce qui m’ennuie c’est le faible taux d’acidité, mais rien de comparable avec 2003. »
Les Charpentier partagent leur machine à vendanger avec Virginie Bigonneau, les reuilly occupent alternativement les deux domaines pendant une dizaine de jours. Il sera ensuite temps de passer au quincy de la viticultrice du Cher.
Ces vendanges 2015 sont tout de même bénies des dieux. L’utilisation des produits phytosanitaires a été réduite au minimum et au moment de la récolte la qualité des raisins permet aux viticulteurs d’attendre le mûrissement idéal en profitant d’une excellente météo. « On essaie de profiter au maximum de la pluie de la fin tombée à la fin août et comme nous vendangeons essentiellement à la machine, cela nous donne beaucoup de souplesse. Seules les jeunes vignes sont vendangées à la main. »
Le blanc représente la moitié de la production, le gris et le rouge se partagent l’autre part. « Nous replantons en pinot gris, précise François, pour répondre à la demande. » Une grande partie de la production est vendue en direct à la propriété ou dans les salons, les cavistes et restaurateurs absorbent le reste. « Nous attendons avec impatience que les nouvelles vignes arrivent en production car nous manquons de vin pendant deux à trois mois, de gris en particulier de fin novembre à février. »
Cette année, en plus de leur cinq cuvées traditionnelles (gris, deux en rouge et deux en blanc dont la cuvée des Beaumonts en macération pelliculaire), Géraud va faire deux barriques de blanc élevé en fûts neufs de la tonnellerie Gautier de Menetou-Salon.
« Cette année avec la qualité des raisins on pourrait même se lancer dans une vendange tardive et produire du blanc doux, rigole le vigneron, mais nous sommes à Reuilly et notre renommée repose sur la vivacité de nos vins.
Pierre Belsoeur
Pratique : Domaine Charpentier et fils, blanc, rouge et gris de Reuilly, prix public départ de cave à partir de 7€ la bouteille. contact 02.54.49.28.74
LA TENDANCE
Beaucoup moins torride qu’en 2003
Cette année, dans le vignoble de reuilly, le fleurissement de la vigne a été accompagné de fortes chaleurs ce qui a provoqué des coulures. Le temps chaud et sec de juillet a nui au développement des baies qui étaient encore très petites au 15 août.
Les pluies de la fin août tombées en grande quantité, mais sans grêle ont redonné du jus aux baies et attendri les peaux. L’excellente qualité sanitaire des raisins a permis aux vignerons de redonner du temps aux baies pour arriver à maturité. Les sucres potentiels sont bien présents et si les acidités sont assez basses (mais à un niveau moins catastrophique qu’en 2003) cela devrait donner un 2015 plus rond qu’à l’habitude.
Les vendanges pouvaient commencer les 2 (pinot gris) et 4 septembre (pinot noir et sauvignon) mais la plupart des domaines ont attendu le 8 septembre pour entrer en action.
On s’attend a des rendements inférieurs de 10 à 30 %, selon les parcelles, à la normale. Le vignoble compte environ en 240 ha en production sur le 550 ha de la zone délimitée en AOC.