Le maire de Blois a retiré la délégation au commerce et à l’artisanat à Louis Buteau. La décision a été entérinée lors d’un vote en conseil municipal le 22 mai dernier. L’intéressé revient sur les « vraies » raisons de son limogeage, les divergences avec Marc Gricourt sur le traitement de la question du commerce et des défaillances du centre-ville.
Le Petit Blaisois : Pourquoi avez-vous été limogé ?
Louis Buteau : Tout d’abord nous avons un différend réel sur la politique nationale. Quand on n’est pas de la gauche protestataire, on n’a pas de place dans l’équipe de Marc Gricourt. Lui et le comité politique de la majorité municipale ne supportent pas qu’il puisse y avoir une vision de l’intérêt général et des questions économiques autre que la leur. Mais à cela s’ajoutent de différends sur les affaires locales notamment sur le centre-ville et la façon dont on doit traiter ses défaillances. Des désaccords existent depuis six ans, mais par loyauté envers la majorité à laquelle j’appartenais, je les ai longtemps tus.
LPB : Que pensez-vous du choix de Marc Gricourt de reprendre lui-même votre ancienne délégation ?
L.B. : Pour moi, il s’agit clairement d’une tentative de rattrapage du retard cumulé depuis six ans. Le centre-ville a été le grand oublié de la municipalité actuelle et pour essayer de sauver les meubles, on jouera les effets d’annonce pendant les dix-huit mois qui nous séparent de la prochaine échéance électorale. Voilà pourquoi le maire reprend en première ligne la direction des opérations.
Pour exemple le poste de manager du commerce. Il y a trois ans, au moment où la ville avait décidé de faire une coupe budgétaire sur le poste de développement commercial, la mission d’animation avait été déléguée à l’équipe de Blois Shopping. Moi, je m’y suis opposé en expliquant que le bénévolat avait atteint ces limites. Ce n’est qu’en décembre 2016, à la suite de la montée au créneau d’Yvan Saumet, président de la CCI et de Bruno Queste, président de la Fédération des commerçants, en rapport à la durée des travaux et à la souffrance du centre-ville, que le maire et son directeur de cabinet réagissent. Un poste sera créé à partir du second semestre 2017. Le recrutement du manager du commerce, présenté comme un acte volontaire, n’est que la normalisation de ce qui existait déjà.
LPB : Le renouveau du centre-ville passe-t-il par le centre commercial Saint-Vincent ?
L.B. : Cela prouve que cette majorité prend les choses à l’envers. Le propos de Marc Gricourt depuis 2010 est de tout focaliser pour le centre-ville sur le centre commercial à ciel ouvert du carré Saint-Vincent. Et cela sans prêter la moindre attention aux enjeux tels que l’habitat, les services, la mobilité et la liaison entre tourisme et activité commerciale.
Tant qu’on n’aura pas répondu à ces questions, on ne se sera pas donné les moyens pour qu’un centre commercial de 8000 mètres carrés voit le jour sans pénaliser les magasins existants. Aujourd’hui, nous n’avons pas la vision ni les outils fonciers ou juridiques pour que ce centre fonctionne avec succès.
LPB : Croyez-vous que le projet Saint-Vincent puisse mettre en danger les commerces actuels ?
L.B. : À mes yeux, deux risques majeurs sont liés à ce projet. D’abord, l’arrimage avec le centre-ville historique n’est pas fait de façon probante. Sur le papier on a l’impression que cela se passera avec fluidité. Mais, il suffit de faire un tour sur le terrain pour apercevoir qu’entre la fin de la rue Porte Côté et le futur emplacement du centre commercial il y a trois cents mètres à franchir qui sont un véritable obstacle pour la continuité commerçante. La rue Gallois, le square, l’église et le bâtiment des Jésuites sont autant d’éléments de rupture de la continuité piétonne.
Puis, il y a l’aspect financier. Nous ignorons combien cela va peser sur les dépenses de la ville alors que des opérations resteront à notre charge. En supposant que l’enchaînent soit favorable, permis de construire, fouilles archéologiques… comment engager de fonds publics dans une période de budgets contraints si l’on ne sait pas combien cela va vraiment coûter ?
LPB : C’est une erreur de poursuivre ce projet ?
L.B. : Le maire a fait ce choix en 2009. Le constat à l’époque révélait qu’il manquait au centre-ville des espaces configurés pour accueillir des boutiques répondant aux normes du commerce contemporain, aussi bien grandes enseignes que magasins indépendants.
Pour cela, il y avait trois solutions : Saint-Vincent, finalement choisie, Louis XII (recommandé par les études) et retravailler sur les dents creuses avec des opérations foncières sur le bâtiment Eurodif notamment, ou la zone de la rue des Juifs.
À ce moment-là, Marc Gricourt, arbitre, reprend un projet vieux de trente ans et désigne Saint-Vincent. Depuis, il ne veut pas en démordre. Saint-Vincent se fera peut-être par le volontarisme du maire.
LPB : Blois a été retenue dans le programme gouvernemental de revitalisation des villes moyennes. Est-ce que cela suffira à régler les problèmes de son centre-ville ?
L.B. :Il n’y a pas de vision partagée dans cette majorité sur ce que doit être le centre-ville de Blois. La bonne façon de procéder dans le cadre de ce programme eut été, non pas de dire que l’on était prêt, mais plutôt qu’on avait besoin d’une période d’étude de quelques mois pour travailler sur la question. Blois a présenté un amas de bouts de projets non finalisés et le dossier a été préparé par les services techniques sans la moindre intervention des élus.
Propos recueillis
par ARP