PORTRAIT Un jeune avec un projet professionnel à l’aube de ses dix-huit ans, c’est exemplaire. Enzo veut devenir pilote de ligne. En une semaine il a décroché son bac et sa licence de pilote.
Pierre Belsoeur
De juillet 2018 les Français retiendront sans doute la victoire de la France en coupe du monde de football, pour Enzo Cattania il restera l’année du bac, bien sûr, mais aussi de la PPL (pour Private Pilot Licence). Il n’a pas encore l’âge de conduire la voiture de maman, mais en un bel après-midi de dimanche il l’a embarquée, en compagnie d’un copain, dans un avion de l’aéroclub de Villers, direction les châteaux de la Loire.
Le commandant de bord a déjà les réflexes de la fonction. Une voix posée pour informer la tour de contrôle de son prochain décollage, un check-up minutieux de tous les voyants et manettes qui lui font face. Aucune précipitation avant d’aller savourer le bonheur d’évoluer dans les airs. On oublie qu’Enzo n’a pas tout à fait dix-huit ans et on se sent en pleine confiance aux côtés de ce gaillard tranquille.
« Mon père est pilote chez Air France, mais au début je ne m’intéressais pas particulièrement à son métier et puis un jour il m’a emmené en voyage avec lui et j’ai pu entrer dans le poste de pilotage. J’ai été impressionné par la forêt de voyants, mais je ne me voyais vraiment pas capable de maitriser un jour toutes ces données. » Seulement le virus venait d’être transmis et dans ses dernières années de collège l’idée a fait son chemin. Un cousin d’Enzo possédait un simulateur de vol, le jeune homme a pu se familiariser avec les échanges entre le pilote et les aiguilleurs du ciel et puis il s’est inscrit aux cours du Brevet d’Initiation Aéronautique (BIA) à son entrée en seconde. « La préparation du BIA est gratuite, elle dure deux ans, à raison de deux heures de cours par semaine. Nous étions une dizaine au départ, il y a eu évidemment des abandons et nous sommes deux, je crois à avoir poursuivi l’apprentissage du pilotage après avoir suivi ce cursus. »
Entre temps, à 15 ans, Enzo avait eu l’occasion de faire un stage de vol à voile. « J’étais trop jeune à cette époque pour le vol moteur, mais je suis retourné l’année suivante sur le même terrain de Chartres et au bout de huit heures de pilotage, j’ai été lâché. » Lâché, cela signifie que l’instructeur a décelé suffisamment de maîtrise de son élève pour l’autoriser à décoller seul pour effectuer une boucle au-dessus du terrain.
Lâché après huit heures de cours
Cette fois Enzo entrait vraiment dans la filière des futurs pilotes. C’est à Villers, sous la houlette d’Alexandre Trottet, l’instructeur du club, qu’il va faire ses trente premières heures d’apprentissage. Trente heures aux commandes de l’avion, au côté de l’instructeur, mais aussi pas mal à terre pour se mettre en tête les procédures, car la sécurité est évidemment le maitre mot de la Fédération Française Aéronautique et la Direction Générale de l’Aviation Civile qui la contrôle. Une Fédé qui offre une aide de 1200€ aux titulaires du BIA pour passer le fameux PPL, encore faut-il avoir les moyens de réunir les 4.800€ restant.
Enzo a bouclé brillamment les trente heures, les quinze heures en solo, avec des parcours triangulaires vers Limoges et Châtellerault. Il était donc mûr pour l’examen. «Il se compose d’un examen théorique sous forme de QCM que j’ai passé en octobre 2017 avec au programme: météo, règlementations, connaissance de l’avion, mécanique de vol. Et puis, début juillet, les deux heures de vol de certification avec préparation du vol, simulation de pannes, navigation bien entendu.
Quarante-cinq heures de vol, ça ne suffit évidemment pas pour partir à l’aventure aux commandes du Robin de 155 chevaux. Il faut accumuler les heures de vol et donc avoir un budget conséquent. Ce brevet va lui permettre en tout cas d’aller rejoindre son père en Bretagne et tous deux pourront se retrouver autour de cette passion commune.
Et le BAC au fait ? «Bac S, mention assez bien, je me suis planté en physique, mais j’ai eu le choix entre une école d’ingénieurs à Angers et une école d’ingénieurs aéronautique à Paris. Mon but c’est ensuite d’entrer à l’école nationale d’aviation civile (ENAC). J’aime bien les maths et j’adore parler anglais.»
Entre temps Enzo espère bien compléter son bagage avec des certifications comme remorquage de planeur ou pouvoir faire du co-avionage. Une façon intéressante de se faire de l’argent de poche.
Enzo a la tête dans les étoiles, mais les pieds bien sur terre.