Rosalie, belle jeune fille de 16 ans, est une adolescente comme les autres avec un caractère en pleine affirmation. Sa vie est pourtant totalement différente de celle des jeunes de son âge puisqu’elle est handicapée moteur, plus exactement, tétraparétique.
Un accouchement prématuré à 6 mois de grossesse, un poids de naissance de 1 kg 100, des complications, de longs mois en couveuse… et un verdict. Rosalie ne pourra pas marcher et souffre de nombreux troubles de la motricité. Elle a en revanche toutes ses facultés intellectuelles. Commence alors un combat au quotidien pour cette famille. C’est d’abord l’entrée en maternelle puis en primaire qui se fera dans une école « classique » à proximité de son domicile grâce à la présence d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) puis le passage au collège en classe ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire). Rosalie effectue ainsi jusqu’en 5e une scolarité quasi normale. Mais depuis les choses se compliquent. Une poursuite en 4e et 3e n’est pas envisageable, son handicap nécessite le recours à des moyens spécifiques pour le suivi médical et une éducation spécifique, il faut donc intégrer un établissement spécialisé, un IEM (Institut éducatif de motricité – à ne pas confondre avec un IME, institut médico-éducatif). Le problème ? Il n’en existe aucun en Loir-et-Cher. Le plus proche est celui de Tours, la prise en charge est en adéquation avec son handicap, mais il n’y a pas de place. Le centre de formation professionnelle et éducative La Couronnerie à Olivet (45) leur est alors proposé, mais l’établissement n’est pas adapté à ses troubles moteur. Vient ensuite Bourges qui propose un accueil pour handicapés moteur et mental, mais dès la salle d’attente la famille comprend que la solution n’est pas ici non plus. C’est finalement à Couzeix, à côté de Limoges, que Rosalie trouvera une place dans un IEM qui propose une prise en charge adaptée à sa déficience motrice.
Une situation inadmissible
On pourrait se dire à la lecture de ces dernières lignes, c’est parfait, tout va bien, tout est réglé ! Eh bien non, surtout pas. Effectivement, Rosalie a une place, mais imaginons que chaque semaine pour se rendre dans son IEM, elle doit effectuer 3 heures aller et 3 heures retour de trajet en voiture. Alors que l’apprentissage scolaire lui demande plus d’énergie et de temps qu’à un autre enfant, qu’elle doit constamment faire de la rééducation, elle supporte un temps de transport bien supérieur à celui d’un collégien. Elle souffre par ailleurs de l’éloignement de sa famille alors qu’elle est psychologiquement plus fragile. Il est certain que, si à la rentrée prochaine, nous annoncions à des parents de collégiens valides que par manque de place leurs enfants seront scolarisés à 300 km de chez eux, qu’ils passeront chaque lundi matin et vendredi après-midi dans une voiture, cela déclencherait un tel tollé que les médias ne parleraient plus que de ça.
Que voulons-nous pour les handicapés ?
Au-delà de cette situation plane la question très angoissante du « après ? ». Rosalie ne peut pas vivre seule, elle peut rester dans son IEM jusqu’à ses 20 ans. Mais après ? Aura-t-elle une place ailleurs ? Que faire si elle n’a pas de place ? Le dispositif législatif, avec l’amendement Creton, permet le maintien temporaire de jeunes adultes de plus de 20 ans, en établissements d’éducation spéciale, dans l’attente d’une place dans un établissement pour adultes. Rosalie ne devrait donc pas se retrouver à la rue, mais sera-t-elle orientée vers un établissement adapté à son handicap. Comme le souligne son père « dirigerait-on une personne valide qui a une jambe cassée en psychiatrie pour se faire soigner ? évidemment non, c’est pourtant ce que l’on fait avec les personnes handicapées. » Devant ces incohérences et le manque de solution, les parents de Rosalie ont souhaité interpeller les élus. Ils ont écrit au président de la République, à la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, au député, au président du conseil départemental, au médiateur de la République… et ont reçu à peu près les mêmes réponses : « soyez persuadés de notre engagement » et bla bla bla… Ou pire ils se renvoient la balle. Rosalie et sa famille sont en colère, très en colère et ont décidé de nous interpeller, nous, les valides. « C’est à nous de faire évoluer les choses, quel projet voulons-nous pour ces jeunes ? On nous dit que créer des établissements coûte cher, mais les transports ont aussi un coût, l’éloignement a un coût ? La réalité est qu’il ne s’agit pas de finances mais plutôt de l’absence de volonté politique de s’occuper de nos personnes handicapées. Il faut vraiment que cela évolue ! »
Frédérique Rose
Si vous-même êtes confronté au handicap, n’hésitez pas à prendre contact avec la rédaction
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