La Fédération de chasse du Loiret CFDC 45 ne parvient plus à équilibrer ses comptes, plombés par le coût de l’indemnisation des cultures agricoles. À défaut de trouver une solution très rapidement, elle pourrait même déposer le bilan.
Voilà une situation que les chasseurs n’avaient pas envisagée, et que personne ne pensait même possible. La liquidation judiciaire d’une Fédération de chasse, et en l’occurrence celle du Loiret (qui ne fait pas exception en France). Depuis des décennies, les saisons se succèdent sans trop d’embûches. Pourtant, depuis quelques années des difficultés nouvelles se font jour, dues en particulier au changement climatique, à la sècheresse et aux inondations qui mettent le gibier en difficulté. Et cette année 2022 semble vouloir porter le coup de grâce. Car voilà que se sont invitées des crises mondiales. Après le Covid-19 et les restrictions de chasse, voilà la guerre en Ukraine et ses conséquences : le coût de l’énergie, du transport et donc des céréales qui flambe. « C’est là que le bât blesse, explique François Lecru, secrétaire général de la Fédération départementale du Loiret. La Fédération indemnise les dégâts des animaux au prorata du prix des céréales ». Un coût moyen qui est passé de 21 à 32€ le quintal. « Non seulement le prix est devenu exorbitant, poursuit François Lecru, mais le nombre de dossiers ouverts augmente et les surfaces de culture concernées sont elles aussi en augmentation ». L’équation devient donc difficilement tenable, au point qu’Alain Machenin, Président de la FDC45 n’y va pas par quatre chemins : « L’avenir de notre passion est en jeu ».
L’équation est complexe
Précisons avant tout que le budget de « fonctionnement » courant de la FDC45 est parfaitement équilibré. C’est le budget « indemnisation » qui est en danger. Autrefois équilibré à 1,6M€, il sera clôturé à 2,8M€ pour 2022. Le budget de l’année cynégétique à venir (de juillet 2023 à juin 2024), qui sera présenté au vote des administrateurs en avril prochain, est même prévu à 4M€. Il manquerait donc 1,5M€. « Je ne peux pas présenter un budget déficitaire, explique le trésorier de la FDC45 Mathieu Tiexeira, au risque d’être retoqué par le commissaire aux comptes. Il faudra donc trouver un levier ».
En terme comptable, les recettes proviennent des permis de chasse eux-mêmes (200€ pour le national, non négociable puisque validé par l’Etat), des « contributions à l’hectare » et des bracelets. Les dépenses, quant à elles, sont la rémunération de la vingtaine de salariés et les indemnisations pour les dégâts de gibier. Une solution consisterait donc à multiplier par trois le prix des bracelets (20€ / 60€) ainsi que les contributions à l’hectare. « Chasser dans le Loiret coûterait plus cher, observe François Lecru, les petits propriétaires ruraux seraient pénalisés, et l’on risquerait de voir le nombre de chasseurs diminuer ».
L’État a bien promis une participation de 20M€ pour l’ensemble des Fédérations départementales, en compensation de l’augmentation du coût des céréales. 70% ont été versés, mais cela ne suffit pas. Rappelons d’ailleurs que la Fédération de chasse est une association à mission de service public. Willy Schraen, son président national, précise pourtant « que la Fédération ne peut pas indemniser 100% des dégâts quand on ne chasse que 60% du territoire ». Ceux qui peuvent décider d’une journée de chasse en plus, ce sont les détenteurs de plans de chasse et les propriétaires eux-mêmes.
Alors quid ?
La fédération pourrait-elle être en liquidation judiciaire en 2024 ? François Lecru n’exclue pas cette éventualité, après qu’elle aura épuisé ses réserves, de l’ordre de 3M€. La FDC45 est aussi propriétaire d’un terrain à La Ferté-Saint-Aubain, sur lequel elle assure les formations au permis de chasser. Elle pourrait envisager de le vendre.
Avant d’en arriver là et de présenter son budget 2023/2024, elle épluche chaque ligne de son budget pour trouver des économies salvatrices. « La solution consisterait à créer rapidement un fonds d’indemnisation, de l’ordre de 50€/permis. Il faudrait bien entendu que cette décision soit nationale pour qu’il n’y ait pas de distorsion d’un département à l’autre ». Mathieu Tiexeira s’en est déjà ouvert au président national.
Reste le monde agricole, qui pourrait lui aussi faire pression auprès de l’État et demander des indemnisations en cette période de crise économique mondiale.
Quoi qu’il en soit, un budget en perte serait retoqué, un budget à l’équilibre suppose un effort que devront consentir les chasseurs. Et si aucune solution ne fait consensus, c’est la préfecture qui deviendrait administratrice de la FDC45 avec les conséquences drastiques que l’on peut imaginer (réduction de personnels notamment).
À qui la faute ?
Il est loin le temps où les agriculteurs avaient le « droit d’affût ». Les plus anciens se souviendront qu’il avait été négocié par les chasseurs, en échange de la gestion d’un plan de chasse. C’était il y a 35 ans !
Pourtant, certains chasseurs affirment aujourd’hui qu’il y a moins de sanglier que par le passé. Mais comptablement, la Fédération ne fait pas le même constat. Elle rappelle même qu’il est important de ne pas donner de consignes qualitatives et quantitatives pour les tableaux, hormis bien sûr de ne pas tirer les laies suitées. « Il faut tirer les sangliers », insiste François Lecru, d’autant que certains très grands territoires ne sont pas chassés en totalité ». En forêt d’Orléans notamment, où certaines parcelles dépassent les 1 000 ha, permettant à certains lieux de laisser se développer les populations sans être dérangées. Il n’est d’ailleurs pas rare de trouver des sangliers aux abords des zones industrielles. Dans son ensemble, on l’a dit, on ne chasse que 60% de l’Hexagone.
Sur les territoires chassés normalement, il n’est pas rare non plus que les tireurs ne veuillent pas emporter de viande, soit qu’ils en aient déjà trop dans leurs congélateurs, soit qu’ils ne peuvent pas le faire transformer assez facilement. Trop peu de bouchers-charcutiers volontaires au regard des règles sanitaires. La filière de transformation dont on parle depuis si longtemps n’est toujours pas sortie de terre.
Enfin, ajoutons, et c’est peu glorieux, que l’on trouve en Loiret comme en Sologne, des cerfs de Nouvelle Zélande et du sanglier de Pologne. Cherchez l’erreur !
Stéphane de Laage