Après le député du Cher, François Cormier-Bouligeon, c’est au tour du député de Loir-et-Cher, Guillaume Peltier, de déposer sa propre proposition de loi contre l’extension de l’engrillagement de parcelles privées solognotes. La région demeure sur le qui-vive.
À force de bonnes volontés, à défaut de mises en commun des hommes politiques entre eux, le sujet sortira peut-être incessamment du tunnel ? Même si le chemin semble encore tortueux. Mais Rome ne s’est pas construite en une journée. « Nous n’avons pas de baguette magique, » aura d’ailleurs réagi le député LR Guillaume Peltier, à Souvigny-en-Sologne, commune au carrefour des trois départements (Loir-et-Cher, Cher et Loiret concernés par l’engrillagement). «Ce qui ne veut pas dire ne rien faire. J’ai d’abord déposé au nom de mon groupe en 2018 un amendement limitant la hauteur des clôtures (à 1,20m et 30 cm au-dessus du sol), voté à l’unanimité des partis politiques au Conseil régional du Centre-Val de Loire. » Ce dernier, d’application localisée, se traduit ensuite dans les schémas aux acronymes des collectivités (SRADDET, SCOT, PLUI, etc.). Le problème persiste donc. Il y a 50 ans, étaient recensés quelques kilomètres de grillages; actuellement, ceux-ci s’étendent sur 4 000 à 5000 km ! “Alors, oui, ça demande du temps. Ce n’est pas un travail sur un coup de tête,” poursuit Guillaume Peltier. “Ont été organisées une centaine de réunions publiques, sans compter environ 80 autres réunions à huis clos. Nous avons dû faire se parler des avis contraires : associations, promeneurs, chasseurs, fédérations, agriculteurs… Mixer le tout. Et après 4 ans de travail, je dépose cette proposition de loi, qui a reçu le soutien de Willy Schraen, le président de la Fédération nationale de la chasse.»
Des grillages et même parfois un océan…
L’architecture dudit texte dudit député s’appuie sur un triptyque, à savoir : l’interdiction de toute nouvelle clôture qui gêne la libre circulation du gibier; le renforcement du droit de propriété avec la création d’un délit d’intrusion; le développement d’un corps de garde-chasses (plus précisément, doublement des effectifs de l’Office Français de la Biodiversité) pour contrôler les pratiques illégales de la chasse. Des exceptions seront permises, notamment pour des raisons de sécurité routière le long de grands axes de circulation, tout en laissant obligatoirement des passages pour les animaux. «Il faut d’abord dépasser les clivages, trouver un équilibre et stopper le phénomène. Et pour les 4 000 km existants, ce n’est pas rétroactif; toutefois, grâce à ma loi, il peut y avoir des destructions et désengrillagements volontaires, certains propriétaires m’ont confié leur volonté s’ils sont suffisamment juridiquement protégés. J’espère vraiment que ma loi sera votée par une majorité à l’Assemblée Nationale, » a insisté Guillaume Peltier. « Comme me le confiait Nicolas Hulot, il existe parfois un océan entre les acquiescements privés et le vote public. Nous verrons bien, j’ai hâte de voir les motivations réelles exprimées. » Et là encore, il conviendra de s’armer de patience car si tout se passe bien, sans barrage ni grillage mis sur la route législative, si la proposition est inscrite à l’ordre du jour, etc. etc., c’est vers l’horizon du printemps 2022, d’ici 12 à 24 mois, que la loi Peltier pourrait émerger. En sachant que le député du Cher LREM (ex PS), François Cormier-Bouligeon, entend également déposer la sienne… L’arbitrage sera sans aucun doute politique dans l’hémicycle. En attendant, le président de l’ACASCE (Association des chasseurs et des amis de la Sologne contre son engrillagement) Jean-François Bernardin, qui n’est pas politicien, a justement remarqué, affûté de son bon sens du terrain. «Au départ, Raymond Louis et son épouse (fondateurs des Amis des Chemins de Sologne, ndrl) ont jeté un pavé, tels des lanceurs d’alerte courageux. Depuis, je me félicite de ces avancées, fruit d’un travail collectif. Nous espérons un vote national pour faire taire certains arguments de certains propriétaires (les champignons, etc.). Ce sera long, ça avance malgré tout. Il est possible d’être propriétaire, chasseur – je le suis – pour la chasse et contre l’engrillagement. La loi Cormier-Bouligeon est une bonne idée aussi mais avec une réserve émise car notre crainte porte sur l’ambiguité chasse commerciale-chasse gratuite. Les grands propriétaires pourraient être tentés de créer des SA commerciales pour chasser grillagés; or, nous continuons de penser que la chasse en enclos n’est qu’une caricature, est condamnable. Qui peut le moins peut le plus. La nature est plus belle en liberté. Nous rêvons de retrouver une Sologne ouverte à laquelle nous sommes si attachés.» Alors après les feuilles de brouillon, à vos plumes, messieurs les députés précités. Et au passage du grillage, du côté du parti Europe Écologie Les Verts, silencieux sur le sujet alors qu’il n’était pas incongru de l’imaginer monter au piquet, dans tout ça, quelles idées dans la futaie… ?
Émilie Rencien