Chasse, modernité et crise du sauvage
Connaissez vous un livre qui parle de chasse et qui ne tombe pas des mains du lecteur non chasseur au bout de 10 minutes ? Il existe et son auteur est Charles Stépanoff , un ethnologue de premier plan. Ce spécialiste des sociétés chamaniques sibériennes s’est offert deux années d’une enquête immersive aux confins du Perche de la Beauce et des Yvelines, chez des chasseurs qui n’ont rien de primitif et qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à nos chasseurs solognots. Au bout du compte son regard d’anthropologue est tendre pour celui qu’il nomme un prédateur empathique, prisonnier des rapports ambigus entre chasse, protection et compassion. Au cours de son immersion, il se retrouve au milieu de veneurs aux prises avec des militants animalistes. Sans animosité aucune, il démonte les mécanismes qui concourent à l’incompréhension de deux mondes nourris de cultures diamétralement opposées. Charles Stépanoff pose beaucoup de questions qui n’auront de réponses que dans quelques années, mais il trace des pistes de réflexion bien documentées. Il le fait dans une langue claire et accessible, sans céder au jargon des sociologues qui ne parlent qu’à leurs pairs. Sa culture profonde l’amène à convoquer la préhistoire, la philosophie, les comportements éthiques des grands peuples chasseurs, sans éluder le choix de donner la mort qui révulse une frange de la société. Tout ceux qui veulent des bases pour affronter les débats entre pro et anti-chasse, inévitables en vue des prochaines présidentielles, trouveront une nourriture sensible et non moralisatrice d’une grande profondeur. A offrir à tout chasseur qui accepte de se poser des questions.
Prévoir quelques flacons consensuels, le débat peut se prolonger tard dans la nuit !
Marieke Aucante
L’animal et la mort – Chasse, modernité et crise du sauvage.
Charles Stépanoff
La Découverte
400 pages – 23€