FEUILLETON SPORTIF Les SA Vierzon vont retrouver, hors miracle de dernière minute, le championnat de division d’Honneur, après plus de 70 ans de bail ininterrompu en Nationale. C’est depuis la saison 1948-1949 que le club de rugby de la deuxième ville du Cher, né en 1941 et en filiation directe du Sporting et du Club Olympique, évoluait au minimum au premier niveau national. Le gracayais Mario Sandona était de ceux qui avaient fait franchir les derniers échelons…
Après lui, la race sera éteinte. Celle des guerriers plutôt que des grandes envolées. Celle d’un jeu où l’évitement était accessoire. Celle où le football-rugby avait tout son sens de sport de contact sur des terrains qui n’avaient souvent de pelouse que le nom. Celle où l’on faisait la tenaille sur le demi de mêlée et le moindre porteur du ballon. Celle du « pied, pied, pied » pour porter loin le ballon dans la boue et sous les déluges, d’eau ou de châtaignes. Sans s’en rendre compte, le dribbling était le premier mot anglais connut par les joueurs de ce temps là. On vivait le rugby plutôt qu’on le jouait. Le maillot pouvait être sacré pour beaucoup. L’enveloppe pouvait l’être autant pour d’autres. Un dinosaure vous dirons les uns. Un roc, vous répondront les autres. Né en Italie, dans la région du Tyrol Italien, à Roncero, son père et toute la famille avait rejoint Foëcy après un transit par Moulins-sur-Allier. Le foot d’abord, dans la citée des porcelainiers, avec ses frères, des guerriers des terrains aussi. Le rugby ensuite, à Vierzon, au SA Vierzon tout neuf, tout beau, né au cœur de la guerre. Mario Sandona, assis face à la table de cuisine, raconte son rugby, celui de ceux qui ont connu l’accession au championnat d’Excellence, le premier niveau national en 1948. La tête est toujours pleine de souvenirs d’ovale, de tous ces matches, de ses matches comme joueurs, de ses matches d’entraîneurs, de ses matches d’éducateurs et de ceux de dirigeants, de ces rendez-vous réussis et de ces autres manqués, de ses gamins devenus grands, devenus les siens au fil des entraînements et des joutes du jeudi après-midi. La bouche un peu empâtée par des problèmes de dentiers. La saison des SA Vierzon, il l’a suivie par les journaux, « un peu, parce qu’y a plus grand-chose … » La descente de son vieux club en Honneur c’est un coup dur pour lui qui était de l’équipe qui avait quitté les championnats domestiques pour entrer dans le National. La dernière fois que les bleu et blanc étaient à ce niveau-là, c’était lors de la saison 1947-1948. Homme de base, il était à la pile alors, son nez écrasé en a conservé le souvenir. Ce stade de la compétition Honneur, aucun joueur vierzonnais ne l’a connu. Il n’existait pas encore. En septembre prochain, même avec les départs inhérents à ce genre de situation, ils devraient être plus nombreux …
Première licence de rugby en 1947
En 1948, Mario avait 23 ans et avait signé sa première licence de rugby l’année d’avant. 25 années consécutives, le carton officiel de la FFR sera signé sous le nom des SAV. Même quand la scission a eu lieu, au milieu des années 50 et que, par la force des choses, deux clubs, deux clans se sont opposés dans la deuxième ville du Cher. Lui est resté fidèle à son premier club d’ovalie. Fidèle pour jouer mais aussi entraîner et emmener en finale du championnat de France Frantz-Reichel, réservé aux juniors, une équipe saviste. C’était en 1960. Fidèle pour avoir modelé plusieurs dizaines de joueurs au sein de l’école de rugby. Fidèle pour ajouter du blanc au bleu du ciel saviste. Avec les SAV, c’est une histoire d’amour. Et comme chacun sait, les histoires d’amour finissent mal … En 1972, il a alors démissionné parce que les dirigeants d’alors n’avaient pas une politique sportive conforme à ses aspirations.
Pourtant, même après avoir créé le Foëçy Ovale Club, Mario a toujours eu un regard sur ce qui se passait à Constant-Duval, le stade originel, puis à Robert-Barran, le nouveau stade. Les montées, les descentes, il les a suivies d’un œil averti. Pas pour jalouser. Pas pour revenir. Pas pour pérorer ou critiquer. Non, non ! Parce que c’est comme ça quand on aime …
Alors, la descente saviste en Honneur, ce sont quelques larmes de souvenirs qui perlent sur un visage empreint de tendresse pour son amour de jeunesse, marqué aussi par des mêlées entre hommes et par un rugby aux valeurs d’antan.
Fabrice Simoes