Il ne faut pas être un grand maître de l’expertise politique internationale pour constater que, partout dans le monde, des populations se soulèvent contre leur gouvernement. Le nombre de manifestants qui descendent aujourd’hui dans les rues des capitales se chiffrent souvent par millions. Un phénomène (si cela en est un) qui s’étend un peu partout sur la planète et que de savants observateurs qualifient de « nouveau ». Les motifs de la contestation et des colères des peuples ont, globalement, les mêmes racines à savoir (et ce, bien au-delà des conflits nés des religions et de toutes autres appartenances communautaires) qu’ils veulent manger à leur faim, jouir des libertés fondamentales, obtenir une juste répartition des richesses nationales, avoir un meilleur accès aux soins, à l’éducation nationale et au logement etc. Mais il est, maintenant, une autre exigence systématique qui apparaît dans les revendications : l’éradication de la corruption publique. Celle-ci, depuis quelques mois, se fait de plus en plus pressante au point où elle est devenue, si l’on en croit les conclusions d’études d’organismes internationaux tels que le « Transparency International » qui a travaillé sur l’indice de corruption de 180 pays, essentielle, prioritaire et urgente. Il est vrai que l’existence possible d’une démocratie passe obligatoirement par l’assainissement des mœurs d’une nation, quelle qu’elle soit. En effet, plus un régime politique est autoritaire, plus la classe politique et ses fonctionnaires sont corrompus. Le Chili, le Brésil, la Syrie, le Soudan, l’Irak, la Lybie, les « Guinée », le Venezuela, l’Afghanistan, le Burundi, le Tchad, la Hongrie, l’Ukraine, pour ne citer que les pays les plus souvent cités par la presse nationale, en sont les tristes exemples. Mais attention, l’évolution de la corruption, si l’on se réfère à un autre organisme international tel que le « World Justice Project » (Projet de justice mondial) grignote, avec régularité, le cœur de sociétés pourtant démocratiques tels plusieurs pays d’Europe de l’Est mais aussi, constate le « World Justice Project », les États-Unis. La France est relativement épargnée par ce qui pourrait être une tendance globale et actuelle. Néanmoins, et même si cela reste presque insignifiant, des sociologues notent une augmentation régulière dans notre pays des condamnations (chiffres du ministère de la justice) pour « corruptions de fonctionnaires ». Ainsi, de 1987 à 1992 ,une centaine de personnes ont été jugés et condamnés ; en 1993, le nombre de condamnations a augmenté en passant à 200 ,et dès 1999, les condamnations ont encore augmenté pour, en 2010, « atteindre un niveau historique, jamais observé jusque-là » nous dit un communiqué de l’Assemblée Nationale qui souligne aussi que la corruption, dans l’Hexagone, touche surtout les secteurs professionnels des travaux publics et de l’industrie de l’armement. Précisons que ces chiffres sont à relativiser car la législation française s’est durcie en matière de corruption et les seuils de tolérance ont changé, ce qui expliquerait la croissance des faits constatés en la matière. Ce qu’il y a, enfin peut-être, d’alarmant, ce sont les sondages d’opinion qui, en parallèle des études faites sur la corruption, indiquent avec une constance étonnante (sondage TNS Sofres) « que 72 % des Français ont le sentiment que les politiciens sont corrompus ». Une considération quelque peu péremptoire quand on sait que les sondages sont fluctuants en fonction du moment où ils sont réalisés. Reste une réalité : les citoyens du monde entier croient de moins en moins en des systèmes politiques traditionnels dont les représentants des peuples sont désignés par des élections. En France, on l’a noté avec le mouvement des Gilets jaunes qui a refusé d’élire un ou plusieurs porte-paroles. C’est le cas dans les nombreux pays qui se soulèvent aujourd’hui et font entendre, à travers le monde, leur colère et revendication. Seuls, en l’absence d’élus, ils se révoltent pour une augmentation du pain, d’un ticket de métro, d’un litre d’essence et descendent, par millions parfois, dans la rue en faisant fi de la démocratie dont ils ne reconnaissent plus les vertus. Aujourd’hui, un mouvement mondial semble être lancé. Les populations concernées aspirent publiquement à plus de justice sociale et à la transparence économique car c’est par cette voie que la corruption publique sera mise à mal. Et qu’on se le dise : il est dangereux, pour la paix du monde, que les élites trop habituées à imposer des décisions qui, parfois, ne leur appartiennent pas tant ils ne sont que les représentants d’intérêts économiques douteux, continuent, pour entraver de justes revendications, d’user des vieux outils que sont les campagnes de dénigrements, des actes de harcèlement par d’incessantes actions en justice, des obstacles bureaucratiques, des nouvelles et opportunistes décisions législatives ou, dans le pire des cas, par la violence étatique pour faire taire celles et ceux qui, de plus en plus nombreux, aspirent à un bien-être légitime et veulent enrayer une corruption galopante et déjà mondialisée. Mais tout n’est pas perdu, loin de là. Pour garder espoir en l’avenir, il nous faut croire en la démocratie. Alors, pour clore ce billet de mauvaise humeur, rappelons-nous la phrase, fameuse, de Winston Churchill qui nous dit que « La démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres »en ajoutant aussitôt « L’opinion publique, exprimée par tous les moyens constitutionnels, devrait façonner, guider et contrôler les actions des ministres qui en sont les serviteurs et non les maîtres ».