Le propre de l’homme …


Après la mise en avant, dans l’actualité, de soubresauts xénophobes de petits ploutocrates aussi indécents que parvenus, plusieurs solutions sont possibles. On peut s’indigner jusqu’à la mort, à la manière de Stéphane Hessel. On peut coller des affiches sur les murs et des baffes sur des joues, ou l’inverse. Dans les deux cas ça risque de faire mal. On peut devenir citoyen du monde, rejoindre les rangs de l’utopie, se mettre au rhum-coca (avec modération) ou encore recommencer à fumer. On peut imaginer tant de choses…
On peut aussi prendre un peu de recul et renouer avec les spécialistes des travers de nos contemporains. Non, pas BHL. Non, pas Enthoven. Pas non plus Sandrine Rousseau. Disparu nettement trop tôt, Pierre Desproges et son œuvre sont aussi anticonformistes, et teintés de cette intelligente absurdité et d’humour noir qui fait le sel des meilleurs, que celle de Pierre Dac, quelques décennies plus tôt… L’un et l’autre pourraient être intégrés dans les programmes d’éducation civique de l’éducation nationale. Pour ça, il suffirait de pas grand-chose : juste assez de profs et d’instits. Condition sine qua non, il faut décréter que l’instruction soit une priorité, pas une activité clientéliste et encore moins mercantile. Un peu comme la santé quoi … Ça vaudrait au moins aussi bien que le SNU, ou les uniformes qui n’uniformisent absolument rien sauf, bientôt, les porte-monnaies. On dit bien l’instruction pas l’éducation !
Revenons à desproges. Dans son « Vivons heureux en attendant la mort », au siècle dernier, il a commis le chapitre « Pitre ». Là « l’auteur prétend qu’il faut rire de tout, avec un aplomb qui devrait logiquement lui valoir l’excommunication, le retrait de sa carte du parti, et l’indignation pincée du décoré monopode réanimateur de la flamme sacrée réchauffant à jamais le tombeau prétentieux du mouton inconnu mort pour la France, pendant la guerre contre les Allemands et les Français. » Il assurait que si l’on pouvait rire de tout, parfois, ce n’était pas facile de le faire avec tout le monde. Au dessus de ses forces même car « la compagnie d’un stalinien pratiquant » ne le mettait pas en joie, et la présence à ses côtés « d’un militant d’extrême droite » assombrissait « couramment sa jovialité monacale ». Il terminait par« il vaut mieux rire d’Auschwitz avec un Juif que de jouer au scrabble avec Klaus Barbie ». Un texte totalement hérétique et hors normes d’aujourd’hui. Cette dernière phrase lui vaudrait, probablement, les foudres du tribunal populaire du nouvel ordre moral et de la pensée unique comme celles des ligues de vertus, du CRIF, des conservateurs et des cons serviteurs, tant autant que de la fédération française de scrabble… Lui qui voulait, au sujet d’une émission télé, « diviser la France en deux : les imbéciles qui n’aiment pas et les imbéciles qui aiment » serait extrêmement satisfait, et écoeuré à la fois, au regard de l’évolution de mœurs de nos congénères.
On a depuis longtemps dépassé « Le rire est le propre de l’homme » de Rabelais dans son « Gargantua ». Ca remonte à la Renaissance quand même. . La bêtise est aussi le propre de l’humanité et si le rire est un exutoire, il demande une certaine culture. Par contre on peut être cultivé et n’avoir du travail des zygomatiques qu’une idée succincte. Dommage Eliane …
Si l’on se réfère à l’évolution de notre société occidentale, Hexagone inclut, on peut donc se demander si, pour certains représentants de la branche des Sapiens-Sapiens, plus de visionnage de films des années 1980, avec Brigitte Lahaye et Alban Ceray (merci Internet pour le nom de l’acteur masculin), n’aurait pas eu un effet bénéfique pour notre monde actuel. A l’heure de l’avant GPA c’eut été, certes, du gaspillage de semence mais, au moins, nous aurions, peut être, évité quelques uns des avatars donneurs de leçon, ou des secoués du bulbe, qui pullulent désormais sur les réseaux sociaux tout autant que sur les forums d’idées toutes faites.

Fabrice Simoes